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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
30 avril 2011

Rédaction d'une clause de renonciation transactionnelle après licenciement : salariés attention !!!

 

Portée d’une clause de renonciation à toute action contentieuse dans un protocole transactionnel après licenciement

Le dernier mot n’est pas dit…

Cass. CIV. 17 mars 2011-  Constantin A. c/ Aventis Pharma jeudi 7 avril 2011

 Le salarié Constantin A. chercheur chez Aventis Pharma est  co-inventeur du médicament antibiotique Ketek (télithromycine)

 

Le salarié A. est licencié le 19 janvier 2001. Son licenciement a donné lieu à la négociation d’un protocole d’accord par lequel il accepte forfait de 950 000 F à titre de règlement de tous les éléments de rémunération relatifs à l’exécution de son contrat de travail et à sa cessation.

La clause de renonciation du salarié à intenter toute action ultérieure dans ce protocole est la suivante :

« La société Aventis Pharma verse à Monsieur Constantin A, qui accepte, une somme de 950.000 francs (neuf cent cinquante mille francs) avant déduction de la CRDS et de la CSG, à titre de règlement forfaitaire, global et définitif de tous éléments de rémunération y compris les éléments exceptionnels relatifs à son activité de recherche, toutes indemnités et/ou tous dommages-intérêts et de manière générale de toutes sommes que la société Aventis Pharma et/ou toutes sociétés du Groupe Aventis pourrait devoir à Monsieur Constantin A. ou que ce dernier prétend ou prétendrait lui être dus à quelque titre ou pour quelque cause que ce soit, tant du fait de l’exécution de son contrat de travail que de sa cessation » ;

 

M. A. estime que ce protocole d’accord ne couvre par la rémunération supplémentaire d’inventions dont il est co- inventeur ou inventeur, et assigne devant le TGI de Paris son ex- employeur en lui demandant 12 millions d’euros.

 

Le 31 octobre 2007, le tribunal de Paris rejette sa demande.

 

Le salarié A. interjette appel. La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 23 septembre 2009 confirme le jugement du TGI en ces termes:

 

« Considérant que l’article 1 du protocole d’accord du 12 février 2001, dont Monsieur A. renonce en cause d’appel à poursuivre la nullité, énonce : (voir le texte ci-dessus)

Considérant que la simple lecture de ce texte, qui ne contient ni terme équivoque ni construction ou expression obscure, ne laisse place à aucune interprétation; qu’elle révèle clairement l’intention des parties de s’accorder sur un règlement global et définitif portant sur tous les éléments de rémunération, indemnités et dommages-intérêts et de manière générale sur toute somme à laquelle Monsieur A. pourrait être en droit de prétendre au titre de l’exécution ou de la cessation de son contrat de travail ;

 

Considérant que vouloir introduire une division dans ce texte en affirmant qu’il ne porte pas sur une possible rémunération supplémentaire qui serait due à Monsieur A. à raison de son activité d’inventeur salarié par application de l’article L 611-7 CPI reviendrait à en dénaturer le sens ; que la rémunération supplémentaire revendiquée par Monsieur A. ne pourrait en effet trouver sa source que dans le contrat de travail, support nécessaire de son activité de chercheur, dont le protocole avait précisément pour objet de régler une fois pour toutes les conséquences de la rupture ;

 

Considérant, en toute hypothèse, que la transaction intervenue vise expressément les éléments exceptionnels de rémunération relatifs à l’activité de recherche de Monsieur A. ;  que ce dernier est dès lors mal fondé à affirmer qu’il n’est fait nulle part mention dans le protocole de ses inventions ou des brevets dont il est à l’origine ; qu’il soutient de manière tout aussi erronée, en se référant à la convention collective applicable, que l’exploitation commerciale des brevets, qui n’a eu lieu qu’après le 12 février 2001, aurait été la condition et le fait générateur du droit à ces rémunérations alors que, tout au contraire, c’est l’absence d’une telle exploitation commerciale pendant dix ans qui aurait pu en écarter la possibilité ;

 

Considérant enfin que l’accord ainsi conclu n’a été remis en cause par aucun accord postérieur, que, spécialement, les propositions qui ont été adressées à Monsieur A. en mai 2004 par la société Aventis Pharma – au demeurant par erreur suivant ce qu’explique cette société – n’ont pas donné lieu à un nouvel accord de leurs volontés qui seul aurait été susceptible de modifier entre les parties la situation juridique née de leur précédent accord tel qu’analysé ci-dessus ;

 

Considérant, en synthèse, que c’est par des motifs exacts, suffisants et pertinents que la cour fait siens que le tribunal a déclaré irrecevables les prétentions de Monsieur A. ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé ;

 

Par ces motifs

Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. Constantin A aux dépens d’appel … et à payer 25.000 euros à S.A. Aventis Pharma par application de l’article 700 CPC.

