Arrêt CA Paris du 30 mai 2017 P.WILSON c/ Sté SKF AG infirme jugement de 1ère instance TGI Paris qui avait débouté M. WILSON
Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 1
ARRÊT DU 30 MAI 2017
(n°140/2017, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
16/06557
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2015 -Tribunal de Grande
Instance de Paris - RG n° 13/07908
APPELANT
Monsieur Pamphile Wilson WILSON
né le 03 Mars 1965 à PARAKOU (BENIN)
Technicien analyse de la concurrence
Représenté et assisté de Me Philippe SCHMITT, avocat au barreau de PARIS, toque :
A0677
INTIMÉE
SASU SKF FRANCE
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés sous le numéro 552 048 837
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
34 avenue des Trois Peuples 78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX
Représentée et assistée de Me Frédéric SARDAIN de l’AARPI JEANTET ET ASSOCIES,
avocat au barreau de PARIS, toque : B1111
Cour d’Appel de Paris ARRÊT DU 30 MAI 2017
Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 2ème page
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 18 Avril 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benjamin RAJBAUT, Président
Monsieur David PEYRON, Président de chambre
Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier,lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par M. Benjamin RAJBAUT, président et par Mme Karine ABELKALON, greffier.
***
Considérant que Pamphile WILSON est salarié de la société SKF France laquelle conçoit, produit et commercialise des roulements mécaniques, proposant en particulier aux constructeurs et équipementiers automobiles une vaste gamme de produits visant à optimiser la rotation par roulement entre des pièces mécaniques ;
Que le 21 mai 1990, il a été engagé en qualité de Technicien Développement - niveau 3, échelon 3, coefficient 240 de la convention des ingénieurs et cadres de la Métallurgie, assurant, dans le cadre de ses fonctions, le développement des produits, participant aux études marketing, étant notamment chargé de définir la composition des kits et de créer des kits prototypes
Qu’à compter du 10 septembre 1999, il est passé au niveau 2 avec pour mission de suivre et participer à l’industrialisation des produits développés et de concevoir, développer et dessiner des produits rechange en conformité avec les standards ISO et
TSA6949
Que depuis le 1 er décembre 2011, il occupe le poste de Technicien Analyse Concurrence VSM niveau 5, échelon 2, coefficient 335 - au sein du département Vehicle Parts Operations Europe, étant notamment chargé de proposer et de développer des améliorations des produits de la gamme VSM, après avoir procédé à une analyse technique des offres concurrentes ;
Que sa rémunération annuelle brute est de 48.498,80 € ;
Qu’il est constant que le contrat de travail le liant à la société SKF FRANCE a toujours comporté une mission inventive correspondant à ses fonctions effectives, et ce, dès l'origine de la relation contractuelle ;
Qu’à ce titre, il revendique avoir été inventeur des inventions suivantes :
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Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 3ème
invention brevet français dépôt délivrance extension qualité d’inventeur de Pamphile WILSON rémunération supplémentaire
n°1 : Butée de débrayage avec surface d’attaque rapportée
FR 2 766 248 toujours en vigueur. 15 juillet 1997 au nom de la société SKF FRANCE 27août 1999
EP 08 921 880 délivré le 24 octobre 2003, toujours en vigueur en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie, désigné comme co-inventeur avec trois autres personnes, 394,24 euros de prime d’invention 382,37 euros de prime de dépôt n° 2 : Butée de débrayage avec éléments d’attaque rapporté
FR 2 840 378 du 28 mai 2002 au nom de la société SKF AKTIEBOLAGET , Hornsgatan 41550 Goteborg,Suède
EP 1 367 281 délivré et toujours valable en France en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie. Ne serait pas exploité
désigné comme co-inventeur avec deux autres personnes 370 euros de prime d’invention, 760 euros de prime de dépôt
n° 3 : Butée de débrayage avec élément d’attaque
procédé de fabrication FR 2 847 318 déchu selon SKF 14 novembre 2002 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan 1,
41550 Göteborg, Suède 16 décembre 2005
EP 1 420 184 délivré le 16 mars 2005 et toujours valable en France en Allemagne et en Italie. Ne serait pas exploité désigné comme co-inventeur avec une autre personne 507 euros de prime d’invention 760 euros de prime de dépôt de brevet Cour d’Appel de Paris ARRÊT DU 30 MAI 2017
Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 4ème page
n° 4 : Dispositif de poulie pour galet tendeur ou enrouleur, également déposée sous le titre :
Dispositif de poulie pour rouleau de galet ou de coulisseau tendeur FR 2 932 863 toujours en vigueur 23 juin 2008 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan 1, 41550 Göteborg, Suède 10 décembre 2010
PCT WO 201006857; EP 2 304 251 délivré le 4 janvier 2012 et toujours valable en France ainsi que dans d’autres pays notamment l’Allemagne.
