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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
31 mars 2009

Stock options aux managers, queues de cerises aux inventeurs

      Rémunération supplémentaire aux Inventeurs Salariés

et Stock Options aux Managers

Pendant son activité professionnelle, tout individu cherche à s’épanouir dans l’entreprise, à donner sa meilleure contribution pour la faire prospérer, lui faire gagner des marchés.  Mais, il s’attend bien évidemment - et peut être naïvement ? - à obtenir en retour une juste récompense en rapport avec l’investissement qu’il donne et les améliorations et résultats qu’il observe.

C’est tout du moins ce qu’il faudrait logiquement pour qu’il y ait une bonne efficacité de fonctionnement dans nos entreprises.

Mais qu’en est-il en 2008 de ces récompenses dans nos entreprises industrielles françaises ?

Evolutions des récompenses dans les entreprises :

Depuis de nombreuses années, dans les entreprises modernes, les dirigeants cherchent à associer les salariés aux résultats de l’entreprise, de façon à les motiver et par ce biais à améliorer le fonctionnement et les résultats, et par voie de conséquence augmenter les bénéfices. Certains dirigeants ont très bien compris et intégré ce principe, d’autres moins. On peut citer les dispositions d’encouragement suivantes :

-         L’intéressement des salariés aux bénéfices instituée par le Général de Gaulle en1959 , plus tard complétée en 1967 par la « participation » obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, et ce en dépit de l’avis opposé du patronat (CNPF) de l’époque.

-         les primes fixes diverses conditionnées par des fins de réalisation de travaux

-         les opérations de type « boite à idées » dépendant des bénéfices escomptés

Le 26 mai 2008 le Président de la République a annoncé sa décision de faire voter  dès juillet 2008 une loi incitant fiscalement les entreprises à  doubler en 4 ans l’intéressement des salariés, mesure encouragée grâce à un crédit de 20% d’impôt sur les sommes supplémentaires versées.            

Récemment, depuis une dizaine d’années et vraisemblablement sous l’influence des pratiques dans les entreprises américaines, un nouveau principe  a fait son apparition : la distribution de droits de souscriptions, plus connus sous l’appellation de « Stock - Options ».

Récompense des Managers par distribution de Stock Options :

A ce jour, la plupart des grandes sociétés ont mis en place ce genre de récompense, mais l’ont essentiellement limité aux managers, aux décideurs.

Ce qui correspond à une distribution à une certaine catégorie de salariés  ayant des positions hiérarchiques élevées. On peut considérer qu’environ 1 à 5% des individus sont concernés. Il existe des exceptions comme SAP AG qui les distribue à 100% du personnel.

Pour bien se rendre compte de l’importance de ces récompenses, considérons les entreprises du CAC40. Un récapitulatif a été établi par le journal l’Expansion en mai 2007 – source (1) -

Des indications sont données pour 36 des 40 sociétés. Sans prendre en compte les récompenses données aux hauts dirigeants qui sont nettement plus importantes, faisons quelques moyennes, donc uniquement sur leurs Managers :

- Pour les 5 entreprises les plus généreuses - Vallourec, Veolia environnement, Vinci, AGF, LVMH : 3 782 personnes au total, soit 756 par entreprise ont perçu des stock-options et ont chacune une plus- value potentielle de 809 000 euros pour l’année considérée, en plus du salaire.

- Pour les 36 entreprises : 46 842 personnes au total, soit 1300 personnes par entreprise, ont perçu des stock options et ont chacune une plus value potentielle moyenne de 196 500 euros pour l’année considérée, en plus du salaire.

Il s’agit d’un cliché, à un instant donné, en l’occurrence en mai 2007, et ces valeurs dépendent, bien sûr, des évolutions journalières des cours respectifs de Bourse de ces entreprises.

