ARRET DE LA COUR D’APPEL DE PARIS ALSTOM TRANSPORT SA c/ Guy D. DU 30 OCTOBRE 2015 (Pôle 5 Chambre 2) :

Arrêt entaché de graves erreurs de droit, préjudiciable aux inventeurs salariés,à une Politique positive de l"Innovation et de la Recherche en France, et à la Compétitivité des Entreprises en démoralisant leurs précieux chercheurs salariés

 

Commentaires : Dr Jean-Paul MARTIN

Ancien avocat au Barreau de Paris

ancien vice- président de la CNCPI (1994- 1996)

Docteur en droit

 

Cet arrêt porte un grave préjudice aux inventeurs salariés.

S’il devenait définitif, il causerait  des dommages également à la recherche et à l’innovation technologique en France, déjà depuis longtemps en mauvais état en raison notamment de l’insuffisante prise en considération des Pouvoirs publics et d’une grande partie des entreprises, pour les acteurs essentiels de l’Innovation que sont les  inventeurs salariés.

Car sans inventeurs, pas d’inventions et donc pas de compétitivité des entreprises…

 

Cet arrêt est intégralement publié sur le présent blog à l’adresse :

http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/2015/11/27/32990635.html   du 27 novembre 2015.

En substance, la chambre 2 du Pôle 5 infirme le jugement du 24 octobre 2014 du TGI de Paris (précédé par une proposition de la CNIS du 25 mars 2013) sur les points suivants, essentiels :

1)      L’action  en paiement de rémunération supplémentaire de l’inventeur Guy D. pour sa 1ère invention, (FR 2 738  784 du 27 janvier 1999) portant sur une rame ferroviaire et un train composé de telles rames), jugée recevable par le TGI de Paris en 1ère instance, est jugée irrecevable par la Cour d’appel. Laquelle a estimé que la prescription quinquennale était éteinte à la date de la saisine de la CNIS par l’inventeur salarié Guy D. le 28 février 2012.

2)      Corrélativement  le salarié est condamné à rembourser à son ex- employeur ALSTOM la rémunération supplémentaire de 315 500 €  qui lui avait été attribuée par le jugement  du 24 octobre 2014 !

Cet arrêt  présente des erreurs de droit ainsi  qu’il va être démontré.

Il illustre de les adages séculaires ci-dessous, qui n’ont rien perdu de leur actualité:

*

« Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

« Selon que vous serez puissant  (ex.employeur, grande entreprise multinationale) ou misérable (inventeur salarié, retraité ex inventeur salarié), les  jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». (Jean de La Fontaine, fable « Les animaux malades de la peste »)

*

3)      En effet, la chambre 2 du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris commet (avec une formation de magistrats différents) par cet arrêt la même erreur que son arrêt du 8 décembre 2010 Gilbert MOUZIN c/ PIERRE FABRE Médicament. Cet arrêt MOUZIN a été cassé - à juste raison - par l’arrêt MOUZIN c/ PFM du 12 juin 2012 de la Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt publié au Bulletin pour en souligner l’importance exceptionnelle dans le droit positif des inventions de salariés !

Nous allons examiner cet arrêt spécialement sous l’angle de la prescription, qui est sa pierre angulaire conditionnant la question liée de la rémunération supplémentaire pour la 1ère invention de Guy D (brevet FR 2 738 739 déposé le 27/01/1999 et la famille des nombreux brevets étrangers en revendiquant la priorité, accordés dans tous les pays à examen).

Dans le texte de l’arrêt, la prescription et donc la question de la recevabilité de l’action de Guy D sont exposées du bas de la page 4 à l’avant- dernier paragraphe de la page 6, soit deux pages.

Dans ces deux pages,  la cour n’énumère pas moins de 10 pièces ou éléments d’informations, qui font partie des nombreux documents versés aux débats,  dont certains apparemment seulement en appel par ALSTOM.

4)      Rappel : Règles et éléments de base indispensables pour la détermination d’une rémunération supplémentaire d’invention

Avant de passer en revue la pertinence de ce long catalogue hétéroclite « à la Prévert » pour la détermination de la rémunération supplémentaire, il est fondamental de  rappeler les règles de base élémentaires pour la détermination d’une rémunération supplémentaire d’invention de mission.

Pour la détermination d’une Rémunération d’invention de mission, il faut bien évidemment :

5)      a) Un ensemble de factures couvrant la période d’exploitation considérée, afin de  déterminer le chiffre d’affaires HT correspondant –

6)      b) Des pièces comptables établissant les taux de marges bénéficiaires brutes et nettes sur les différents CA, de préférence certifiées par un commissaire aux comptes. Ces états comptables doivent être clairs et facilement compréhensibles par le salarié et par les magistrats ; habituellement ils se présentent sous forme de tableaux à deux entrées (années, chiffres d’affaires, marges bénéficiaires…) ; de préférence certifiés par des commissaires aux comptes (NB. - certaines entreprises préparent a posteriori pour les besoins de la cause des pièces comptables sans en-tête, non datées, ni signées (tableaux de chiffres, listings…) évidemment non certifiées par leurs commissaires aux comptes..

7)      De telles pièces ne présentent bien évidemment aucune garantie de sincérité, et sont parfois « manipulées » afin de les rendre difficilement compréhensibles ou franchement incompréhensibles par d’autres que leurs auteurs…

 

8)      c) UN MODE DE CALCUL de la partie de la Rémunération Supplémentaire (ci- après « RS »)  liée à l’étendue de l’exploitation industrielle/ commerciale de l’invention. Ce Mode de calcul doit avoir été agréé par l’entreprise et les salariés et être librement accessible aux salariés,  inventeurs potentiels.

9)      Voir à ce sujet sur INTERNET l’article très pertinent de Maître Philippe SCHMITT, avocat à la Cour, à l’adresse suivante :

http://www.brevet-invention-philippeschmittleblog.eu/exploitation-du-brevet/invention-de-salarie/brevet-methode-calcul-employeur-prescription/

D’où il ressort qu’il n’est évidemment pas possible sans un mode de calcul connu du salarié et reconnu par l’employeur de déterminer le montant de la rémunération suppllémentaire ! On se demande comment une telle évidence, a pu être omise par les juges  de la Cour d’appel de Paris…

ALSTOM possède-t-elle un Accord d’entreprise relatif aux ’inventions de salariés avec un mode de calcul de la partie de la RS liée à l’exploitation de l’invention ? apparemment NON !

ALSTOM a apparemment établi en 1991 de manière unilatérale un document interne (l'instruction technique n°8) définissant de modestes primes forfaitaires d’inventions de mission selon un barème déterminé, revu périodiquement (50 € (!), 411 € ( !), 700€….  1500 €), et sans le diffuser auprès de ses salariés .

Si une invention est reconnue d’un intérêt exceptionnel parce qu’elle assure un avantage important à l’entreprise, un Comité directorial des Inventions (qui seul décide sans avoir à le justifier ce qu’il faut entendre par « avantage important pour l’entreprise ALSTOM ») peut ou non se réunir pour prendre la décision ou non d’attribuer une prime exceptionnelle à l’inventeur (dont le montant n’est déterminé en fonction d’aucun barème connu des inventeurs).