 

Le salarié se pourvoit en cassation. Le 17 mars 2011 la chambre civile de la Cour de cassation rejette son pourvoi en ces termes :

 

... Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué ... d’avoir débouté Monsieur A. de ses demandes en paiement de rémunérations supplémentaires au titre de sa qualité d’inventeur, alors que :

 

1°/ d’une part, conformément aux dispositions de l’article 2048 du code civil, les transactions se renferment dans leur objet et la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, s’entend de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; qu’en l’espèce, la transaction conclue entre les parties avait pour seul objet de fixer le montant du préjudice subi par le salarié résultant de la rupture de son contrat de travail ; que les éléments permettant de déterminer le droit à une rémunération supplémentaire étant nés de circonstances postérieures à la conclusion de la transaction, les parties n’avaient pas été en mesure de transiger sur ce droit ; qu’en déboutant cependant le salarié de sa demande de rémunération supplémentaire, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 1156, 2048 et 2049 du code civil ;

 

2°/ d’autre part, le principe général de bonne foi interdit à celui qui crée une apparence trompeuse de se contredire au détriment d’autrui ; qu’en l’espèce, après avoir considéré que la transaction du 12 février 2001 ne concernait pas le droit à rémunération supplémentaire, la société s’est contredite au détriment du salarié en lui opposant cette convention pour lui refuser le versement des sommes litigieuses ; que, dès lors, la société ayant reconnu le principe d’une créance portant sur la rémunération supplémentaire liée à la commercialisation du brevet intervenue postérieurement à la transaction du 12 février 2001, le fait à lui seul pour les négociations de n’avoir pas abouti après vingt mois de discussions ne suffisait pas à délier la société du principe de son obligation ; qu’en disant le contraire, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 1134 et 1135 du code civil ensemble le principe d’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ;

 

3°/ en tout état de cause en privant le requérant de la rémunération de ses inventions dont les éléments économiques n’étaient pas nés au moment de la transaction litigieuse et dont le principe sera même formellement reconnu ensuite par l’employeur dans le cadre de pourparlers qui se sont poursuivis durant plus de deux ans pour liquider ce droit particulier, le juge judiciaire a consacré le principe d’une expropriation pure et simple du requérant en méconnaissance des exigences de l’article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 

Mais attendu que la cour d’appel, qui a énoncé que la transaction prévoyait d’inclure au titre du règlement forfaitaire de tous les éléments de rémunération les éléments exceptionnels relatifs à l’activité de recherche de Monsieur A., en a exactement déduit que ce forfait comprenait les rémunérations supplémentaires qui lui étaient dues en sa qualité d’inventeur salarié ; qu’ainsi l’arrêt de la cour d’appel, qui ne s’est pas contredite, se trouve légalement justifié ;

 

Par ces motifs :

 

Rejette le pourvoi

 

 

Cour de cassation, chambre civile, 17 mars 2011

 

Observations.-

Le problème de l’interprétation d’une clause de renonciation du salarié licencié à toute action ultérieure quelle qu’elle soit, dans un protocole d’accord négocié avec son employeur, se repose de façon récurrente.

Nous  donnons ci- dessous, après l’analyse de la présente décision de la Chambre civile, des exemples de décisions de la jurisprudence antérieure.

Pour la Chambre civile de la Cour suprême, confirmant les décisions de 1ère instance et d’appel, l’interprétation qu’elle donne dans cette affaire à la clause de renonciation ne souffrirait aucune contestation car les termes employés seraient suffisamment clairs...Pour les 3 juridictions, le fait que la transaction inclut expressément « les éléments de rémunération exceptionnels relatifs à l’activité de recherche » du salarié couvre à l’évidence la rémunération supplémentaire due pour ses inventions, brevetées ou non.

 

Nous n‘approuvons pas ces décisions, et ce pour les raisons suivantes.

 

1)                   Le protocole d’accord aurait pu, et dû être plus clair. En effet il ne fait pas état d’une activité inventive ni de brevets en résultant pour protéger les résultats brevetables de la recherche, ni d’une rémunération supplémentaire corrélative à ceux- ci. Ce qui pour le moins entache le passage critique d’un manque de clarté et oblige à une interprétation extensive en faveur de l’employeur.

