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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
14 août 2010

Reconnaissance de la qualité d'inventeur

Arrêt CA Paris GROSSIN c/ Sté UNITECNIC du 14 avril 2010

Reconnaissance de la qualité de co- inventeur – Fixation de la rémunération supplémentaire.

Cet arrêt confirme partiellement le jugement du TGI Paris (3ème chambre, 3ème section) du 21 mai 2008.

M. Cédric Grossin a été embauché chez UNITECNIC en 2001 comme ingénieur R & D avec une mission inventive permanente. Il revendique la qualité d’inventeur unique ou à tout le moins de co- inventeur d’un dispositif d’ouverture de porte fonctionnant au moyen d’une système mécanique à deux organes de manoeuvre. Ce dispositif présentant la particularité et l’avantage de ne pas nécessiter de perçage de la porte.

En effet les brevets français et européen correspondant ont été déposés sans le mentionner comme co- inventeur. Subsidiairement il demande aussi le paiement d’une rémunération supplémentaire.

La juridiction de 1ère instance a reconnu la qualité de co- inventeur de Cédric Grossin et lui a octroyé une rémunération de 50 000 euros ainsi que 15000 euros pour son préjudice moral.

UNITECNIC a fait appel de cette décision et conteste toujours la qualité d’inventeur de C. Grossin.

A l’appui de cette contestation UNITECNIC a versé aux débats une attestation de son salarié M. Chériot, cité comme  inventeur dans les brevets déposés sur cette serrure et toujours employé par UNITECNIC pendant la procédure en cours devant la cour d’appel.

Dans cette attestation M. Chériot affirme :

« Lors de la réunion de développement du 25 février 2003 au matin, Jean Badillet (président d’Unitecnic) et moi- même avons procédé à l’explication à monsieur Grossin du principe de fixation des adaptations, sans perçage de la porte, des serrures intellis, réalisées à l’occasion du chantier Arthur Andersen, et particulièrement du renvoi de mouvement entre la serrure et la platine d’adaptation.

Jean Badillet a donné comme instruction à monsieur Grossin d’industrialiser l’intégration de ce système dans une serrure à code, sans recourir à une platine d’adaptation.

A la sortie de cette réunion (donc ce même jour), à l’aide de croquis à main levée, j’ai indiqué à monsieur Cédric Grossin le principe de l’invention qui a pour objet d’éviter toute contrainte de serrage par l’intermédiaire d’un organe en rotation et qui fera l’objet du brevet retenu dans le projet NIL (Unitecnic 800) : on vient prendre la porte en sandwich par l’intermédiaire d’un tirant fixe qui serre sur deux platines fixes, la transmission du mouvement des béquilles en rotation par un carré creux dans lequel passe le tirant.

C’est sur la base de ces informations que M. Grossin a procédé à l’industrialisation du projet."

Considérant toutefois que M. Grossin conteste la force probante de cette attestation en observant, à juste titre, qu’aucune pièce versée au débat ne vient en  corroborer les termes,au sujet notamment de la remise par M. Chériot d’une esquisse à main levée.

Considérant au surplus que force est d’observer que le lien de subordination dans lequel se trouve M. Chériot à l’égard de la société Unitecnic qui est encore actuellement son employeur, à la lumière de la rudesse des relations de trabvail telles qu’entretenues par M. Badillet , en tout cas au moment de son message du 23 février 2003, ne permet pas d’écarter toute possibilité d’influence , consciente ou non, sur les souvenirs du témoin. »(NDLR.- le message précité avait sévèrement tancé les co- inventeurs et les avait menacés  de licenciement s’ils n’inventaient pas rapidement un nouveau dispositif satisfaisant)

Ces observations formulées  en termes diplomatiques et prudents signifient en clair  que - conformément à une jurisprudence constante - une attestation émanant d’un salarié de l’employeur, établie après coup pour contester la qualité d’inventeur du salarié qui a assigné l’employeur en reconnaissance de sa qualité d’inventeur pièces à l’appui, doit être sinon déclarée irrecevable en raison du lien économique de dépendance et de subordination à l’employeur de son auteur qui jette nécessairement la suspicion sur sa sincérité, pour le moins examinée avec la plus grande circonspection.