Délivré aux États-Unis
et en Chine
désigné
comme
co-inventeur
avec deux
autres
personnes
533 euros de
prime
d’invention
533 euros de
prime de dépôt
de brevet
n° 5 : Dispositif de
poulie pour galet
tendeur ou enrouleur
FR 2 954
437
toujours en
vigueur
23 décembre 2009
au nom de la société
AKTIEBOLAGET
SKF, 41550
Göteborg, Suède
20 janvier
2012
EP 2 339 211
délivré le 22 août
2012 et toujours
valable notamment en
France, en Allemagne et
en Grande-Bretagne.
Délivré aux États-Unis
et en Chine.
désigné
comme
co-inventeur
avec deux
autres
personnes
250 euros de
prime
d’invention
1 560 euros
de prime de
dépôt de brevet
n° 6 : Méthode de
fabrication dite
modulaire
pas de brevet
français
la société SKF France a
déposé une demande de
brevet européen le 20
juillet 2012 sous le n°
EP
2 687 737 intitulée «
Unité à rouleaux avec
un palier et un moyen
de
montage et son
procédé de fabrication
»
avec
l’identificatio
n de 3
inventeurs :
Messieurs
Cherioux,
Lasserre et
Prouteau sans
l’indication
de Monsieur
Wilson.
Pas de
rémunération
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Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 5ème page
Que par assignation du 29 mai 2013, Pamphile WILSON a fait citer la société SKF France
en fixation d’une juste contribution financière due par son employeur du fait des cinq
premières inventions brevetées, étendant en cours d’instance ses demandes à la sixième
invention ;
Que Pamphile WILSON a interjeté appel du jugement contradictoire rendu le 19 novembre
2015 par le Tribunal de grande instance de Paris qui l’a
!
Débouté de l'ensemble de ses demandes,
!
Condamné aux dépens de l'instance ;
Que dans ses dernières conclusions du 14 décembre 2016, Pamphile WILSON demande
à la Cour de :
!
Infirmer le jugement qui a débouté Monsieur Pamphile Wilson de l’ensemble de
ses demandes et l’a condamné aux dépens de l’instance.
!
Rejeter les demandes de la société SKF France.
!
Constater que la société SKF France affirme que « Monsieur Pamphile
WILSON a donc toujours eu des fonctions comprenant une mission inventive
depuis son entrée au sein de la société SKF France SA. ».
!
Condamner la société SKF France à payer à Monsieur Wilson pour sa
rémunération supplémentaire d’inventeur salarié au titre des primes des titres des
brevets :
"
Invention n° 1 : la somme de 2 198,39 €
"
Invention n° 2 : la somme de 3 103 €
"
Invention n° 3 : la somme de 4 683 €
"
Invention n° 4 : la somme de 4 300 €
"
Invention n° 5 : la somme de 2 223 €
"
Invention n° 6 : la somme de 1 000 €
!
Ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Pamphile
Wilson sous astreinte de 100 € par mois de retard passé un délai d’un mois après
le prononcé de l’arrêt sollicité une attestation de son conseil en brevets indiquant
la situation des différents titres déposés et relatif à l’invention numéro 6 qui a
notamment fait l’objet de la demande de brevet européen EP 2 687 737.
!
Ordonner à la société SKF France d’inscrire auprès de l’Office Européen des
Brevets à la demande de brevet européen EP 2 687 737 et à tous titres qui en
seraient issus auprès des offices correspondants dans la rubrique « inventeur »
également le nom de Monsieur Pamphile Wilson et de lui en justifier, et ce sous
astreinte au bénéfice de Monsieur Wilson de 500 € par mois de retard passé un
délai de 3 mois après que le jugement soit devenu définitif.