Plus précisément, ALSTOM, grande entreprise dynamique de 65 000 salariés bien souvent citée en exemple, donne dans son rapport annuel le détail des distributions de stock- options aux managers 

– voir  page 52 du rapport Annuel 2006-2007 consultable sur son site internet (2) -

Au plan 7 de juillet 2004 exerçable en 09/2007, 1007 personnes (hauts dirigeants exclus) ont perçu 2 783 000 stock options, soit en moyenne 2750 stock- options par personne, données au prix de 17,2 euros.

La plus- value potentielle moyenne par individu, en juin 2008, est de (140 x 2750) = 385000 euros.

Soit une récompense de près de 400 000 euros, en plus du salaire annuel (estimons le à 120 000 €) pour chacun des 1007 bénéficiaires.

En conséquence et sauf erreur, à titre de récompense pour leur bon management, ALSTOM octroie à 1007 managers  une récompense équivalente à 3 fois leur salaire annuel, pour le travail de l’année considérée.

Rémunération supplémentaire des Inventeurs Salariés :

Les inventeurs réalisant des inventions d’intérêt exceptionnel, c'est-à-dire générant des chiffres d’affaires importants dans les sociétés sont infiniment moins nombreux que les managers cités plus haut. On peut  estimer leur nombre à seulement 2 à 4 par société du CAC 40 comparativement aux 1300 managers/société cités plus haut.

Le nombre total d’inventeurs cités dans les brevets déposés par chaque société du CAC 40 est lui aussi très faible en regard des effectifs de ingénieurs, chercheurs de

la R

& D et de cadres techniques et technico-commerciaux susceptibles de concevoir et de réaliser des inventions brevetables.

A l’échelle nationale on peut estimer à 20 000 tout au plus le nombre de co-inventeurs et d’inventeurs cités dans les brevets français et européens déposés par l’industrie et la recherche françaises, qui comptent entre 600 000 et 1 million de cadres, de techniciens, de chercheurs et d’ingénieurs susceptibles d’inventer lors de leurs fonctions !

Leur invention  permet en général de générer du CA supplémentaire et des bénéfices substantiels, compte tenu de la moindre concurrence dans cet environnement protégé par le (ou les) brevet(s) en question.

« Les inventions sont les vitamines de la société » a fort justement déclaré en septembre 2007 en présentant son projet de loi de Finances Mme Christine LAGARDE, actuel Ministre de l’Economie, de l’Industrie et des Finances.

Ces inventeurs par leurs activités inventives contribuent dans une proportion souvent considérable aux résultats de la société. Compte tenu des difficultés propres  à la conception et à la mise au point d’inventions brevetables et industriellement exploitables, il n’est pas inexact d’estimer que toutes choses égales par ailleurs, leur mérite inventif est supérieur  à celui – réel sans doute, mais d’une autre nature et qui relève essentiellement de la routine du travail quotidien – des nombreux managers cités plus haut. Lesquels ne font bien souvent qu’appliquer les politiques et stratégies définies par les dirigeants des états- major du Groupe.

Quelle est la rémunération supplémentaire donnée à ces inventeurs ?

Dans le cas des sociétés du CAC 40, comme dans les autres sociétés sauf exception, les rémunérations supplémentaires sont dérisoires, voire même inexistantes dans certaines sociétés. Dans le cadre de la loi du 26 novembre 1990 (article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle) compte tenu du caractère obligatoire de la rémunération supplémentaire d’invention on trouve fréquemment comme rémunération supplémentaire d’invention - sauf dans des cas particuliers de type Air Liquide - des sommes symboliques de l’ordre de 1000 euros, parfois 2000 euros versés lors des extensions des demandes de brevets à l’étranger.

En fait, en regard des chiffres d’affaires et des profits souvent importants, parfois colossaux (dans l’industrie pharmaceutique on appelle « blockbusters » les nouveaux médicaments brevetés qui génèrent des chiffres d’affaires supérieurs à un milliard de dollars) une simple aumône donc,  est accordée une fois pour toutes et non pas annuellement comme les stock options.

Certains inventeurs prenant leur courage à deux mains osent contester et réclamer des rémunérations supplémentaires plus en rapport avec les CA générés par leur invention, c’est-à-dire avec l’intérêt économique de leur invention.

