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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
26 juillet 2010

Validité de l'article 17 II 2° de la CCNIC

Jugement du TGI de Paris LEVASSEUR- CRUZ c/ Laboratoires GOEMAR du 13 janvier 2010

Cette décision aimablement communiquée par Me Michel ABELLO, est définitive. Elle fait suite au jugement du même TGI de Paris en date du 24 septembre 2008 (V.nos commentaires sur ce blog à l’adresse    : http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/2008/09/29/index.html 

La décision du 24/09/2008 avait « Avant dire droit au fond, sur le montant de la rémunération supplémentaire pour les brevets exploités, institué une consultation en tous droits et moyens des parties demeurant réservés à cet égard, désigné en qualité de consultant M. N. »

Le Laboratoire GOEMAR « verse aux débats un document intitulé  « Bilan économique partiel du vaccin des plantes » d’après lequel  le chiffre d’affaires net pour 2006- 2007 est de 1 164 985 euros, la marge brute est de 464 264 euros mais la marge nette serait déficitaire, de – 862 736 euros. »

Mais comme le fait remarquer Mme Levasseur- Cruz, « ce bilan ne reprend pas les subventions qui ont été accordées. »

L’inventeur salarié demande donc une rémunération supplémentaire pour des inventions dont , d’après les pièces produites par l’employeur, l’exploitation a été déficitaire.

Le problème venant de ce que durant sa présence dans l’entreprise, la salariée Mme Levasseur- Cruz n’avait perçu aucune rémunération supplémentaire après les dépôts de 7 brevets de 1992 à 1999, malgré plusieurs demandes en ce sens. En 2006 le Laboratoire GOEMAR lui avait offert 2500 euros globalement pour les 7 brevets déposés, dont 3 étaient exploités pour un seul et même produit dit « vaccin des plantes ».. Ce qu’elle a refusé, estimant cette proposition insuffisante.

Le consultant a déposé son rapport le 17 mars 2009. Au titre des 3 brevets exploités la salariée inventeur demandait 60 000 euros.

Le consultant a conclu son rapport de la façon suivante :

« Le compte de résultat analytique du vaccin des plantes du laboratoire GOEMAR fait apparaître une marge sur coûts variables positive à fin 2007. Cette marge sur coûts variables n’est cependant pas suffisante pour absorber les coûts directement liés à l’exploitation de cette invention : frais de personnel, de recherches et développement et commercial. Le laboratoire n’a pas pour autant abandonné tout espoir de pouvoir rentabiliser cette activité jusqu’ alors déficitaire comme en témoignent ses demandes de dépôt et d’homologation à l’étranger et ses demandes d’application étendues en France. »

Le jugement poursuit :

« Le consultant a déterminé la marge sur coûts variables dégagé par le vaccin des plantes, pour la période écoulée entre l’année 2000 de l’année 2007. Il en résulte un résultat positif à fin 2007.

Le consultant a , limitant les frais commerciaux affectés au vaccin des plantes à 8% des frais totaux, déterminé que compte tenu du versement d’une subvention de 1 186, 633 euros, la marge nette totale après subventions, pour la période 2000 à 2007 s’élevait à – 705 149 euros. «

Le tribunal confirme que d’après l’attestation versée aux débats par son ancien supérieur hiérarchique, la salariée inventeur a fait preuve d’activité inventive et participé de manière essentielle à l’innovation ayant conduit aux dépôts de brevets pour lesquels elle est citée  comme co- inventeur. »

Le délai de 10 ans de l’article de la Convention collective des Industries chimiques

Corrélativement à l’article 19 II 2° de la Convention collective des Industries chimiques applicables en l’espèce, qui exige que l’invention ait été exploitée dans les 10 ans du dépôt du brevet pour que le salarié ait droit à gratification, les juges du fond  décident que « Pour  apprécier l’exploitation des brevets il convient d’examiner la période de dix ans écoulée depuis le dépôt du brevet le plus récent soit le 18 juillet 1997. » (sur les 3 brevets exploités dans le cadre du produit- vaccin en cause).