!
Condamner la société SKF France à payer à Monsieur Wilson pour sa
rémunération supplémentaire pour l’exploitation de l’invention n° 1 sur la période
des exercices clos sur la période du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2012, la
somme nette de 3 273 €.
!
Ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Wilson le détail
de tous les paiements reçus en rapport avec l’un ou l’autre des titres des 6
familles de brevets et par références exploitées par les sociétés du groupe SKF
y compris les sociétés SKF France et AKTIEBOLAGET SKF ou dans laquelle
l’une ou l’autre des sociétés du groupe SKF ont détenus ou détiennent une
participation de minimum 30 % et le profit net réalisé par invention, le détail des
ventes par référence et le profit net étant attestés par son commissaire aux
comptes, et par exercice et ce dans les 3 mois de la clôture de chaque exercice
sous astreinte de 500 € par mois de retard et par attestation manquante et par
famille de brevets ou par brevet manquants au bénéfice de Monsieur Wilson, et
ce par famille de brevet jusqu’au terme de la dernière revendication valable du
dernier brevet correspondant de chaque famille.
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RG n° 16/06557- 6ème page
!
Ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Wilson les mêmes
documents sous mêmes conditions d’astreinte pour les exercices antérieurs
clôturés au jour du prononcé de l’arrêt pour l’invention n° 1, ayant débuté
depuis le 1 er janvier 2013, et pour les autres inventions depuis la date de
dépôt de la première demande de brevet correspondant.
!
Condamner la société SKF France à payer sur le profit net par exercice de
l’exploitation de chaque invention à Monsieur Wilson et de lui adresser dans un
délai de 3 mois après la clôture de l’exercice concerné le montant net
correspondant à :
"
Invention 1 : 2,5 %
"
Invention 2 : 3,33 %
"
Invention 3 : 5%
"
Invention 4 : 3,33%
"
Invention 5 : 3,33%
"
Invention 6 : 2,5 %
!
Condamner la société SKF FRANCE à payer à Monsieur Wilson la somme de 7
500 € TTC en application de l'article 700 du Code de procédure civile
!
Condamner la société SKF FRANCE aux entiers frais et dépens au bénéfice de
Me Philippe Schmitt en application de l’article 699 du CPC.
Que dans ses dernières conclusions du 16 janvier 2017, la société SKF FRANCE demande
à la Cour de :
!
A TITRE PRINCIPAL :
"
Constater que Monsieur Pamphile WILSON a reçu une
rémunération supplémentaire suffisante au titre des inventions
ayant donné lieu au dépôt des brevets FR 2 766 248, FR 2 840
378, FR 2 847 318, FR 2 932 863 et FR 2 954 437 ;
!
A TITRE SUBSIDIAIRE :
"
Constater la prescription partielle des demandes de Monsieur
Pamphile WILSON
!
EN CONSEQUENCE :
"
Débouter Monsieur Pamphile WILSON de l’intégralité de ses demandes ;
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamner Monsieur Pamphile WILSON aux dépens de l’instance.