Dans le cas de Guy D. ce Comité directeur  n’ a jamais jugé justifié de se réunir pour accorder une telle prime exceptionnelle à Guy D. pour son invention objet du brevet FR 2 788 739. En dépit  d’un chiffre d’affaires global de plusieurs milliards d’euros (!) en 10 ans à partir de 2000 !! Ce qu’on appelle dans le jargon des inventeurs et des dirigeants un « blockbuster »…

On se demande alors ce qui pour les dirigeants d’ALSTOM constitue « un avantage important » pour l’entreprise !

Additionnellement, le  Document interne d’ALSTOM de 1991 est un acte unilatéral de la Direction, imposé sans négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives du personnel d’ALSTOM. Il n’est donc pas « un Accord d’entreprise » au sens de l’article de la loi L. 611-7 du Code de Propriété intellectuelle, négocié entre l’employeur et les organisations syndicales de cadres et techniciens, conformément à ce qui est exigé par la loi du 26 novembre 1990 pour être opposable aux salariés.

De plus, la Convention collective de la Métallurgie, dont dépend ALSTOM, n’a jamais été actualisée comme elle aurait dû l’être, afin de se conformer à l’article L. 611-7 CPI, qui en énonce l’obligation afin de préciser les modalités de rémunération des inventions de mission.

10)  Sur la pertinence de la méthode de détermination de la prescription  quinquennale et de son point de départ retenue par la Cour d’appel de Paris

11)  les juges  de la chambre 2 du Pôle 5 ont retenu comme date de départ du délai celle de la saisine de la CNIS (28 février 2012) - qui normalement interrompt une prescription en cours.

12)  Et ils ont appliqué les 5 ans rétroactivement à compter de cette date, en parvenant ainsi au 28 février 2007…

13)  Mais le chiffre d’affaires de 727 millions d’euros et l’estimation présumée
de 2 milliards d’euros datent du 23 avril 2007 pour les 727 millions et semble-t-il de 2009 pour les 2 Milliards €..

14)  Il s’est donc écoulé moins de 5 ans entre le 23 avril 2007 et le 28 février 2012 date de l’interruption de la prescription quinquennale… dès lors l’action de Guy D. a été  à tort déclarée irrecevable par la cour d’appel.

15)  Observons également que la cour a procédé par analogie avec la prescription  des actes de contrefaçon, autrefois de 3 ans rétroactivement à partir de l’assignation par la victime de la contrefaçon présumée, aujourd’hui de 5 ans. En effet la contrefaçon est un délit continu, comme l’est l’exploitation commerciale/industrielle d’une invention brevetée (ou non) pour un litige entre salarié inventeur et employeur.

16)  Or, jusqu’à présent on ne connaissait dans la jurisprudence des inventions de salariés  qu’un seul cas où cette méthode a été appliquée : le litige SONIGO c/ INSTITUT PASTEUR (Cour cass. com 22 février 2005, CA Paris 26 juin 2002).  Dans ce cas ladite méthode était pertinente, car – pour une fois - le montant de la créance du salarié était alors déterminé ou déterminable comme un  salaire mensuel ou  un 13ème mois ou une prime de vacances non payée...

17)  En effet il existait à l’Institut Pasteur  un Accord d’entreprise de 1978, modifié en 1992, au sens de l’article L. 611- 7 CPI, qui attribuait aux inventeurs un intéressement de 12% des redevances nettes d’exploitation par licences des brevets, perçues par l’Institut (accord de 1978).

18)  De plus l’Institut Pasteur informait les inventeurs salariés des résultats d’exploitation des contrats de licences (ou de cession) : montants annuels d’encaissements de redevances de licences. Il existait donc bien dans ce cas une méthode permettant aux inventeurs de déterminer aux- mêmes, avec une périodicité d’au maximum 12 mois, les montants de rémunération supplémentaire auxquels ils avaient droit.

19)  D’où la justification de la méthode employée, identique dans son principe à celle utilisée pour des créances salariales classiques : 5 ans rétroactivement à partir de la date d’exercice de son droit par le salarié.

20)  Mais tel n’était bien évidemment pas le cas pour Guy D. qui n’avait pas suffisamment d’informations tant s’en fallait pour pouvoir établir l’assiette complète (chiffre d’affaires sur une dizaine d’années à partir de 2000) et encore  moins de méthode de calcul !

21)  Le problème de la détermination du point de départ de la prescription quinquennale (triennale depuis une loi du 14 juin 2013) en matière d’action en paiement de rémunération d’invention de mission reste entier en droit positif.

22)  En fait il faudrait faire partir le délai de prescription quinquennale de la fin d’une période d’exploitation de son invention, à la limite de la fin des 20 ans de la durée de vie du brevet. Si 5 ans après la fin de l’exploitation le salarié n’a pas intenté d’action judiciaire ou devant la CNIS, il est prescrit.

23)  I) paragraphe 3 page 6

24)  « Que par mail en date du 23 avril 2007, M. D. (…) indiquant que celui- ci a fait l’objet de plusieurs contrats (environ 2 milliards d’euros) ….hormis une confirmation de cette information sollicitée en 2009, il (Guy D) n’a jamais sollicité d’informations complémentaires sur l’exploitation du brevet concerné, évaluant même le chiffre d’affaires réalisé par la Sté ALSTOM du fait de son invention entre 2,5 et 3 Mds€ depuis 2000, et la marge brute réalisée pour les trains Coradia Duplex à 28 (NB. Pourquoi évaluant « même » ?)

25)  Il est contradictoire de déclarer que Guy D n’a jamais sollicité d’informations complémentaires après 2007 sur l’exploitation de son invention tout en relevant qu’il l’a fait en 2009 !

26)  Information du salarié inventeur

27)  Il ne pouvait quand même pas le faire toutes les 3 semaines sans risquer de se rendre indésirable auprès du chef de projet du marché pour les TER ! ALSTOM inverse les rôles pour ce qui est de l’information de l’inventeur relativement à son invention. C’était à sa hiérarchie de l’informer, et non à lui qu’il incombait

28)  A ce sujet, si la CC de la Métallurgie est muette quant à l’information du salarié inventeur, deux conventions collectives dont celle des Industries chimiques de 1985, article 17 prévoient l’obligation de l’employeur de tenir informé le salarié des évènements concernant le sort réservé à son invention et à son (ou ses) brevets, demandes de brevets, étendue de l’exploitation

29)  Cette obligation d’information du salarié par l’employeur a été introduite dans l’article L. 611- 7 alinéa 1er du CPI par la loi MACRON n° 2015- 990  du 6 août 2015,  article 175 (V. en Annexe)

Elle ne peut évidemment se limiter, d’après une lecture littérale  étroite de cet Amendement, à l’obligation d’informer le salarié  « du dépôt de sa demande de brevet et de la délivrance de ce titre de propriété industrielle », comme certains croient pouvoir l’affirmer !

 

Cela n’aurait  ni sens ni aucune utilité, car sauf exception (cas d’un salarié qui aurait quitté l’entreprise), on imagine difficilement que l‘inventeur  ne soit pas informé du dépôt de la demande de brevet, puisque c’est lui- même qui déclare son invention à l’employeur et coopère activement à la rédaction et au dépôt de la demande de brevet !

Quant à la délivrance du brevet français, le fait que le salarié en soit informé expressément n’a guère d’utilité pratique puisque 95% des demandes de brevets françaises sont délivrées.