 

2)                   2)  « les éléments exceptionnels de rémunération relatifs à son activité de recherche » n’est pas synonyme de « Rémunération supplémentaire d’inventions  résultant de sa recherche »

 

Contrairement à ce que croient les 3 juridictions qui se sont prononcées dans cette affaire, Il peut exister des « éléments de rémunération exceptionnels » pour une activité de recherche, autres que ceux d’une rémunération supplémentaire d’invention  pour des brevets . (Prime exceptionnelle de résultat, frais exceptionnels remboursés…).

 

La cour d’appel de Paris elle- même (Pôle 5 Chambre 2) l’a clairement fait observer dans son arrêt du 11 mars 2011 Gilles R… c/ L’OREAL  dont nous reproduisons ci-dessous des extraits parfaitement explicites :

 

  «  Considérant que celle- ci (L’Oréal) fait par ailleurs valoir que Monsieur R a reçu en tout cas des primes qui justifient du versement d’une rémunération supplémentaire au titre des inventions litigieuses ;

Mais considérant que la cause de ces versements épisodiques est d’une réelle imprécision, seul l’énoncé « primes de recherche » apparaissant sur les bulletins de salaires ;

Que force est de souligner qu’aucune mention du contrat de travail ne permet de rattacher de telles primes à la rémunération légale de l’article L.; 611- 7 du Code de la propriété intellectuelle ; que pas davantage ces primes elles- mêmes n’ont-elles donné lieu à une notification qui en attribuerait la cause aux inventions dont l’intimé est l’auteur ou le co-auteur.

Que c’est donc également à bon droit que les premiers juges ont dit que le montant de ces primes, dites de recherche, ne devaient pas être prises en compte. »

 

C’est à tort dans ce litige AVENTIS PHARMA que la cour d’appel et la Cour de cassation ont estimé que l’expression « éléments exceptionnels de rémunération » visait ou incluait nécessairement des rémunérations supplémentaires d’inventions du salarié A..

De plus, de nombreuses recherches  ne débouchent pas sur des inventions brevetables et brevetées, ni exploitées.

L’intention des parties d’inclure dans les 950 000 F des rémunérations supplémentaires  de brevets d’invention n’est donc absolument pas établie, bien au contraire.

En droit et en équité, le doute aurait dû profiter au salarié et non à l’entreprise, qui lui a imposé cette rédaction ambiguë alors qu’elle aurait parfaitement pu clarifier les choses sans discussion possible si elle l’avait voulu.

3)                  Troisième raison de désaccord avec la Chambre civile et non la moindre : l’article L. 611- 7, 3° du Code de la propriété intellectuelle exige que tout accord entre le salarié et l’employeur portant sur une invention du salarié soit constaté par un écrit, à peine de nullité.

Un tel écrit doit bien évidemment être suffisamment clair afin de dissiper toute ambigüité sur sa portée et son interprétation. Il doit donc faire expressément état de l’activité inventive du chercheur et du fait qu’elle a débouché sur des inventions brevetables, qui ont fait l’objet de brevets déterminés dont la date et les N° de dépôt et/ou de délivrance doivent nécessairement être mentionnés dans l’écrit. Lequel doit préciser clairement que le salarié  renonce à toute revendication ultérieure de rémunération supplémentaire d’invention du fait qu’il admet que l’indemnité transactionnelle couvre lesdites rémunérations supplémentaires.

Ce n’est absolument pas le cas pour la clause de renonciation du protocole transactionnel du salarié A., rédigée en termes ambigus et flous.

On ne peut prétendre sérieusement que cette condition impérative d’un écrit spécifique, énumérant les n° des brevets et les inventions dont renonciation à leur rémunération supplémentaire était actée,  aurait dans la présente affaire été respectée : les brevets dont le salarié A. est l’inventeur ou le co- inventeur ne sont même pas mentionnés, ni son activité inventive, ni  sa renonciation à la rémunération supplémentaire de ces inventions.

Dès lors les juridictions auraient donc dû admettre la nullité de la clause de renonciation du protocole transactionnel pour les rémunérations supplémentaires d’invention .

Du reste, les 950 000 F ne représentent- ils pas deux années d’indemnité de départ en cas de rupture du contrat de travail pour une cause autre qu’une faute grave, ainsi que cela est courant pour les cadres supérieurs ? De sorte qu’ils ne peuvent inclure des rémunérations supplémentaires d’inventions exploitées.

En fait, les magistrats  ont été indisposés contre le salarié par le montant jugé par eux déraisonnable (12 Millions d’euros) réclamé. Somme qui n’avait aucune chance d’être accordée.