Que l’ordonnance de clôture est du 17 janvier 2017 ;
Que dans ses conclusions de procédure du 10 mars 2017, Pamphile WILSON demande
à la cour d’écarter des débats les conclusions du 16 janvier 2016 de la société SKF
FRANCE et ses pièces numérotées 34 à 41 ; qu’à cette fin, il fait valoir que ces
conclusions et pièces ont été communiquées la veille de l’ordonnance de clôture ;
Que dans ses conclusions de procédure du 31 mars 2017, la société SKF FRANCE
demande à la cour de débouter Pamphile WILSON de son incident ;
SUR CE
I - Sur l’incident de procédure
Considérant que Pamphile WILSON se borne à soutenir que la société SKF FRANCE lui
a signifié de nouvelles conclusions la veille de l’ordonnance de clôture ; qu’il ne précise
pas en quoi ces conclusions et les pièces qui y étaient jointes nécessitent une réponse et
portent ainsi une atteinte aux droits de la défense ; que la cour observe que les pièces 34
à 41 sont des attestations qui ont été produites en première instance, discutées par le
tribunal, et que l’appelant critique lui-même amplement dans ses conclusions d’appel ;
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Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 7ème page
Que la demande de rejet de conclusions et de pièces ne peut être accueillie ;
II - Au fond
Considérant que pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a considéré, de première part,
que l’article 26 de la convention collective de la métallurgie, en ce qu’elle précise que la
prime prend la forme d’une prime globale versée en une ou plusieurs fois, n’est pas contraire à l’ordre public mais ne permet pas d’en définir les règles de calcul ; de deuxième part, que le système forfaitaire de rémunération mis en place par la société SKF, d’abord
le 1er janvier 1997 puis le 1er avril 2008, consistant à déterminer une rémunération de base, liée à la brevetabilité de l’invention, outre une rémunération supplémentaire, liée au maintien en vigueur du brevet pendant une période supérieure à 7 ans, est opposable à Pamphile WILSON, quand bien même ces règles n’auraient pas pas été approuvées par un accord d’entreprise ni individuellement par le salarié concerné ; de troisième part, que les modalités de calcul de cette rémunération, mises en place par la société SKF, ne sont pas contraires aux critères jurisprudentiels, prenant notamment en compte l’intérêt économique de l’invention par le versement d’une prime lors de la 7ème année de maintien du brevet ;
de quatrième part, concernant les inventions 1 à 5, que Pamphile WILSON, qui ne
conteste pas avoir été rémunéré en application des règles définies par l'entreprise, ne
justifie pas en quoi il devrait aussi être rémunéré au titre de la transmission de l’invention
à l’employeur, au titre du dépôt de la demande initiale française, au titre de l’extension de
la demande, au titre de la délivrance de la demande initiale, au titre de la délivrance par
l’office européen des brevets, au titre du maintien des brevets par pays après la délivrance
de l’OEB et au titre de la délivrance du brevet en Chine et aux Etats Unis ; de sixième part,
concernant l’invention 6, qu’il ne démontre pas en quoi la conception de la méthode à
laquelle il aurait participé avant 2006 serait celle qui aurait permis le dépôt de la demande
de brevet européen le 20 juillet 2012 n° EP 2 687 737, alors même que cela est contesté
tant par la société SKF que par messieurs Cherioux, Lasserre et Prouteau, les inventeurs
désignés ;
Que la société SKF FRANCE demande la confirmation du jugement pour les motifs qu’il
contient ; que Pamphile WILSON en demande l’infirmation, pour les motifs qui seront
examinés ci-après ;
A - Sur les règles de détermination de la rémunération supplémentaire
Considérant que selon l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle, applicable à
l’époque des faits,
les conditions dans lesquelles le salarié (...) bénéficie d'une
rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les
accords d'entreprise et les contrats individuels de travail ; si l'employeur n'est pas
soumis à une convention collective de branche, tout litige relatif à la rémunération
supplémentaire est soumis à la commission de conciliation instituée par l'article L.
615-21 ou au tribunal de grande instance
; qu’il s’infère de ce texte d’ordre public que si la rémunération supplémentaire du salarié du fait de ses inventions n’est pas déterminée
par une convention collective, un accord d’entreprise ou son contrat de travail, son montant, en cas de désaccord, est soumis à l’appréciation du juge ;
Considérant que l'article 26 de la convention collective de la métallurgie prévoit que
lorsqu'un employeur confie à un ingénieur ou cadre une mission inventive qui correspond
à ses fonctions effectives (…) la rétribution de l’ingénieur ou cadre tient compte de cette
mission, de ces études ou recherches et rémunère forfaitairement les résultats de son
travail. Toutefois si une invention dont le salarié serait l’auteur dans le cadre de cette
tâche présentait pour l’entreprise un intérêt exceptionnel dont l’importance serait sans
commune mesure avec le salaire de l’inventeur, celui-ci se verrait attribuer, après la
délivrance du brevet, une rémunération supplémentaire pouvant prendre la forme
d’une prime globale versée en une ou plusieurs fois (...)