Cette information a surtout un intérêt pour les brevets étrangers, délivrés après examen sévère (OEB, USA, Chine, Japon..).

D’autres étapes sont  également importantes pour l’information du salarié, comme la fourniture par l’INPI du rapport de recherche, la réponse à celui- ci, l’extension à l’étranger et les Lettres Officielles des Examinateurs…et bien sûr l’étendue de l’exploitation industrielle et/ou commerciale de l’invention pour laquelle l’inventeur a droit à un maximum d’informations de la part de l’employeur.

 

 

30)   Une information loyale et complète de la propre initiative de l’employeur inspire confiance au salarié. Elle lui épargne la posture  désagréable de devoir réclamer lui- même l’information (et sa rémunération supplémentaire) ce qui peut le fait apparaître aux yeux de sa hiérarchie comme « mauvais esprit », « le fait mal voir » de la Direction… qui parfois dresse ensuite contre lui des collègues jaloux.

 

31) CONCLUSION

Pas une seule des pièces et éléments d’information cités par l’arrêt de la cour d’appel et en 1ère instance, analysés ci-dessus, n’est une facture ou un état comptable, encore moins un état certifié par un commissaire aux comptes !

Et on n’y trouve pas trace d’un Mode de calcul de la rémunération d’une invention… Comment dans de telles conditions peut- on sérieusement soutenir que Guy D avait tout ce qu’il lui fallait pour déterminer sa rémunération supplémentaire ?

 

ALSTOM ne possède aucun Accord d’entreprise sur les inventions  de mission, connu des chercheurs- inventeurs de l’entreprise et versé aux débats,  qui aurait pu être utilisable par Guy D. en vue d’une tentative de détermination par lui- même du montant de sa Rémunération supplémentaire…

 

 

Le document interne de 1991 établi unilatéralement par ALSTOM ne concerne que les primes forfaitaires de dépôt des demandes de brevets de priorité et des extensions à l’étranger.

Quant à la prime exceptionnelle éventuellement accordée par ce Comité directeur, son mode de  fixation est inconnu et secret pour les salariés- inventeurs.

 

Les inventeurs salariés ne savent donc pas s’ils y ont droit ou pas puisque la décision sur une telle prime exceptionnelle est arbitraire et confidentielle. En outre ALSTOM ne leur reconnaît pas, à eux qui sont les inventeurs,  le droit d’être informés sur l’exploitation de leurs propres inventions davantage que n’importe quel salarié de l’entreprise.

En conclusion il est incompréhensible que la chambre 2 du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 30 octobre 2015, ait pu  considérer sérieusement que les pièces et informations versées aux débats et commentées dans l’arrêt contenaient toutes les informations nécessaires, avant mars 2007, pour permettre à l’inventeur Guy D. de déterminer le montant de la rémunération supplémentaire à laquelle il estimait avoir droit, alors que ces pièces/éléments n’étaient :

Ni des factures de la Sté ALSTOM à ses co- contractants (SNCF, Trains du Luxembourg, de Suède etc…)

Ni des états comptables mentionnant des chiffres d’affaires et/ou des taux de marges bénéficiaires pour les différents marchés

Et  ne contenaient aucune METHODE DE CALCUL de la rémunération supplémentaire en rapport avec l’importance de son exploitation commerciale.

Certaines entreprises (peu nombreuses) ont reconnu l’intérêt et la nécessité d’une politique de transparence vis-à-vis des chercheurs salariés, et élaboré des méthodes de calcul librement accessibles à ceux- ci. 

 Exemples  :

AIR LIQUIDE, qui a  diffusé sa méthode publiquement ; « Politique de Reconnaissance des Inventeurs salariés du Groupe AIR LIQUIDE » de 2004 (publié sur le blog http://www.jeanpaulmartin.canalblog.com/ );

L’Institut PASTEUR qui jusqu’en 1992 versait à ses inventeurs des redevances annuelles proportionnelles (plafonnées depuis 1992), représentant un pourcentage des royalties de concession de licences des brevets).

La prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir pour Guy D. car nous avons ci-dessus démontré que le montant de sa créance était indéterminé et indéterminable à partir des éléments d’informations versés aux débats en 1ère instance et en appel.

Guy D. aurait dû pouvoir avoir connaissance des informations comptables nécessaires détenues par ALSTOM, mais l’entreprise s’y est refusée. Elle ne peut s’exempter des conséquences sur elle de ses propres manquements.

Le 12 janvier 2016

 

Note complémentaire

1)      La prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir pour le salarié- inventeur Guy D.

Le salarié Guy D. n’a jamais pu exercer son droit en raison de la carence de la société ALSTOM et à l’informer de l’étendue de l’exploitation de son invention et de l’absence dans le groupe ALSTOM TRANSPORT SA d’un Mode de calcul de la rémunération supplémentaire d’invention dans un Accord d’entreprise négocié selon la loi (L. 611- 7 du CPI) avec les organisations syndicales de salariés..

 

En conséquence et conformément à l’arrêt de principe X… c Sté APG du 22 février 2005 de la Cour de cassation, chambre commerciale, qui a marqué un changement capital de jurisprudence en matière de prescription de l’action en paiement de rémunération d’invention de salarié, et contrairement à ce qu’a écrit la cour d’appel de Paris à la page 6 de son arrêt du 30/10/2015, 3ème paragraphe à partir du bas de page, la prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir .

 

Elle n’a donc pas pu en particulier commencer à courir « antérieurement  au mois de mars 2007 » comme croit pouvoir l’affirmer la cour d’appel, donc éventuellement en février 2007, à une date de départ non précisée par la Cour, pour s’éteindre au bout de 5 ans, avant la date de saisine de la CNIS.

5 ans à partir de « février 2007 » conduisent à février 2012, alors que Guy D. a saisi la CNIS le…28 février 2012 !

Donc, en partant du …28 février 2012, date non exclue par la cour d’appel, la prescription quinquennale se termine le…28 février 2012 à 24h 00, date à partir de laquelle elle est interrompue (suspendue) !...

Donc si elle est interrompue au 28 février 2012, la prescription quinquennale ne peut pas être éteinte au 1er mars 2012, mais seulement suspendue !...

 

La cour d’appel n’a-t-elle pas alors entaché sa décision d’une erreur d’application de la loi sur le calcul du délai d’extinction de la prescription quinquennale ?

Si la réponse est affirmative, la décision de la cour d’appel devrait déjà pour cette seule raison être cassée pour insuffisance de motifs.

 

De plus, il faut observer qu’en fait le point de départ du délai de prescription quinquennale retenu par les juges du fond reste imprécis puisqu’elle indique seulement que d’après elle, il est « antérieur au mois de mars 2007 »… A la limite la Cour admettrait donc qu’il peut aussi être le mois de mars 2000 ! …Avant toute exploitation de l’invention ! Hypothèse évidemment absurde mais autorisée par une lecture littérale de l’arrêt.

 

2)      Insuffisance de motifs de l’arrêt du 30 octobre 2015

Ainsi qu’il  ressort de l’analyse approfondie ci-dessus, l’arrêt du 30 octobre 2015 de la chambre 2 du Pôle 5 est  affectée d’une insuffisance de motifs, , semble-t-il - d’une erreur de droit dans la computation du délai de prescription quinquennale.