Le salarié étant  de plus soupçonné – procès d’intention étonnant qui figure dans l’arrêt de la Cour de cassation et montre la prévention qu’avait celle- ci contre le salarié –  d’avoir attendu des décisions de justice favorable pour demander sa rémunération supplémentaire sur l’exploitation du médicament breveté… Une conséquence de l’énorme somme de 12 Meuros réclamée a été le montant très lourd des dépens d’appel auxquels a été condamné le salarié…

En effet les dépens sont proportionnels au montant réclamé par le salarié ! Dépens auxquels s’ajoutent les 25000 euros au titre de l’article 700 CPC que le salarié a été condamné –une véritable punition – amende civile – à payer à Aventis Pharma, qui n’honore pas les magistrats.

4)                  Il résulte  de l’analyse ci-dessus que la clause de renonciation invoquée par Aventis Pharma aurait dû être considérée comme nulle sur ce point, et qu’à notre avis ces décisions sont des erreurs de droit, car le droit à rémunération supplémentaire aurait dû être reconnu au salarié.

Les salariés inventeurs devraient être particulièrement attentifs à la rédaction de ce type de clause de renonciation, en veillant à refuser toute rédaction ambiguë s’ils n’ont pas perçu de rémunération supplémentaire d’invention ou s’ils ont en germe un litige à ce sujet. Au besoin en consultant un avocat  ou un CPI avant de signer le protocole transactionnel.

Nous avions déjà mis en garde les inventeurs à ce sujet dans notre ouvrage « Droit des Inventions de salariés » 3ème édition, octobre 2005 Editions LITEC.

*** Décisions de jurisprudence antérieures et nos commentaires sur ce Blog :

http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/2009/02/18/12594512.html

Arrêt du 11/12/2007 de la CA de Nancy TRUCHON c/ PROFANO

Le 2 août 1999 C. Truchon est licencié et le 1er septembre 1999 les parties signent une transaction prévoyant le paiement de diverses indemnités au salarié, et qui est ainsi rédigée :

« … M. Claude TRUCHON déclare expressément accepter le règlement de la somme transactionnelle sus- mentionnée (170 000 F) moyennant quoi il considère que la société PROFANO est dégagée de toute obligation à son encontre tenant aux sommes à lui revenir (…) D’autre part M. TRUCHON renonce pour l’avenir à faire requalifier le licenciement intervenu à son encontre en une rupture irrégulière ou abusive et à exercer contre la société PROFANO toute action judiciaire de quelque nature qu’elle soit, à propos des rapports ayant pu exister entre les parties signataires en cours de travail ou après cessation. Enfin M. Truchon admet être rempli de tous ses droits légaux et conventionnels et s’oblige à ne pas réclamer, directement ou par voie de justice, toute somme complémentaire à quelque titre que ce soit (salaires, congés payés, heures supplémentaires, primes conventionnelles, accessoires de salaires, indemnités de toutes natures, frais professionnels et pour quelque motif que ce soit. »

Transaction jugée non opposable à la demande de rémunération d’invention de M. TRUCHON car ne couvrant pas cette demande dans  son objet.

http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/2010/03/index.html

05 mars 2010

Engagement de renonciation après licenciement à quelque action que ce soit...

Jugement du TGI de Paris Jean-Christophe B… c/ Sté MENARINI France du 29 mai 2009 (nous ignorons si cette décision a fait l’objet d’un appel)

Salarié directeur général de la société – inventeur d’un nouveau conditionnement breveté de produit pharmaceutique – salarié licencié – transaction remplissant le salarié de tous droits découlant de son contrat de travail et mettant fin à tous différends nés ou à naître pour quelque cause que ce soit – transaction ne réglant que les différends qui s’y trouvent compris, articles 2048 et 2049 Code civil – transaction ne portant pas sur la rémunération d’inventions du salarié – absence d’éléments permettant d’affirmer une volonté implicite des parties de transiger sur ce point – droit au paiement du juste prix au salarié –évaluation du juste prix à la date d’attribution de l’invention à l’employeur soit la date de dépôt de la demande de brevet.

1) Résumé des faits et de la procédure

M. Jean-Christophe B… est embauché en décembre 1991 comme directeur général de la Division Pharmacie de la Sté MENARINI ; En mai 2000 il est nommé Directeur général de la société.

En 1999 JC. B… met au point avec Mme D… directeur de la Division Pharmacie un nouveau conditionnement d’un « anti- inflammatoire non stéroïdien » (AINS) topique eu tube rigide, à posologie précise et adaptée aux pathologies à traiter ». Une demande de brevet français est déposée le 27/08/1999, suivie en décembre 1999 d’une demande divisionnaire.

En avril- mai 2004 le directeur général JC. B… est licencié pour « faute grave ». Deux protocoles transactionnels sont négociés entre M. B… et la Sté Menarini et signés en septembre 2004.