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Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 8ème page
Que les dispositions de cet article qui précisent que la rémunération supplémentaire peut
prendre la forme d’une prime globale versée en une ou plusieurs fois ne permettent
cependant pas de définir des règles de calcul de ces primes ni leur montant ;
Qu’il est par ailleurs constant que la rémunération supplémentaire à laquelle peut prétendre
Pamphile WILSON du fait des inventions qu’il a créées n’est pas non plus précisée par son
contrat de travail ou par un accord d’entreprise ;
Considérant que la société SKF FRANCE a justifié en cours de première instance avoir
mis en place, notamment à compter du 1 er janvier 1997 puis du 1er avril 2008, un système forfaitaire de rémunération des inventions de ses salariés ; que celui-ci prévoit deux primes, la première liée à la brevetabilité de l’invention, la seconde au maintien en vigueur du brevet pendant une période supérieure à 7 ans ; que leur montant est basé sur celui des redevances versées à l’office des brevets, avec des coefficients notamment liés au nombre d’inventeurs ; que c’est en vertu de ce système forfaitaire que les rémunérations supplémentaires de Pamphile WILSON ont été calculées puis lui ont été versées ;
Considérant cependant que ce mode de rémunération, fixé unilatéralement par l’employeur, n’est pas prévu par la convention collective de la métallurgie ; qu’il n’a pas fait l’objet d’un accord d’entreprise au sein de la société SKF FRANCE ; que n’ayant pas été soumis à l’accord exprès et écrit de Pamphile WILSON, il n’a pas été intégré à son contrat de travail ;
Qu’en définitive, compte tenu du désaccord des parties, le montant de la rémunération due à Pamphile WILSON sera fixé judiciairement, le jugement étant réformé de ce chef ;
B - Sur la prescription
Considérant que la prescription quinquennale ne peut commencer à courir qu’à compter du moment où la créance devient déterminable ; Qu’en l’espèce Pamphile WILSON soutient que ce n’est qu’en cours de procédure de première instance, par les conclusions de la société SKF FRANCE du 19 mars 2015, qu’il a appris le mode de calcul des primes qui lui ont été versées ; Que la société SKF FRANCE soutient en sens inverse que Pamphile WILSON était informé de ce mode de calcul dès lors que les règles en avaient été diffusées en interne, que ses co-auteurs ont attesté en avoir eu connaissance, et qu’il en avait bénéficié pendant 15 ans ;
Mais considérant, en premier lieu, qu’aucune note interne fixant le mode de rémunération ne mentionne Pamphile WILSON comme en ayant été destinataire ; en deuxième lieu, que si un magazine SKF “réservé au personnel” comporte un article intitulé mis aux inventeurs
, celui-ci est daté du mois de janvier 1995, soit antérieurement au 1er janvier 1997, et ne comporte pas un mode de calcul basé sur le montant des redevances versées à l’office, mais une somme fixe de 10 000 francs ou 20 000 francs, selon que l’invention est individuelle ou collective ; en troisième lieu, que le fait que les co-inventeurs ont attesté, dans des termes identiques, avoir eu connaissance des régles de rémunération pour leur invention, n’implique pas qu’il en a été de même pour Pamphile WILSON ; que si celui-ci a bien perçu des primes pendant 15 ans, cela n’implique pas qu’il connaissait avec précision leur mode de calcul ; Qu’en l’état des pièces produites, la cour estime que la prescription quinquennale n’a commencé à courir que le 19 mars 2015, date à laquelle il est justifié que la société SKF a porté à la connaissance de Pamphile WILSON le mode de calcul des primes qui lui ont été versées ;
Que celle-ci n’est donc pas acquise, même pour partie ;
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C - Sur les demandes relatives aux inventions 1 à 5
Considérant que la rémunération supplémentaire du salarié s’apprécie notamment au
regard du caractère personnel et essentiel de sa contribution, mais aussi de l’intérêt économique du brevet, celui-ci pouvant résulter de son maintien en vigueur pour faire barrage à la concurrence, indépendamment de toute exploitation ;