 

La jurisprudence fondamentale de la Cour de cassation, chambre commerciale X… c/ APG du 22 février 2005 (pas de prescription quand le montant de la créance est l’objet du litige et son montant indéterminé ou indéterminable) a été confirmée par l’arrêt de la chambre commerciale MOUZIN c/ PIERRE FABRE Médicament du 12 juin 2012, publié au bulletin en raison de son importance.

Ces deux arrêts d’une grande importance et qui font jurisprudence ne sont pas correctement appliqués  par la chambre 2 du Pôle 5

 

 Nous reproduisons ci-dessous l’essentiel du texte de l’arrêt MOUZIN :

 

 

 

Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du 12 juin 2012

 

<<(EXTRAITS)

Vu les articles 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (NDLR. Arrêt CA Paris du 8 décembre 2010 MOUZIN c./ PIERRE FABRE M) , que M. X... en qualité de co-inventeur et ancien salarié du groupe Pierre Fabre, a fait assigner le 13 juillet 2006 les sociétés Pierre Fabre, Pierre Fabre dermo-cosmétique, Laboratoires dermatologiques Ducray, Laboratoires dermatologiques Avène, Laboratoires Galenic et René Furterer en paiement d’une rémunération supplémentaire pour cinq inventions brevetées de 1988 à 1996 et une enveloppe Soleau du 26 novembre 1990, constituant des inventions de mission ;

Attendu que pour déclarer prescrite cette action, l’arrêt retient que M. X... avait connaissance, depuis plus de cinq années, de l’exploitation industrielle existante des inventions dont il est co-inventeur, partant de l’intérêt économique de ces dernières pour l’entreprise et de leur exploitation prévisible et donc d’une créance certaine et déterminable sur son employeur ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans constater que M. X... disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qui lui était due, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief :

Casse et annule….>>

Si la Cour reprend le principe de l’arrêt Mouzin, selon lequel « le point de départ du délai de prescription correspond au jour où le salarié disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qu'il réclame », il commet une erreur d’application de ce principe en considérant que la méthode de calcul de la rémunération supplémentaire ne fait pas partie de ces élements nécessaires.

Ce qui pour les salariés - inventeurs victimes de ces graves erreurs, entraîne  deux nouvelles instances coûteuses, en Cour de cassation puis en Cour de renvoi.

 

 

 Qui auraient pu être évitées, après plusieurs années de procédure déjà  fort onéreuses pour l’inventeur et sur ses deniers personnels, alors que souvent il est à la retraite comme Guy D.

 Par contre l’ex- employeur dispose de la trésorerie d’une entreprise internationale pour poursuivre le procès. Dont pour les multinationales qui brassent des milliards d’euros comme ALSTOM, les frais ne représentent qu’une  goutte d’eau dans leur budget.

 

De telles erreurs de droit au niveau de la Cour d’appel de Paris entraînent pour les inventeurs salariés une insécurité juridique gravement préjudiciable, démoralisante et extrêmement coûteuse.

 

 Cette situation est d’autant plus déplorable que la cour d’appel de Paris est depuis un décret d’octobre 2009 l’unique juridiction d’appel compétente au niveau national pour ce type de litiges « brevets d’invention » entre salariés et employeurs). De plus elle  ne possède que deux sections de 3 juges compétentes en brevets (3ème Chambre 1ère section et Pôle 5 chambre 2.)

 

Il n’est donc plus possible depuis 2009 d’assigner l’adversaire devant une autre juridiction que celle de Paris, qui serait jugée plus compétente par les justiciables. Le risque de cette situation préjudiciable en raison du monopole de compétence accordé à la cour d’appel de Paris avait été pressenti en 2009 par l’auteur de ces lignes … Mais personne n’avait « tiré la sonnette d’alarme »  sur le caractère excessif de cette réforme et ses risques…

 

Avant octobre 2009, 7 TGI répartis dans toute la France étaient compétents. Il eût été plus prudent de conserver  3 (ou 4)  juridictions compétentes sur les 7 (Paris, Lyon, Marseille + Douai comme cour de renvoi) pour limiter les risques d’apparition une situation préjudiciable aux  justiciables comme la situation actuelle, découlant d’une juridiction unique qui détient un monopole exclusif de compétence, fût-elle celle de Paris.

 

C’est malheureusement ce qui s’est produit une année seulement après le décret d’octobre 2009, dès l’arrêt du 8 décembre 2010 MOUZIN c./ PFM.

 

 Il n’existe a priori qu’une solution pour tenter d’éviter  de nouvelles dérives de ce genre : que les magistrats du fond soient davantage spécialisés, donc en nombre renforcé, et mieux formés au titre de la formation continue : diplômes du CEIPI, ou de l’IEEIPI de Strasbourg (Master), stages de formation juridique continue de la FNDE/ASPI à Paris et Lyon. Eventuellement aussi, faute de juges techniciens comme en Allemagne, (vainement réclamés depuis des décennies) au moins certains juges du fond devraient bénéficier d’une formation technique dans certains domaines.

 

Article sur INTERNET du 8 septembre 2015 du Cabinet BEAU de LOMENIE : (Extraits)

08-09-2015 » La loi « Macron » et le droit du salarié auteur d’une invention à être informé

La loi dite « Macron » n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances a été publiée au JORF du 7 août 2015 et en l’absence de dispositions transitoires, est entrée en vigueur le 8 août 2015.

Cette loi introduit une nouvelle disposition touchant aux inventions de salariés. En effet, elle crée à la charge de l’employeur une obligation d’informer le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, du dépôt d’une demande de brevet (ou d’un certificat d’utilité) et de la délivrance du titre.

Ainsi, l’alinéa 1 modifié de l’article L. 611-7 du Code de la Propriété Intellectuelle (« CPI ») se lit :

« 1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. L'employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail. »

Cette disposition ne remet pas en cause le droit à une rémunération supplémentaire rendu obligatoire par la loi du 26 novembre 1990, ni les conditions dans lesquelles le salarié peut en bénéficier telles que définies par les conventions collectives, les accords d’entreprises et les contrats individuels de travail.

Elle n’a d’autre part aucun impact direct sur le montant de cette rémunération. Cependant, elle pourrait avoir un impact sur le calcul du délai de prescription des actions pouvant être intentées par un inventeur salarié contre son employeur pour réclamer une rémunération supplémentaire. En effet, il ressort de l'article 2224 du Code Civil que la prescription est de 5 ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les éléments lui permettant de faire valoir son droit à rémunération devant les tribunaux. A ce jour, la jurisprudence n'est pas fixée et a pu retenir comme point de départ, différents critères (par exemple, la date de notification au salarié de l’évaluation de la rémunération supplémentaire faite par l’employeur, la fin de la protection de l’invention brevetée ou de son exploitation industrielle). La jurisprudence a toutefois tendance à considérer que le délai ne court pas à l’égard du salarié si ce dernier n’a pas été pleinement informé de l’ensemble des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire (comme par exemple, l’information du salarié sur l’exploitation qui est faite de l’invention). (NDLR. : souligné par la rédaction)

Suite et fin de l’article à l’adresse :

http://www.bdl-ip.com/fr/actualites/flash-info/id-156-la-loi-macron-et-le-droit-du-salarie-auteur-d-une-invention-a-etre-

 

FIN DE L’ARTICLE

 

 

 

Cet arrêt porte un grave préjudice aux inventeurs salariés.