Comme cela est du reste expressément prévu par des conventions collectives comme celle de la Chimie et comme cela a été confirmé par l’arrêt Raynaud c/ Hoechst Roussel Uclaf du 21 novembre 2000 de la Chambre commerciale de la Cour de cassation.

En guise de réponse tout dialogue est généralement refusé et ils sont brutalement licenciés, quelle que soit leur position hiérarchique et leur notoriété de chercheurs scientifiques de haut niveau voir Etudes sur les blogs : http://jeanpaulmartin.canalblog.com/ et   http://inventionsalarie.neufblog.com/ . On voit ainsi des salariés de tous niveaux, du technicien non cadre au directeur R & D, de Production, directeur technique, conseiller scientifique du Président de l’entreprise, etc.… jetés sans ménagement à la porte de l’entreprise simplement pour avoir demandé une rémunération d’invention en rapport avec les profits que l’entreprise en a retirés.

Ce qui en dit long sur le mépris de leurs employeurs à leur égard.

Dans le cas d’Alstom cité plus haut, l’inventeur reçoit une prime symbolique de 500 euros bruts quelle que soit l’importance de l’invention et de son exploitation commerciale, son intérêt économique pour la société - voir la Note « Siemens et ses Brevets » sur les deux blogs précités -

Quel traitement discriminatoire en regard des services rendus ! Quelle injustice ! Faut-il continuer dans cette voie ?

La réponse est NON, bien évidemment ! 

Ces comparaisons de rémunérations supplémentaires distribuées entre les managers (nombreux) d’une part et les réels inventeurs (rares) d’autre part sont très intéressantes. Elles montrent bien l’état d’esprit rétrograde persistant encore dans les entreprises françaises.

«Une partie du monde patronal en est encore à une conception archaïque dans les relations inventeurs salariés - employeurs, presque digne de l’Ancien Régime ! » relève JF Campion  (3)

Ce n’est pas le cas dans les prospères entreprises allemandes – voir notamment le régime de rémunérations supplémentaires et aussi de reconnaissance des Inventeurs chez Siemens -

On peut comprendre la profonde déception des inventeurs constatant d’avoir en quelque sorte fait  « fausse route » … !

Ils ont plus que largement contribué aux profits de l’entreprise dans laquelle ils s’investissent, et ils constatent qu’on ne leur accorde qu’une piètre aumône (1000 euros) alors que leurs nombreux collègues managers en recueillent pour eux, tous les bénéfices par la copieuse distribution de stock- options : rétribution supplémentaire jusqu’à 1 à 3 fois leur salaire annuel selon les statistiques citées plus haut !!

  • Pour la toute petite poignée d’inventeurs salariés qui permettent aux dirigeants, managers et actionnaires d’encaisser de très considérables dividendes et plus- values de stock- options : 1000 à 3000 € (bruts soit 600 à 1800 euros nets après charges sociales et impôts)
  • Pour les centaines de managers de chaque Entreprise : chacun 400 fois plus que pour les inventeurs !!

Le pouvoir politique a-t-il – enfin - pris conscience de l’absolue nécessité de récompenser réellement les inventeurs salariés par un intéressement proportionnel aux revenus retirés de l’exploitation commerciale ou industrielle de leurs inventions ?

On peut l’espérer au vu de la création d’une commission - ou plutôt d’un « Groupe de travail » - le 9 novembre 2007, chargé par le ministre de la Propriété industrielle à cette date Hervé Novelli de formuler des propositions en ce sens pour les salariés inventeurs de l’industrie privée.

(NB. : Depuis avril 2008 le secrétaire d’Etat Hervé Novelli a été en tant que responsable de

la Propriété

industrielle remplacé par le Ministre de l’Economie, de l’Industrie et des Finances Christine LAGARDE).