1 - sur l’invention n°1
Considérant que cette invention a pour titre une butée de débrayage avec surface d’attaque rapportée ; qu’elle a fait l’objet d’un brevet français FR 2 766 248 toujours en vigueur, déposé le 15 juillet 1997 au nom de la société SKF FRANCE et délivré le 27 août 1999 ; qu’elle a aussi fait l’objet d’une extension européenne EP 08 921 880 délivrée le 24 octobre 2003, toujours en vigueur en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie ; Que la contribution essentielle et personnelle de Pamphile WILSON est établie par le fait qu’il en a été désigné comme co-inventeur avec trois autres personnes ; Que l’exploitation de ce brevet a permis entre 1998 et 2012 de dégager un chiffre d’affaires de 1 579 319 € et une marge nette de 131 020 € ;
Que la cour estime que les sommes versées à Pamphile WILSON de 394,24 euros de prime d’invention et de 382,37 euros de prime de dépôt sont insuffisantes pour le rémunérer justement ;
Que la société SKF FRANCE sera condamnée à lui verser une somme complémentaire, toutes causes confondues, de 2 500 € ; Que Pamphile WILSON sera débouté de ses autres demandes de ce chef ;
2 - sur l’invention n°2
Considérant que cette invention a pour titre une butée de débrayage avec éléments
d’attaque rapporté ; qu’elle a fait l’objet d’un brevet français FR 2 840 378 déchu selon
SKF, déposé le 28 mai 2002 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF,
Hornsgatan 1, 41550 Goteborg, Suède et délivré le 26 août 2005 ; qu’elle a aussi fait
l’objet d’une extension européenne EP 1 367 281 délivrée et toujours valable en France,
en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie ; qu’elle ne serait pas exploitée ;
Que la contribution essentielle et personnelle de Pamphile WILSON est établie par le fait
qu’il en a été désigné comme co-inventeur avec deux autres personnes ;
Que la cour estime que les sommes versées à Pamphile WILSON de 370 euros de prime
d’invention et de 760 euros de prime de dépôt sont insuffisantes pour le rémunérer justement ;
Que la société SKF FRANCE sera condamnée à lui verser une somme complémentaire, toutes causes confondues, de 500 € ;
Que Pamphile WILSON sera débouté de ses autres demandes de ce chef ;
3 - sur l’invention n°3
Considérant que cette invention a pour titre une butée de débrayage avec élément d’attaque
rapporté et procédé de fabrication ; qu’elle a fait l’objet d’un brevet français FR 2 847 318
déchu selon SKF, déposé le 14 novembre 2002 au nom de la société AKTIEBOLAGET
SKF, Hornsgatan 1, 41550 Goteborg, Suède et délivré le 16 décembre 2005 ; qu’elle a
aussi fait l’objet d’une extension européenne EP 1 420 184 délivrée le 16 mars 2005 et
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qu'elle est toujours valable en France? en Allemagne et en Italie ; qu’elle ne serait pas exploitée ;
Que la contribution essentielle et personnelle de Pamphile WILSON est établie par le fait
qu’il en a été désigné comme co-inventeur avec une autre personne ;
Que la cour estime que les sommes versées à Pamphile WILSON de 507 euros de prime
d’invention et de 760 euros de prime de dépôt sont insuffisantes pour le rémunérer justement ;
Que la société SKF FRANCE sera condamnée à lui verser une somme complémentaire,
toutes causes confondues, de 500 € ;
Que Pamphile WILSON sera débouté de ses autres demandes de ce chef ;
4 - sur l’invention n°4
Considérant que cette invention a pour titre un dispositif de poulie pour galet tendeur ou
enrouleur, également déposé sous le titre dispositif de poulie pour rouleau de galet ou de
coulisseau tendeur ; qu’elle a fait l’objet d’un brevet français FR 2 932 863 abandonné
selon SKF, déposé le 23 juin 2008 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF,
Hornsgatan 1, 41550 Goteborg, Suède et délivré le 10 décembre 2010 ; qu’elle a aussi fait
l’objet d’une extension PCT WO 201006857, puis EP 2 304 251 délivrée le 4 janvier 2012