S’il devenait définitif, il causerait  des dommages également à la recherche et à l’innovation technologique en France, déjà depuis longtemps en mauvais état en raison notamment de l’insuffisante prise en considération des Pouvoirs publics et d’une grande partie des entreprises, pour les acteurs essentiels de l’Innovation que sont les  inventeurs salariés.

Car sans inventeurs, pas d’inventions et donc pas de compétitivité des entreprises…

 

Cet arrêt est intégralement publié sur le présent blog à l’adresse :

http://jeanpaulmartin.canalblog.com/archives/2015/11/27/32990635.html   du 27 novembre 2015.

En substance, la chambre 2 du Pôle 5 infirme le jugement du 24 octobre 2014 du TGI de Paris (précédé par une proposition de la CNIS du 25 mars 2013) sur les points suivants, essentiels :

31)  L’action  en paiement de rémunération supplémentaire de l’inventeur Guy D. pour sa 1ère invention, (FR 2 738  784 du 27 janvier 1999) portant sur une rame ferroviaire et un train composé de telles rames), jugée recevable par le TGI de Paris en 1ère instance, est jugée irrecevable par la Cour d’appel. Laquelle a estimé que la prescription quinquennale était éteinte à la date de la saisine de la CNIS par l’inventeur salarié Guy D. le 28 février 2012.

32)  Corrélativement  le salarié est condamné à rembourser à son ex- employeur ALSTOM la rémunération supplémentaire de 315 500 €  qui lui avait été attribuée par le jugement  du 24 octobre 2014 !

Cet arrêt  présente des erreurs de droit ainsi  qu’il va être démontré.

Il illustre les adages séculaires ci-dessous, qui n’ont rien perdu de leur actualité:

*

« Errare humanum est, perseverare diabolicum ».

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les  jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». (Jean de La Fontaine, fable « Les animaux malades de la peste »)

*

33)  En effet, la chambre 2 du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris commet (avec une formation de magistrats différents) par cet arrêt la même erreur que son arrêt du 8 décembre 2010 Gilbert MOUZIN c/ PIERRE FABRE Médicament. Cet arrêt MOUZIN a été cassé - à juste raison - par l’arrêt MOUZIN c/ PFM du 12 juin 2012 de la Cour de cassation, chambre commerciale, arrêt publié au Bulletin pour en souligner l’importance exceptionnelle dans le droit positif des inventions de salariés !

Nous allons examiner cet arrêt spécialement sous l’angle de la prescription, qui est sa pierre angulaire conditionnant la question liée de la rémunération supplémentaire pour la 1ère invention de Guy D (brevet FR 2 738 739 déposé le 27/01/1999 et la famille des nombreux brevets étrangers en revendiquant la priorité, accordés dans tous les pays à examen).

Dans le texte de l’arrêt, la prescription et donc la question de la recevabilité de l’action de Guy D sont exposées du bas de la page 4 à l’avant- dernier paragraphe de la page 6, soit deux pages.

Dans ces deux pages,  la cour n’énumère pas moins de 10 pièces ou éléments d’informations, qui font partie des nombreux documents versés aux débats,  dont certains apparemment seulement en appel par ALSTOM.

 

34)  Rappel : Règles et éléments de base indispensables pour la détermination d’une rémunération supplémentaire d’invention

Avant de passer en revue la pertinence de ce long catalogue hétéroclite « à la Prévert » pour la détermination de la rémunération supplémentaire, il est fondamental de  rappeler les règles de base élémentaires pour la détermination d’une rémunération supplémentaire d’invention de mission.

Pour cette détermination, il faut bien évidemment :

35)  a) Un ensemble de factures couvrant la période d’exploitation considérée, afin de  déterminer le chiffre d’affaires HT correspondant –

36)  b) Des pièces comptables établissant les taux de marges bénéficiaires brutes et nettes sur les différents CA, de préférence certifiées par un commissaire aux comptes. Ces états comptables doivent être clairs et facilement compréhensibles par le salarié et par les magistrats ; habituellement ils se présentent sous forme de tableaux à deux entrées (années, chiffres d’affaires, marges bénéficiaires…) ; de préférence certifiés par des commissaires aux comptes (NB. - certaines entreprises préparent a posteriori pour les besoins de la cause des pièces comptables sans en-tête, non datées, ni signées (tableaux de chiffres, listings…) évidemment non certifiées par leurs commissaires aux comptes..

37)  De telles pièces ne présentent bien évidemment aucune garantie de sincérité, et sont parfois « manipulées » afin de les rendre difficilement compréhensibles ou franchement incompréhensibles par d’autres que leurs auteurs…

 

38)  c) UN MODE DE CALCUL de la partie de la Rémunération Supplémentaire (ci- après « RS »)  liée à l’étendue de l’exploitation industrielle/ commerciale de l’invention. Ce Mode de calcul doit avoir été agréé par l’entreprise et les salariés et être librement accessible aux salariés,  inventeurs potentiels.

39)  Voir à ce sujet sur INTERNET l’article très pertinent de Maître Philippe SCHMITT, avocat, à l’adresse suivante :

http://www.brevet-invention-philippeschmittleblog.eu/exploitation-du-brevet/invention-de-salarie/brevet-methode-calcul-employeur-prescription/

D’où il ressort qu’il n’est évidemment pas possible sans un mode de calcul connu du salarié et reconnu par l’employeur de déterminer le montant de la rémunération supplémentaire !

 

On se demande comment une telle évidence a pu être omise par les juges  de la Cour d’appel de Paris…

 

ALSTOM possède-t-elle un Accord d’entreprise relatif aux inventions de salariés avec un mode de calcul de la partie de la RS liée à l’exploitation de l’invention ? Apparemment NON !

 

ALSTOM a apparemment établi en 1991 de manière unilatérale un document interne (l'instruction technique n°8) définissant de modestes primes forfaitaires d’inventions de mission selon un barème déterminé, revu périodiquement (50 € ( !), 411 € ( !), 700€….  1500 €), mais sans le diffuser auprès de ses salariés .

Si une invention est reconnue d’un intérêt exceptionnel parce qu’elle assure un avantage important à l’entreprise, un Comité directorial des Inventions (qui seul décide sans avoir à le justifier ce qu’il faut entendre par « avantage important pour l’entreprise ALSTOM ») peut ou non se réunir pour prendre la décision ou non d’attribuer une prime exceptionnelle à l’inventeur (dont le montant n’est déterminé en fonction d’aucun barème connu des inventeurs).

Dans le cas de Guy D. ce Comité directeur  n’a jamais jugé justifié de se réunir pour accorder une telle prime exceptionnelle à Guy D. pour son invention objet du brevet FR 2 788 739. En dépit  d’un chiffre d’affaires global de plusieurs milliards d’euros (!) en 10 ans à partir de 2000 !! Ce qu’on appelle dans le jargon des inventeurs et des dirigeants un « blockbuster »…

On se demande alors ce qui pour les dirigeants d’ALSTOM constitue « un avantage important » pour l’entreprise !

