L'arrêt du 9 juillet 2013 de la Cour de cassation, chambre commerciale F. AUDIBERT c/ ARCELOR MITTAL n° 12-22.157 présente pour les inventeurs hors mission attribuables un intérêt considérable.
 
Jusqu'à présent la position jurisprudentielle majoritaire pour la fixation du juste prix d'une invention HMA était :
a) la fixation peut (doit) se faire rétroactivement à la date de la levée de l'option par l'employeur, soit généralement la date de dépôt de la demande de brevet
b) en faisant abstraction des évènements postérieurs à cette date, donc des résultats de l'exploitation industrielle/commerciale de l'invention (CA, marges bénéficiaires...).
Donc en faisant abstraction de l'utilité commerciale/industrielle de l'invention c'est à dire de son intérêt commercial, donc de ses CA d'exploitation postérieurs à la levée de l'option. Alors que la loi impose de prendre en compte l'utilité commerciale de l'invention, et que selon la jurisprudence cette utilité commerciale ne peut être évaluée que par les CA d'exploitation de l'invention !!!
Il y avait donc une contradiction fondamentale entre ces deux conditions d'appréciation...que les tribunaux n'avaient toujours pas comprise, malgré de nombreux articles de l'auteur de ces lignes à ce sujet depuis une dizaine d'années ! Et sans que cette situation incohérente n'émeuve la doctrine autre que celle de l'auteur précité, les autres commentateurs restant d'un silence marmoréen...
Cependant, l'Expert judiciaire Brevets auprès de la Cour d'appel de Paris bien connu Pierre GENDRAUD, ancien Président de l'ASPI (Association des Spécialistes Propriété Industrielle de l'Industrie) a précisé à l'auteur de ces lignes: "Tu ne prêchais pas dans le désert puisque dans mes expertises j'appliquais toujours ce raisonnement"...
Dont acte.
Selon l'arrêt de la Chambre commerciale AUDIBERT c/ ARCELOR MITTAL de la Cour Suprême du 9 juillet 2013, la règle nouvelle définie par les hauts magistrats est maintenant la suivante :
a) la fixation peut se faire rétroactivement à la date de la levée de l'option par l'employeur, soit généralement la date de dépôt de la demande de brevet
b) en prenant en compte des éléments postérieurs à la date de la levée de l'option, tels que les résultats comptables de l'exploitation industrielle/commerciale de l'invention, "afin de confirmer les prévisions ou perspectives d'exploitation faites à la date de la levée de l'option"..
En l'occurrence les prévisions de SOLLAC à la date de la levée de l'option étaient de 40 000 tonnes de boues par an soit 480 000 tonnes en 12 ans, alors que finalement en 12 ans d'exploitation à l'aciérie de Fos sur Mer de 1994 à 2006, seulement 128 375 tonnes de boues ont été traitées selon l'invention.
De ce fait, alors que ARCELOR MITTAL avait plaidé pour que le juste prix soit fixé en se plaçant à la date de la levée de l'option et que celle-ci avait été choisie par le TGI de Marseille,les experts ont dans leur rapport préconisé  de se placer à la fin de la période de l'exploitation en 2006... Afin de calculer le juste prix sur un tonnage réellement exploité, de très loin inférieur aux perspectives espérées, d'un coefficient de ...480 000/ 128 375 = 3,74 !!!
Afin que ARCELOR MITTAL ait le moins possible à payer...
...  Mais en contradiction avec l'argumentation juridique d'ARCELOR MITTAL et du TGI de Marseille/ CA d'Aix en Provence évidemment, c'est cette solution, réduisant considérablement (d'un facteur  supérieur  de 3,74 ! (pour 12 ans d'exploitation de 1994 à 2006, 480 000 / 128 375 = 3,74...)  le juste prix dû par l'employeur, qui a été retenue ...
 
En d'autres termes si les experts et les juges du fond (arrêt CA Aix en Provence du 9 mai 2012) s'étaient basés sur la solution préconisée par SOLLAC/ARCELOR MITTAL  et majoritairement retenue par la jurisprudence - fixation à la date de la levée de l'option en se basant sur les perspectives normalement espérées à cette date et en faisant abstraction des résultats de l'exploitaetion industrielle ultérieure - ARCELOR MITTAL aurait dû payer un juste prix 3,74 fois supérieur aux 320 000 € HT + intérêts consolidés sur 20 ans décidés par la cour d'appel d'Aix en Provence !
La prise en compte des résultats effectifs de l'exploitation de l'invention , que nous n'avons cessé de demander depuis des années y compris sur ce Blog, s'est donc révélée profitable pour ARCELOR MITTAL, en réduisant, au moins en théorie, le montant du juste prix d'un coefficient de 3, 74 !
Tout ceci démontre en conclusion l'évidence que nous n'avons cessé de répéter inlassablement depuis plus de 10 ans dans nos publications , et qu'a fini par reconnaître à juste raison la Cour Suprême par cet arrêt AUDIBERT du 9 juillet 2013 : il faut fixer le juste prix en prenant en compte les résultats de l'exploitation industrielle/ commerciale de l'invention HMA postérieurs à la date de la levée de l'option, connus à la date de l'expertise et de la décision de justice, au moins partiellement par les pièces versées aux débats par l'ex- employeur et le salarié et tous autres moyens au cours de la procédure .
C'est le droit en accord avec le bon sens, la raison et l'équité.
Il va de soi que ces résultats peuvent, soit infirmer des perspectives ou prévisions trop optimistes comme dans le cas de l'affaire AUDIBERT c/ ARCELOR MITTAL ce qui réduit la facture à payer par l'employeur, soit les confirmer voire les amplifier, et ce dans ce cas au bénéfice du salarié.
Il s'agit d'une décision très importante pour les inventions hors mission attribuables, qui doit faire jurisprudence.Cette véritable saga judiciaire aura duré 20 ans, révélant un acharnement rare mais non surprenant de l'ex- employeur à ne pas payer le juste prix dû à l'inventeur, qui en 1992 s'était vu offrir une prime d'invention de...2500 F, qu'il avait refusée...
N.B. Le 11 septembre 2013, selon l'animateur de l'émission télévisée de 22 h "Enquête -Actualité" sur la chaîne Direct 8, consacrée à l'évasion ou optimisation fiscale dans  les grandes entreprises, la Société ARCELOR MITTAL aurait placé 46 milliards d'euros dans une holding en Belgique, dont les filiales n'ont déclaré aucun bénéfice. Selon la loi belge les 46 milliards d'euros  de cette holding ont cependant bénéficié d'une ristourne fiscale de 1,6 milliards d'euros...En 2011 d'après cette émission Arcelor Mittal a placé en Belgique des capitaux qui lui ont permis légalement de ne pas payer, en France, en 2012, des impôts à hauteur de 40 millions d'euros...