et toujours valable en France ainsi que dans d’autres pays notamment l’Allemagne ; qu’il
a été délivré aux États-Unis et en Chine; qu’elle ne serait pas exploitée ;
Que la contribution essentielle et personnelle de Pamphile WILSON est établie par le fait
qu’il en a été désigné comme co-inventeur avec deux autres personnes ;
Que la cour estime que les sommes versées à Pamphile WILSON de 533 euros de prime
d’invention et de 533 euros de prime de dépôt sont insuffisantes pour le rémunérer justement ;
Que la société SKF FRANCE sera condamnée à lui verser une somme complémentaire,
toutes causes confondues, de 500 € ;
Que Pamphile WILSON sera débouté de ses autres demandes de ce chef ;
5 - sur l’invention n°5
Considérant que cette invention a pour titre un dispositif de poulie pour galet tendeur ou
enrouleur ; qu’elle a fait l’objet d’un brevet français FR 2 954 437 toujours en vigueur,
déposé le 23 décembre 2009 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan
1, 41550 Goteborg, Suède et délivré le 20 janvier 2012 ; qu’elle a aussi fait l’objet d’une
extension EP 2 339 211 délivrée le 22 août 2012 et toujours valable notamment en France,
en Allemagne et en Grande-Bretagne ; qu’il a été délivré aux États-Unis et en Chine ;
Que la contribution essentielle et personnelle de Pamphile WILSON est établie par le fait
qu’il en a été désigné comme co-inventeur avec deux autres personnes ;
Que l’exploitation de ce brevet a permis entre 2009 et 2014 de dégager un chiffre d’affaires de 91 487 € et une marge nette de 15 792 € ;
Que la cour estime que les sommes versées à Pamphile WILSON de 250 euros de prime d’invention et de 1560 euros de prime de dépôt sont insuffisantes pour le rémunérer justement ;
Que la société SKF FRANCE sera condamnée à lui verser une somme complémentaire,
toutes causes confondues, de 500 € ;
Cour d’Appel de Paris ARRÊT DU 30 MAI 2017
Pôle 5 - Chambre 1
RG n° 16/06557- 11ème page
Que Pamphile WILSON sera débouté de ses autres demandes de ce chef ;
D - sur les demandes relatives à l’invention n°6
Considérant que pour débouter Pamphile WILSON de ses demandes de ce chef, le tribunal
a considéré qu’il ne démontrait pas en quoi la conception de la méthode à laquelle il aurait
participé avant 2006 serait celle qui aurait permis le dépôt de la demande de brevet
européen le 20 juillet 2012 n° EP 2 687 737, alors même que cela est contesté tant par la
société SKF que par messieurs Cherioux, Lasserre et Prouteau, les inventeurs désignés ;
Qu’en cause d’appel, Pamphile WILSON reprend la même argumentation qu’en première
instance, critiquant pour l’essentiel les attestations des inventeurs désignés qui ne seraient pas assez probantes ;
Mais considérant qu’en l’espèce la preuve entre l’invention revendiquée et le brevet
déposé, qui incombe à Pamphile WILSON, n’est pas suffisamment rapportée ; que le jugement sera confirmé de ce chef ;
E - Sur les frais et dépens
Considérant que la société SKF FRANCE, qui succombe pour l’essentiel, supportera les
dépens ; qu’elle sera condamnée en application de l’article 700 du code de procédure
civile ainsi qu’il est dit au dispositif ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Déboute Pamphile WILSON de son incident de procédure,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Pamphile WILSON de ses demandes relatives
à l’invention n°6,
L’infirme pour le surplus,
Dit n’y avoir lieu à prescription,
Condamne la société SKF FRANCE à payer à Pamphile WILSON, en sus des sommes déjà
payées, les sommes de :
- la somme de 2 500 € au titre du brevet 1,
- la somme de 500 € au titre du brevet 2,
- la somme de 500 € au titre du brevet 3,
- la somme de 500 € au titre du brevet 4,
- la somme de 500 € au titre du brevet 5,
Déboute Pamphile WILSON de ses autres demandes,
Condamne la société SKF FRANCE à payer à Pamphile WILSON la somme de 7 500 €
TTC en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société SKF FRANCE aux entiers frais et dépens dont distraction au bénéfice
de Me Philippe Schmitt en application de l’article 699 du code de procédure civile.
LE PRÉSIDENT LE GREFFIER