Additionnellement, le  Document interne d’ALSTOM de 1991 est un acte unilatéral de la Direction, imposé sans négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives du personnel d’ALSTOM. Il n’est donc pas « un Accord d’entreprise » au sens de l’article de la loi L. 611-7 du Code de Propriété intellectuelle, négocié entre l’employeur et les organisations syndicales de cadres et techniciens, conformément à ce qui est exigé par la loi du 26 novembre 1990 pour être opposable aux salariés.

De plus, la Convention collective de la Métallurgie, dont dépend ALSTOM, n’a jamais été actualisée comme elle aurait dû l’être, afin de se conformer à l’article L. 611-7 CPI, qui en énonce l’obligation afin de préciser les modalités de rémunération des inventions de mission.

40)  Sur la pertinence de la méthode de détermination de la prescription  quinquennale et de son point de départ retenue par la Cour d’appel de Paris

41)  les juges  de la chambre 2 du Pôle 5 ont retenu comme date de départ du délai celle de la saisine de la CNIS (28 février 2012) - qui normalement interrompt une prescription en cours.

42)  Et ils ont appliqué les 5 ans rétroactivement à compter de cette date, en parvenant ainsi au 28 février 2007…

43)  Mais le chiffre d’affaires de 727 millions d’euros et l’estimation présumée de 2 milliards d’euros datent du 23 avril 2007 pour les 727 millions et semble-t-il de 2009 pour les 2 Milliards €..

44)  Il s’est donc écoulé moins de 5 ans entre le 23 avril 2007 et le 28 février 2012 date de l’interruption de la prescription quinquennale… dès lors l’action de Guy D. a été  à tort déclarée irrecevable par la cour d’appel.

45)  Observons également que la cour a procédé par analogie avec la prescription  des actes de contrefaçon, autrefois de 3 ans rétroactivement à partir de l’assignation par la victime de la contrefaçon présumée, aujourd’hui de 5 ans. En effet la contrefaçon est un délit continu, comme l’est l’exploitation commerciale/industrielle d’une invention brevetée (ou non) pour un litige entre salarié inventeur et employeur.

46)  Or, jusqu’à présent on ne connaissait dans la jurisprudence des inventions de salariés  qu’un seul cas où cette méthode a été appliquée : le litige SONIGO c/ INSTITUT PASTEUR (Cour cass. com 22 février 2005, CA Paris 26 juin 2002).  Dans ce cas ladite méthode était pertinente, car – pour une fois - le montant de la créance du salarié était alors déterminé ou déterminable comme un  salaire mensuel ou  un 13ème mois ou une prime de vacances non payée...

47)  En effet il existait à l’Institut Pasteur  un Accord d’entreprise de 1978, modifié en 1992, au sens de l’article L. 611- 7 CPI, qui attribuait aux inventeurs un intéressement de 12% des redevances nettes d’exploitation par licences des brevets, perçues par l’Institut (accord de 1978).

48)  De plus l’Institut Pasteur informait les inventeurs salariés des résultats d’exploitation des contrats de licences (ou de cession) : montants annuels d’encaissements de redevances de licences. Il existait donc bien dans ce cas une méthode permettant aux inventeurs de déterminer aux- mêmes, avec une périodicité d’au maximum 12 mois, les montants de rémunération supplémentaire auxquels ils avaient droit.

49)  D’où la justification de la méthode employée, identique dans son principe à celle utilisée pour des créances salariales classiques : 5 ans rétroactivement à partir de la date d’exercice de son droit par le salarié.

50)  Mais tel n’était bien évidemment pas le cas pour Guy D. qui n’avait pas suffisamment d’informations tant s’en fallait pour pouvoir établir l’assiette complète (chiffre d’affaires sur une dizaine d’années à partir de 2000) et encore  moins de méthode de calcul !

51)  Le problème de la détermination du point de départ de la prescription quinquennale (triennale depuis une loi du 14 juin 2013) en matière d’action en paiement de rémunération d’invention de mission reste entier en droit positif.

52)  En fait il faudrait faire partir le délai de prescription quinquennale de la fin d’une période d’exploitation de son invention, à la limite de la fin des 20 ans de la durée de vie du brevet. Si 5 ans après la fin de l’exploitation le salarié n’a pas intenté d’action judiciaire ou devant la CNIS, il est prescrit.

53)  I) paragraphe 3 page 6

54)  « Que par mail en date du 23 avril 2007, M. D. (…) indiquant que celui- ci a fait l’objet de plusieurs contrats (environ 2 milliards d’euros) ….hormis une confirmation de cette information sollicitée en 2009, il (Guy D) n’a jamais sollicité d’informations complémentaires sur l’exploitation du brevet concerné, évaluant même le chiffre d’affaires réalisé par la Sté ALSTOM du fait de son invention entre 2,5 et 3 Mds€ depuis 2000, et la marge brute réalisée pour les trains Coradia Duplex à 28 (NB. Pourquoi évaluant « même » ?)

55)  Il est contradictoire de déclarer que Guy D n’a jamais sollicité d’informations complémentaires après 2007 sur l’exploitation de son invention tout en relevant qu’il l’a fait en 2009 !

56)  Information du salarié inventeur

57)  Il ne pouvait quand même pas le faire toutes les 3 semaines sans risquer de se rendre indésirable auprès du chef de projet du marché pour les TER ! ALSTOM inverse les rôles pour ce qui est de l’information de l’inventeur relativement à son invention. C’était à sa hiérarchie de prendre l’initiative de  l’informer, et non à lui qu’il incombait de réclamer l’information.

58)  A ce sujet, si la CC de la Métallurgie est muette quant à l’information du salarié inventeur, deux conventions collectives dont celle des Industries chimiques de 1985, article 17 prévoient l’obligation de l’employeur de tenir informé le salarié des évènements concernant le sort réservé à son invention et à son (ou ses) brevets, demandes de brevets, étendue de l’exploitation

59)  Cette obligation d’information du salarié par l’employeur a été introduite dans l’article L. 611- 7 alinéa 1er du CPI par la loi MACRON n° 2015- 990  du 6 août 2015,  article 175 (V. en Annexe)

Elle ne peut évidemment se limiter, d’après une lecture littérale  étroite de cet Amendement, à l’obligation d’informer le salarié  « du dépôt de sa demande de brevet et de la délivrance de ce titre de propriété industrielle », comme certains croient pouvoir l’affirmer !

 

Cela n’aurait  ni sens ni aucune utilité, car sauf exception (cas d’un salarié qui aurait quitté l’entreprise), on imagine difficilement que l‘inventeur  ne soit pas informé du dépôt de la demande de brevet, puisque c’est lui- même qui déclare son invention à l’employeur et coopère activement à la rédaction et au dépôt de la demande de brevet !

 

Quant à la délivrance du brevet français, le fait que le salarié en soit informé expressément n’a guère d’utilité pratique puisque 95% des demandes de brevets françaises sont délivrées.

Cette information a surtout un intérêt pour les brevets étrangers, délivrés après examen sévère (OEB, USA, Chine, Japon..).

D’autres étapes sont  également importantes pour l’information du salarié, comme la fourniture par l’INPI du rapport de recherche, la réponse à celui- ci, l’extension à l’étranger et les Lettres Officielles des Examinateurs…et bien sûr l’étendue de l’exploitation industrielle et/ou commerciale de l’invention pour laquelle l’inventeur a droit à un maximum d’informations de la part de l’employeur.