Mais paradoxalement au sein de cette commission ou Groupe de travail « RS/IS » du CSPI chargée de préparer un rapport susceptible de servir de base à une future loi, les inventeurs salariés, qui sont l’objet même de cette commission, ne comptent pas même un représentant pour défendre leurs intérêts ! De sorte que quasiment tous les membres de ce Groupe de travail sont des représentants directs ou indirects du MEDEF et des milieux patronaux en général. Dont l’hostilité traditionnelle à toute mesure en faveur des inventeurs salariés est bien connue…et injustifiée.

Ainsi dans son Rapport du 9 mai 1978 le député Claude Martin indiquait déjà (page 8) que le problème des inventeurs salariés était évoqué au Parlement Français de façon récurrente depuis…1924 et laissait clairement comprendre que chaque tentative de faire adopter une proposition de loi sur ce sujet avait été rejetée !! .

De même, lors des débats à l’Assemblée nationale du 24 novembre 1977, le député André Boulloche tirait déjà la sonnette d’alarme sur la non- représentation des intérêts des inventeurs salariés en ces termes : « On peut se demander quelquefois si le point de vue des entreprises ne se trouve pas surreprésenté alors que les inventeurs salariés, mal organisés par nature, ne trouvent guère la possibilité de faire entendre leur voix. »

Les faits ci-dessus le prouvent : quand les grandes entreprises du CAC 40 accordent à chacun de leurs nombreux managers 400 fois plus de suppléments annuels de rémunérations qu’à leurs inventeurs salariés, qui ne sont qu’une poignée infime en regard des centaines, des milliers de managers, mais une poignée qui rapporte des centaines de millions d’euros de profits aux entreprises !

De quoi pour ces inventeurs être véritablement écoeurés par un traitement discriminatoire aussi injuste…

Les nombreux arguments avancés par les milieux patronaux pour se justifier sont aussi fallacieux qu’ineptes. L’Association des Inventeurs Salariés (AIS) a démontré leur inanité. Qu’on ne vienne pas avancer, notamment, que les entreprises françaises délocaliseraient si des mesures légales substantielles rendant justice aux salariés auteurs d’inventions sont adoptées !

Si ces menaces récurrentes étaient suivies de mises à exécution, les Groupes industriels qui les profèrent devraient depuis longtemps avoir délocalisé leurs centres de recherches et développement hors d’Allemagne et du Japon, pays où les inventeurs salariés bénéficient des lois les plus avantageuses pour eux.

Or lorsqu’on enquête sur ce point on constate qu’il n’en est évidemment rien ! Ce sont même au contraire ces deux pays qui hébergent souvent les centres de recherches, et ce en raison de la compétence et de la productivité de leurs chercheurs salariés...largement dues aux mesures légales incitatives qui ont institué des rémunérations supplémentaires substantielles de leurs inventions de mission !

Puisse l’étude comparative exposée ci-dessus, révélatrice d’une injustice aussi choquante qu’inacceptable, inciter les dirigeants du MEDEF/ CGPME/LEEM au sein du GT/IS du CSPI à réfléchir et à réajuster leurs positions !

Il en va de l’avenir de l’innovation en France, bien mal en point actuellement. Voir par exemple les difficultés actuelles dans l’industrie pharmaceutique, qui licencie des milliers de commerciaux, de visiteurs médicaux (Sanofi-Aventis, Pfizer…) parce que la recherche et développement en matière de nouveaux médicaments piétine, tandis que les brevets protégeant des blockbusters tombent un à un dans le domaine public. De sorte que les commerciaux se retrouvent en sureffectifs…

Est-ce par la poursuite d’une politique malthusienne et à courte vue en matière de rémunération supplémentaire d’inventions de salariés que l’industrie pharmaceutique pourra redresser sa situation ? Certainement pas.

YR – membre de l’Association des Inventeurs Salariés                                               -Juin 2008-

(1) http://www.lexpansion.com/economie/classement/stock-options.asp?idc=124716

(2)http://www.alstom.com/home/investors/financial_results/fy_2006_07_annual_results/43241.FR.php?languageId=FR&dir=/home/investors/financial_results/fy_2006_07_annual_results/

(3) http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=30593

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