Phrase d’après laquelle le tribunal n’aurait pris en considération que cette période de 10 ans se terminant en 2007 pour l’exploitation et ses aspects comptables, et donc la rémunération supplémentaire de la salariée inventeur… Alors que le rapport du consultant est daté du 17/03/2009. Il eût semblé logique que la période prise compte s'étende au moins jusqu'à cette date et le cas échéant par extrapolation sur plusieurs années au-delà, d'autant plus que d'après le jugement le Laboratoire GOEMAR espérait bien réaliser ultérieurement des bénéfices d'exploitation.

Rien d'interdit en effet aux juges du fond de tenir compte de l'exploitation future espérée postérieurement à la date du jugement définitif, compte tenu des perspectives du marché, comme cela a été le cas dans l'affaire RAYNAUD c/ HOECHST ROUSSEL UCLAF (CA Paris 17/12/1997, C. cass. 21/11/2000)

Par ailleurs l' interprétation  faite par le tribunal de l’article 17 II 2°  de la CC des Industries chimiques est erronée et procède d’une confusion. Elle est confirmée par les passages ci-dessus du rapport du consultant et du jugement, d’après lesquels seule la période 2000 à 2007 - d'une durée de 8 ans comprise dans les 10 ans du dépôt du brevet le plus récent -  a été prise en compte pour le chiffre d’affaires, les marges bénéficiaires et donc la rémunération supplémentaire, laquelle doit d’après la CC des Industries chimiques prendre en compte l’intérêt commercial c'est-à-dire le chiffre d’affaires et les bénéfices.

Le délai de 10 ans de l’article 17 est celui dans lequel  l’exploitation industrielle doit avoir commencé pour que le salarié ait droit à gratification, et non la période d'exploitation à prendre en considération à l'intérieur des 10 ans consécutifs au dépôt du brevet !..

Par ailleurs le TGI de Paris 3ème Chambre 3ème section ne s’est pas posé la question de la validité de ce délai de 10 ans de la CC des Industries chimiques. Il convient de rappeler sur ce point que deux décisions ont déjà estimé invalide et réputé non écrit donc inopposable au salarié inventeur le délai de 10 ans en cause dans cette Convention collective :

-          TGI de Paris (3ème Chambre 2ème section) RUBINSTENN c/ L’OREAL du 10/07/2009 voir commentaire sur le présent blog http://www.com/archives/2010/02/170011782.html 

-          CA Douai Bujadoux c/ POLIMERI du 15/12/2009 (TGI Lille 27/03/2008) voir présent blog www.jeanpaulmartin.canalblog.com/ commentaires en date du 10/07/2008

Le Laboratoire GOEMAR est en outre condamné aux dépens notamment le remboursement des honoraires de la consultation et à 6000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Rémunération supplémentaire d’invention due même en cas d’exploitation déficitaire

Conclusion : dans cette affaire les juges du fond ont donc estimé que malgré une exploitation déficitaire des inventions brevetées, une rémunération supplémentaire est due à l’inventeur salarié. Et ce du fait que la loi (L. 611- 7 du CPI) ne subordonne pas le droit du salarié à rémunération supplémentaire  à une exploitation commerciale de l’invention et encore moins à ce que celle- ci  ait dégagé des profits.

Bien évidemment toutefois, le montant de la rémunération supplémentaire pâtit de l’absence de bénéfices d’exploitation, puisqu’en l’occurrence la salariée doit se contenter de 5000 euros par brevet soit en tout de 15000 euros, alors qu’elle demandait 60 000 euros. (Le premier jugement lui avait accordé 1500 euros par brevet non exploité soit 6000 euros en tout pour 4 brevets).

On peut imaginer que l’exploitation future de ce « vaccin des plantes » finisse par dégager des profits très importants…auquel cas l’inventeur salariée pourrait – elle éventuellement envisager de redemander un complément de rémunération  ?

                                                               

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