 

 

60)   Une information loyale et complète de la propre initiative de l’employeur inspire confiance au salarié. Elle lui épargne la posture  désagréable de devoir réclamer lui- même l’information (et sa rémunération supplémentaire) ce qui peut le fait apparaître aux yeux de sa hiérarchie comme « mauvais esprit », « le fait mal voir » de la Direction… qui parfois dresse ensuite contre lui des collègues jaloux.

 

31) CONCLUSION

Pas une seule des pièces et éléments d’information cités par l’arrêt de la cour d’appel et en 1ère instance, analysés ci-dessus, n’est une facture ou un état comptable, encore moins un état certifié par un commissaire aux comptes !

Et on n’y trouve pas trace d’un Mode de calcul de la rémunération d’une invention… Comment dans de telles conditions peut- on sérieusement soutenir que Guy D avait tout ce qu’il lui fallait pour déterminer sa rémunération supplémentaire ?

 

ALSTOM ne possède aucun Accord d’entreprise sur les inventions  de mission, connu des chercheurs- inventeurs de l’entreprise et versé aux débats,  qui aurait pu être utilisable par Guy D. en vue d’une tentative de détermination par lui- même du montant de sa Rémunération supplémentaire…

 

 

Le document interne de 1991 établi unilatéralement par ALSTOM ne concerne que les primes forfaitaires de dépôt des demandes de brevets de priorité et des extensions à l’étranger.

Quant à la prime exceptionnelle éventuellement accordée par ce Comité directeur, son mode de  fixation est inconnu et secret pour les salariés- inventeurs.

 

Les inventeurs salariés ne savent donc pas s’ils y ont droit ou pas puisque la décision sur une telle prime exceptionnelle est arbitraire et confidentielle. En outre ALSTOM ne leur reconnaît pas, à eux qui sont les inventeurs,  le droit d’être informés sur l’exploitation de leurs propres inventions davantage que n’importe quel salarié de l’entreprise.

 

En conclusion il est incompréhensible que la chambre 2 du Pôle 5 de la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 30 octobre 2015, ait pu  considérer sérieusement que les pièces et informations versées aux débats et commentées dans l’arrêt contenaient toutes les informations nécessaires, avant mars 2007, pour permettre à l’inventeur Guy D. de déterminer le montant de la rémunération supplémentaire à laquelle il estimait avoir droit, alors que ces pièces/éléments n’étaient :

Ni des factures de la Sté ALSTOM à ses co- contractants (SNCF, Trains du Luxembourg, de Suède etc…)

Ni des états comptables mentionnant des chiffres d’affaires et/ou des taux de marges bénéficiaires pour les différents marchés

Et  ne contenaient aucune METHODE DE CALCUL de la rémunération supplémentaire en rapport avec l’importance de son exploitation commerciale.

Certaines entreprises (peu nombreuses) ont reconnu l’intérêt et la nécessité d’une politique de transparence vis-à-vis des chercheurs salariés, et élaboré des méthodes de calcul librement accessibles à ceux- ci. 

 Exemples  :

AIR LIQUIDE, qui a  diffusé sa méthode publiquement ; « Politique de Reconnaissance des Inventeurs salariés du Groupe AIR LIQUIDE » de 2004 (publié sur le blog http://www.jeanpaulmartin.canalblog.com/ );

L’Institut PASTEUR qui jusqu’en 1992 versait à ses inventeurs des redevances annuelles proportionnelles (plafonnées depuis 1992), représentant un pourcentage des royalties de concession de licences des brevets).

La prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir pour Guy D. car nous avons ci-dessus démontré que le montant de sa créance était indéterminé et indéterminable à partir des éléments d’informations versés aux débats en 1ère instance et en appel.

Guy D. aurait dû pouvoir avoir connaissance des informations comptables nécessaires détenues par ALSTOM, mais l’entreprise s’y est refusée. Elle ne peut s’exempter des conséquences sur elle de ses propres manquements.

Le 12 janvier 2016

 

Note complémentaire

3)      La prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir pour le salarié- inventeur Guy D.

Le salarié Guy D. n’a jamais pu exercer son droit en raison de la carence de la société ALSTOM et à l’informer de l’étendue de l’exploitation de son invention et de l’absence dans le groupe ALSTOM TRANSPORT SA d’un Mode de calcul de la rémunération supplémentaire d’invention dans un Accord d’entreprise, négocié selon la loi (L. 611- 7 du CPI) avec les organisations syndicales de salariés..

 

En conséquence et conformément à l’arrêt de principe X… c Sté APG du 22 février 2005 de la Cour de cassation, chambre commerciale, qui a marqué un changement capital de jurisprudence en matière de prescription de l’action en paiement de rémunération d’invention de salarié, et contrairement à ce qu’a écrit la cour d’appel de Paris à la page 6 de son arrêt du 30/10/2015, 3ème paragraphe à partir du bas de page, la prescription quinquennale n’a jamais pu commencer à courir .

 

Elle n’a donc pas pu en particulier commencer à courir « antérieurement  au mois de mars 2007 » comme croit pouvoir l’affirmer la cour d’appel, donc éventuellement en février 2007, à une date de départ non précisée par la Cour, pour s’éteindre au bout de 5 ans, avant la date de saisine de la CNIS.

5 ans à partir de « février 2007 » conduisent à février 2012, alors que Guy D. a saisi la CNIS le…28 février 2012 !

Donc, en partant du …28 février 2012, date non exclue par la cour d’appel, la prescription quinquennale se termine le…28 février 2012 à 24h 00, date à partir de laquelle elle est interrompue (suspendue) !...

Donc si elle est interrompue au 28 février 2012, la prescription quinquennale ne peut pas être éteinte au 1er mars 2012, mais seulement suspendue !...

 

La cour d’appel n’a-t-elle pas alors entaché sa décision d’une erreur d’application de la loi sur le calcul du délai d’extinction de la prescription quinquennale ?

Si la réponse est affirmative, la décision de la cour d’appel devrait déjà pour cette seule raison être cassée pour insuffisance de motifs.

 

De plus, il faut observer qu’en fait le point de départ du délai de prescription quinquennale retenu par les juges du fond reste imprécis puisque la cour d’appel indique seulement que d’après elle, il est « antérieur au mois de mars 2007 »… A la limite la Cour admettrait donc qu’il peut aussi être le mois de mars 2000 ! …Avant toute exploitation de l’invention ! Hypothèse évidemment absurde mais autorisée par une lecture littérale de l’arrêt.

 

4)      Insuffisance de motifs de l’arrêt du 30 octobre 2015

Ainsi qu’il  ressort de l’analyse approfondie ci-dessus, l’arrêt du 30 octobre 2015 de la chambre 2 du Pôle 5 est  affectée d’une insuffisance de motifs, , semble-t-il - d’une erreur de droit dans la computation du délai de prescription quinquennale.

 

La jurisprudence fondamentale de la Cour de cassation, chambre commerciale X… c/ APG du 22 février 2005 (pas de prescription quand le montant de la créance est l’objet du litige et son montant indéterminé ou indéterminable) a été confirmée par l’arrêt de la chambre commerciale MOUZIN c/ PIERRE FABRE Médicament du 12 juin 2012, publié au bulletin en raison de son importance.