 «Contre paiement d’une somme de 345 k€ bruts à M. B… la transaction du 16/09/2004 énonce que M. B… déclare « être totalement et intégralement rempli de ses droits, s’agissant de tout élément de salaire, prime, avantage en argent ou avantage en nature, remboursement de frais… et plus généralement de tous ses droits nés de la conclusion, de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail » (…) et que « les concessions faites « sont réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif (…) et mettent fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou défait (sic : lire « des faits ») ayant pu exister entre Menarini d’une part et Monsieur B… d’autre part au titre de son contrat de travail, tous comptes se trouvant définitivement réglés entre les parties pour quelque cause que ce soit. »

Le salarié B… estime que son contrat de travail ne comportait aucune mission inventive et donc qu’il s’agit d’une invention « hors mission attribuable », pour laquelle un juste prix lui est dû par MENARINI France. Il demande à ce titre un juste prix de 500 000 €.

Le 8/11/2007 M. B… assigne MENARINI devant le TGI afin de faire fixer le juste prix en application de l’article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle.

L’employeur MENARINI  soutient que le juste prix de l’invention entre dans le champ de la transaction de septembre 2004 et est donc inclus dans la somme versée selon ladite transaction, de sorte que la demande du salarié est selon lui irrecevable.

Subsidiairement Menarini  conteste la qualité de co- inventeur de M. B… et qu’à supposer qu’il soit reconnu co- inventeur, il a réalisé l’invention dans le cadre d’une mission inventive définie par son contrat de travail.

Aux termes de sa décision du 29/05/2009 le Tribunal de grande de Paris (3ème chambre 2ème section) :

-                    Les demandes de M. B… sont jugées recevables car « les prétentions formulées par M. B…dans le cadre de la présente instance n’entrent pas dans le champ de la transaction, laquelle par application des textes susvisés (articles 2048 et 2049 du Code civil) ne  saurait avoir entre les parties autorité de la chose jugée. »

-                    La qualité de co- inventeur de M. B… est reconnue

-                    Les inventions sont classées hors mission attribuables. Selon le Tribunal «l’évaluation du juste prix doit être faite au moment où se produit l’attribution de l’invention à l’employeur, soit en l’espèce en 1999 et en tenant compte des perspectives normalement espérées alors… »

-                    et le juste prix est fixé à 7000 € pour le 1er brevet, et 3000 € pour le second (demande divisionnaire).Soit 10 000 € alors que l’inventeur demandait 500 000 €.

-                    L’analyse des juges du fond de la recevabilité de la demande de M. B… en regard de la transaction de 2004 est la suivante :

-                    « Attendu que la société MENARINI soutient que cette transaction rend les demandes de Monsieur B… irrecevables.

-                    Or attendu que si l’article 2052 du Code civil confère aux transactions l’autorité de la chose jugée en dernier ressort, l’article 2048 du même code énonce que les transactions se renferment dans leur objet, la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s’entendant que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu, que l’article 2049 précise que les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui y est exprimé ;

Attendu en l’espèce, que la transaction invoquée par la défenderesse avait pour objet de mettre fin au différend opposant les parties quant aux conditions de licenciement de Monsieur B ; : que ce dernier, contestant les termes de la rupture de son contrat de travail , prétendait subir un préjudice moral, psychologique et professionnel, la société MENARINI se prévalant quant à elle d’une faute grave du salarié, consistant en son refus de se conformer aux instructions relatives à la mise en place d’une nouvelle organisation interne, et en un comportement systématiquement dénigrant ;

Qu’à aucun moment les parties n’ont fait état d’un quelconque différend relatif aux conditions de rémunération d’une activité inventive hors mission du salarié, et a fortiori d’un litige afférent aux demandes de brevets n° 99 10871 et 99 15677 désignant le demandeur en qualité d’inventeur.

Qu’aucun élément ne permet d’attester d’une volonté implicite des parties de transiger sur ce point.

Qu’en toute hypothèse, l’article L. 611-7, 3° du Code de propriété intellectuelle dispose in fine que « tout accord entre le salarié et son employeur ayant pour objet une invention de salarié doit, à peine de nullité, être constaté par écrit. »

Qu’il s’ensuit que les prétentions formulées par Monsieur B dans le cadre de la présente instance n’entrait (sic : lire « n’entraient ») n’entraient pas dans le champ de la transaction, laquelle, par application des textes susvisés, ne saurait avoir entre les parties autorité de la chose jugée.

Attendu que la fin de non- recevoir doit être rejetée.

Jean-Paul Martin

Docteur en droit

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