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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
1 février 2012

CNIS : attention au délai de 1 mois pour assigner devant le TGI !

Jugement AUBERGER c/ Sté JPM  SAS du TGI de Paris du 10 janvier 2012 (inédit)

Validité d’une proposition de conciliation rendue par la CNIS au-delà du délai de 6 mois (Oui) – recevabilité d’une assignation devant le TGI effectuée au-delà du délai de 1 mois après la date de notification par huissier de la proposition de la CNIS (Non)

Les faits et la procédure

Le salarié M. A.., employé depuis 1978 par la société JPM  SAS, est l’auteur de deux inventions brevetées et exploitées par son employeur JPM.

En 2000 à l’issue d’une discussion sur une rémunération d’invention, JPM lui propose 50 000 F, que le salarié refuse.

Le 5 février 2010 il saisit la CNIS, laquelle le 3 décembre 2010 à l’issue de la réunion de conciliation, reconnaît les inventions comme « hors mission attribuables » à JPM et propose un juste prix global de 80 000 euros.

Cette proposition de conciliation de la CNIS est notifiée par huissier à  JPM le 16 février 2011.

Par notification d’huissier en date du 18 mars 2011 JPM assigne le salarié A… devant le TGI de Paris. JPM soutient que :

  • Les inventions des brevets litigieux sont des inventions      de mission
  • En application de l’article 2277 du Code civil le droit à      rémunération supplémentaire du salarié inventeur est prescrit      (prescription quinquennale)
  • La proposition de la CNIS a été rendue le 16 février 2011,      plus de 6 mois après la date de sa saisine le 5 février 2010 et devrait      donc être rejetée pour caractère tardif par non- respect de ce délai.

Le salarié inventeur soutient de son côté que :

  • l’assignation du 18 mars 2011 est irrecevable car tardive puisqu’elle a été signifiée plus d’un mois après la notification de la proposition de conciliation de la CNIS le 16 février 2011. « Il en déduit, en application de l’article L. 615-21 du code de la propriété intellectuelle, que la proposition de la CNIS vaut accord entre les parties et est devenue définitive le 16 mars 2011, éteignant l’instance. Il demande au tribunal de lui donner force exécutoire (NDLR. – selon l’article R 615- 29 du Code de la PI) et de constater que la société JPM doit donc lui verser la somme de 80 000 euros avec intérêts à compter du 16 mars 2011… »
  • Aucune sanction n’est prévue par le Code de la PI pour non-respect du délai de 6 mois par la CNIS alors que l’irrespect du délai d’assignation de 1 mois devant le TGI après notification de la proposition de conciliation transforme la proposition en décision définitive exécutoire. La Sté JPM n’a pas soulevé cette objection lors de la réunion de conciliation bien que plus de 8 mois se soient déjà écoulés depuis la saisine de la CNIS, et a présenté sa défense au fond.
  • La proposition de la CNIS est donc bien recevable et vaut accord transactionnel exécutoire.

La décision au fond

Le délai de 1 mois de saisine du TGI n’a pas été respecté ce qui rend la proposition de la CNIS définitive et ayant force de décision exécutoire.

« Il est constant Que la société JPM n’a pas saisi le tribunal de grande instance dans le mois suivant la notification de la proposition de conciliation, puisque l’assignation au fond a été signifiée le 18 mars 2011 alors que la société JPM indique elle- même s’être vue signifier la proposition de conciliation le 16 février précédent ; que la partie demanderesse est donc irrecevable à agir du fait  de la forclusion frappant son action.

Attendu qu’en application du texte précédemment rappelé, la proposition de conciliation vaut donc accord entre les parties ; que la société JPM, qui prétend que du fait que la commission n’ait pas statué dans le délai de 6 mois suivant sa saisine, le délai de 1 mois ne serait plus impératif, ne justifie en rien cette affirmation dénuée de tout fondement juridique ; qu’en effet aucune sanction au délai de 6 mois n’a été prévue par le législateur, à la différence du délai d’un mois, sanctionné par la validation de la proposition de la commission.

Qu’il y a lieu en conséquence de constater la force exécutoire de la proposition de conciliation du 3 décembre 2010 ayant fixé à la somme de 80 000 euros le juste prix pour les inventions de Monsieur AUBERGER ; que le taux d’intérêt légal court sur cette somme  depuis le 16 mai 2011…. »

Par contre le TGI rejette la demande de M. A… de 15000 euros pour préjudice moral, notamment parce que le salarié a attendu 10 années pour saisir la CNIS après la proposition que lui a faite JPM en 2000, qu’il a rejetée.

Cette décision définitive est intéressante car à notre connaissance elle est la première à clarifier deux points de procédure devant la CNIS sur lesquels on pouvait s’interroger :

  • Le non-respect du délai de 6 mois par la CNIS : il est fréquent, pour ne pas dire effectif dans la majorité des affaires traitées. A notre connaissance également (mais les propositions de conciliation ne sont pas publiques) il n’avait pas encore été soutenu qu’une proposition de conciliation était frappée de nullité pour irrespect de ce délai.

Le TGI a donc clairement pris position sur cette question : une proposition de conciliation reste valide si elle est rendue au-delà du délai de 6 mois.

  • Le non- respect du délai de 1 mois pour assigner l’autre partie devant le TGI est selon la loi (article L. 615-21 du Code de la PI) sanctionné par la nullité – ou l’irrecevabilité - de l’assignation tardive, même d’un seul jour (en l’espèce de 2 jours).  Contrairement à ce que soutenait JPM, le fait que le point de départ de ce délai se situe dans un mois de 28 jours (février) n’a pas à être pris en considération, car le délai en cause est défini par l’article L. 615-21 du Code de la PI en mois, et non en jours.

Jean-Paul Martin

 

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