Ces deux arrêts d’une grande importance et qui font jurisprudence ne sont pas correctement appliqués  par la chambre 2 du Pôle 5

 

 Nous reproduisons ci-dessous l’essentiel du texte de l’arrêt MOUZIN :

 

Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du 12 juin 2012

 

<<(EXTRAITS)

Vu les articles 2277 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (NDLR. Arrêt CA Paris du 8 décembre 2010 MOUZIN c./ PIERRE FABRE M) , que M. X... en qualité de co-inventeur et ancien salarié du groupe Pierre Fabre, a fait assigner le 13 juillet 2006 les sociétés Pierre Fabre, Pierre Fabre dermo-cosmétique, Laboratoires dermatologiques Ducray, Laboratoires dermatologiques Avène, Laboratoires Galenic et René Furterer en paiement d’une rémunération supplémentaire pour cinq inventions brevetées de 1988 à 1996 et une enveloppe Soleau du 26 novembre 1990, constituant des inventions de mission ;

Attendu que pour déclarer prescrite cette action, l’arrêt retient que M. X... avait connaissance, depuis plus de cinq années, de l’exploitation industrielle
existante des inventions dont il est co-inventeur, partant de l’intérêt économique de ces dernières pour l’entreprise et de leur exploitation prévisible et donc d’une créance certaine et déterminable sur son employeur ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans constater que M. X... disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qui lui était due, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre grief :

Casse et annule….>>

Si la Cour reprend le principe de l’arrêt Mouzin, selon lequel « le point de départ du délai de prescription correspond au jour où le salarié disposait des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire qu'il réclame », elle commet une erreur d’application de ce principe en considérant que la méthode de calcul de la rémunération supplémentaire ne fait pas partie de ces éléments nécessaires.

Ce qui pour les salariés - inventeurs victimes de ces graves erreurs, entraîne  deux nouvelles instances coûteuses, en Cour de cassation puis en Cour de renvoi.

 

 

 Qui auraient pu être évitées, après plusieurs années de procédure déjà  fort onéreuses pour l’inventeur et sur ses deniers personnels, alors que souvent il est à la retraite comme Guy D.

 Par contre l’ex- employeur dispose de la trésorerie d’une entreprise internationale pour poursuivre le procès. Dont pour les multinationales qui brassent des milliards d’euros comme ALSTOM, les frais ne représentent qu’une  goutte d’eau dans leur budget.

 

De telles erreurs de droit au niveau de la Cour d’appel de Paris entraînent pour les inventeurs salariés une insécurité juridique gravement préjudiciable, démoralisante et extrêmement coûteuse.

 

 Cette situation est d’autant plus déplorable que la cour d’appel de Paris est depuis un décret d’octobre 2009 l’unique juridiction d’appel compétente au niveau national pour ce type de litiges « brevets d’invention » entre salariés et employeurs. De plus elle  ne possède que deux sections de 3 juges compétentes en brevets (3ème Chambre 1ère section et Pôle 5 chambre 2.)

 

Il n’est donc plus possible depuis 2009 d’assigner l’adversaire devant une autre juridiction que celle de Paris, qui serait jugée plus compétente par les justiciables. Le risque de cette situation préjudiciable en raison du monopole de compétence accordé à la cour d’appel de Paris avait été pressenti en 2009 par l’auteur de ces lignes … Mais personne n’avait « tiré la sonnette d’alarme »  sur le caractère excessif de cette réforme et ses risques…

 

Avant octobre 2009, 7 TGI répartis dans toute la France étaient compétents. Il eût été plus prudent de conserver  3 (ou 4)  juridictions compétentes sur les 7 (Paris, Lyon, Marseille + Douai comme cour de renvoi) pour limiter les risques d’apparition une situation préjudiciable aux  justiciables comme la situation actuelle, découlant d’une juridiction unique qui détient un monopole exclusif de compétence, fût-elle celle de Paris.

 

C’est malheureusement ce qui s’est produit une année seulement après le décret d’octobre 2009, dès l’arrêt du 8 décembre 2010 MOUZIN c./ PFM.

 

 Il n’existe a priori qu’une solution pour tenter d’éviter  de nouvelles dérives de ce genre : que les magistrats du fond soient davantage spécialisés, donc en nombre renforcé, et mieux formés au titre de la formation continue : diplômes du CEIPI, ou de l’IEEIPI de Strasbourg (Master), stages de formation juridique continue de la FNDE/ASPI à Paris et Lyon. Eventuellement aussi, faute de juges techniciens comme en Allemagne, (vainement réclamés depuis des décennies) au moins certains juges du fond devraient bénéficier d’une formation technique dans certains domaines.

 

Article sur INTERNET du 8 septembre 2015 du Cabinet BEAU de LOMENIE : (Extraits)

08-09-2015 » La loi « Macron » et le droit du salarié auteur d’une invention à être informé

La loi dite « Macron » n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances a été publiée au JORF du 7 août 2015 et en l’absence de dispositions transitoires, est entrée en vigueur le 8 août 2015.

Cette loi introduit une nouvelle disposition touchant aux inventions de salariés. En effet, elle crée à la charge de l’employeur une obligation d’informer le salarié, auteur d’une invention appartenant à l’employeur, du dépôt d’une demande de brevet (ou d’un certificat d’utilité) et de la délivrance du titre.

Ainsi, l’alinéa 1 modifié de l’article L. 611-7 du Code de la Propriété Intellectuelle (« CPI ») se lit :

« 1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. L'employeur informe le salarié auteur d'une telle invention lorsque cette dernière fait l'objet du dépôt d'une demande de titre de propriété industrielle et lors de la délivrance, le cas échéant, de ce titre. Les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une invention appartenant à l'employeur, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail. »

Cette disposition ne remet pas en cause le droit à une rémunération supplémentaire rendu obligatoire par la loi du 26 novembre 1990, ni les conditions dans lesquelles le salarié peut en bénéficier telles que définies par les conventions collectives, les accords d’entreprises et les contrats individuels de travail.

Elle n’a d’autre part aucun impact direct sur le montant de cette rémunération. Cependant, elle pourrait avoir un impact sur le calcul du délai de prescription des actions pouvant être intentées par un inventeur salarié contre son employeur pour réclamer une rémunération supplémentaire. En effet, il ressort de l'article 2224 du Code Civil que la prescription est de 5 ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les éléments lui permettant de faire valoir son droit à rémunération devant les tribunaux. A ce jour, la jurisprudence n'est pas fixée et a pu retenir comme point de départ, différents critères (par exemple, la date de notification au salarié de l’évaluation de la rémunération supplémentaire faite par l’employeur, la fin de la protection de l’invention brevetée ou de son exploitation industrielle). La jurisprudence a toutefois tendance à considérer que le délai ne court pas à l’égard du salarié si ce dernier n’a pas été pleinement informé de l’ensemble des éléments nécessaires au calcul de la rémunération supplémentaire (comme par exemple, l’information du salarié sur l’exploitation qui est faite de l’invention). (NDLR. : souligné par la rédaction)

Suite et fin de l’article à l’adresse :

http://www.bdl-ip.com/fr/actualites/flash-info/id-156-la-loi-macron-et-le-droit-du-salarie-auteur-d-une-invention-a-etre-

 Le 17 janvier 2016

FIN DE L’ARTICLE