En particulier ayant été établie après coup pour les besoins de la cause de l’employeur par le salarié de ce dernier, elle doit être corroborée par un ou plusieurs documents préexistants au litige et de date certaine. A défaut de quoi cette attestation est sans valeur juridique. Or précisément en l’occurrence l’esquisse à main levée invoquée dans l’attestation à l’appui de ses affirmations  n’a pas pu être produite au débat…

L’eût- elle été que sa recevabilité aurait été contestable si elle n’avait pas de date certaine autrement que selon les affirmations de l’auteur, salarié de l’employeur et donc suspect de manquer de sincérité en raison de sa dépendance à l'égard de ce dernier.

Au surplus l’attitude particulièrement autoritaire et même menaçante du président vis-à-vis de ses salariés début 2003  renforce la vraisemblance de pressions et  aggrave la suspicion d’attestation de complaisance.

Celle- ci est donc finalement, à juste raison, rejetée par la cour d’appel comme dépourvue de force probante.

La cour analyse le dossier et constate que M. Grossin n’a pas produit de note descriptive écrite de l’invention, mais que les dessins des brevets déposés, représentant l’invention brevetée et revendiquée, ont été réalisés par M. Grossin  uniquement. 

Aucune preuve n’est apportée d’une participation à ceux-ci de l’autre co- inventeur M. Chériot. Lequel a rédigé la Note technique fournie au conseil en propriété industrielle. Mais ce fait à lui seul et selon une jurisprudence constante n'est pas retenu par les juges du fond comme constitutif de la qualité de co- inventeur ou d'inventeur. (Sinon les conseils en propriété industrielle qui rédigent des demandes de brevets à partir de dessins et de matériels fournis par des inventeurs sans Note descriptive écrite par ces derniers, pourraient être eux- mêmes cités comme co- inventeurs des brevets qu'ils déposent pour leurs clients !!)

M. Chériot a, semble-t-il d'après l'arrêt, surtout défini le cahier des charges et éventuellement l’idée de base mais sans que cela soit prouvé par l’attestation ni par aucune autre pièce préexistante aux débats. Enfin le salarié Cédric Grossin a été en relation constante avec le cabinet de propriété industrielle au cours de l’instruction de la demande de brevet.

La cour d’appel en conclut, comme le tribunal de grande instance, que ces éléments sont constitutifs de la preuve de la qualité de co- auteur de l’invention de M.Grossin. Elle ne se prononce pas sur la qualité de co- inventeur de M. Chériot.

Manifestement ni l'entreprise UNITECNIC ni le salarié inventeur Cédric GROSSIN n'avaient pris la précaution de déposer, dès que l'invention a été considérée comme justifiant une demande de brevet, un pli cacheté au CNSIF ou une enveloppe Soleau à l'INPI, décrivant l'invention dessins et Note technique à l'appui.

Pour l'entreprise un tel dépôt est une précaution utile et importante pour se réserver le droit d'exploiter l'invention sans être accusée de contrefaire un brevet ultérieurement déposé par un tiers.

Pour le salarié auteur de l'invention ce type de dépôt préliminaire devrait être fait systématiquement par ses soins aussitôt que possible lorsqu'il pense avoir réalisé une invention brevetable, car elle peut apporter une preuve indiscutable de sa paternité sur l'invention. Surtout si le salarié a des raisons de craindre que son employeur donne des instructions  pour qu'il ne soit pas cité comme inventeur dans les demandes de brevets  ultérieures.

En cas de litige sur la reconnaissance de la qualité du salarié comme auteur de l'invention, son dépôt de pli cacheté ou d'enveloppe Soleau (ou au rang des minutes d'un notaire), antérieur par hypothèse aux pièces produites par l'employeur, fera foi et servira de moyen de preuve incontestable.

Pour la rémunération supplémentaire, son montant de 50 000 euros est également confirmé ; mais la cour ne fournit pas de précisions sur le montant du chiffre d’affaires sur lequel cette somme est fondée, ni sur son mode de calcul. Apparemment  ce montant a été fixé arbitrairement, comme cela est malheureusement toujours fréquent.

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