CA Paris 2 mars 2018 David G... c stés MACO P; prescription triennale, action non prescrite, recevable
Rémunération supplémentaire 5 inventions de mission- délai de prescription triennal- inventeur responsable technique et industriel- non accès aux informations comptables d'exploitation de ses inventions- insuffisance des informations sur l'exploitation accessibles au salarié pour lui permettre de calculer (d'estimer) ses rémunérations supplémentaires - la prescriptin n'a pas commencé à courir- prescription : non - action recevable- critères : intérêt économique- contribution personnelle inventeur- difficultés pratiques de réalisation- 2 inventions sans effet sur exploitations-
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Cour d'appel Paris
Pôle 5, chambre 2
2 Mars 2018
Répertoire Général : 16/23992
Contentieux Judiciaire
Décision déférée à la Cour : jugement du 03 novembre 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°14/18225
APPELANT : M. David G.
Né le 06 octobre 1969 à [...]
De nationalité française
Exerçant la profession de directeur
Demeurant [...]
Représenté par Me Philippe S., avocat au barreau de PARIS, toque A 677
INTIMEES
S.A.S. MACO PRODUCTIONS, prise en la personne de son président, M. Ronald de L. C., domicilié en cette qualité au siège social situé
[...]
Immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 313 777 997
S.A.S. MACO PHARMA, prise en la personne de son président, M. Ronald de L. C., domicilié en cette qualité au siège social situé
Immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 391 600 905
Représentées par Me Marc L. de l'AARPI ALMAIN, avocat au barreau de PARIS, toque R 182
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 10 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Colette PERRIN, Présidente Mme Véronique RENARD, Conseillère Mme Nicolette GUILLAUME, Conseillère, désignée en rem[...], Conseillère, empêchée
qui en ont délibéré
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET : Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur David G. a été salarié de la société Maco Productions à partir de 2004 et a exercé les fonctions suivantes:
- du 1er septembre 2004 au 31 octobre 2004 : responsable industriel & méthodes
- du 1er novembre 2004 au 31 mai 2006 : responsable de site Maco
- du 1er juin 2006 au 30 septembre 2008 : directeur d'usine
- du 1er octobre 2008 au 30 novembre 2008 : responsable développement industriel.
Le 8 octobre 2008, il a conclu un accord de rupture conventionnelle pour la résiliation du contrat de travail au 30 novembre 2008, avec une indemnité de 54 300 euros brut; il a signé son solde de tout compte le 1er décembre 2008.
Les sociétés Maco Pharma et Maco Productions font partie groupe Maco Pharma International qui intervient dans le domaine pharmaceutique pour la production de poches de transfusion, de poches de sang et de masques.
La société Maco Pharma a déposé cinq brevets désignant monsieur G. comme co-inventeur:
' un « Brevet Masque » déposé le 13 juillet 2005 publié sous le numéro FR 2 888 471, étendu au niveau européen en date du 21 décembre 2011 (EP 1743 535) et portant sur un masque de protection respiratoire comprenant une bande protectrice;
' un « Brevet Filtration Sélective » déposé le 10 octobre 2005, publié sous le numéro FR 2 891 74, étendu au niveau européen en date du 4 avril 2012 (EP 1933900), portant sur une unité de filtration pour l'élimination d'une substance cible;
' un « Brevet Tubulure Décalée » déposé le 25 avril 2007, publiée sous le n°FR 2 915 399 ainsi que d'une extension PCT n°WO 2007 145847, étendu au niveau européen en date du 21 décembre 2011
(EP 2139538), portant sur une unité de filtration d'un fluide biologique munie d'un élément d'entrée et/ou de sortie décalé;
' un « Brevet Interruption Joint », déposé le 27 juin 2008, publié sous le numéro FR 2 932 988, ainsi qu'une extension PCT n°WO 2010 004104, étendu au niveau européen en date du 14-10- 2015 (EP 2326363), portant sur une unité de filtration d'un fluide munie d'une interruption de joint;
' un « Brevet Filtration Compartiment », déposé le 27 juin 2008, publié sous le numéro FR 2 932 989 portant sur une unité de filtration pourvue d'un compartiment annexe.
Courant 2012, monsieur G. a repris contact avec le dirigeant de la société Maco Productions pour lui proposer de participer à des améliorations de procédés de transfusion mais les pourparlers n'ont pas abouti.
Le 31 octobre 2012, la société Maco Productions a proposé à monsieur G. de lui payer des rémunérations d'inventeur salarié selon les règles de rémunération des inventions de salariés mises en place après son départ pour un total de 3 333, 32 euros. réparti ainsi :
- pour l'invention 1,
' au titre d'une prime de dépôt : 200 euros
' au titre de la délivrance 333 euros
' au titre de l'exploitation : 250 euros;
- pour l'invention 2,
' au titre d'une prime de dépôt : 133,33 euros
' au titre de la délivrance 333 euros
' au titre de l'exploitation : 333,33 euros;
- pour l'invention 3,
' au titre d'une prime de dépôt : 200 euros
' au titre de la délivrance 500 euros
' au titre de l'exploitation : 250 euros,
pour chacune des inventions 4 et 5, une prime de dépôt de 66,66 euros.
Le 30 avril 2013, Monsieur G. a rejeté cette proposition, estimant avoir droit à une rémunération plus importante pour sa contribution aux brevets. Le 2 mai 2013, son conseil a délivré aux sociétés Maco Productions et Maco Pharma une sommation de communiquer des pièces relatives à l'exploitation des brevets en cause.
Le 29 juillet 2013, Monsieur G. a fait assigner les sociétés Maco Productions et Maco Pharma en paiement au principal d'une rémunération supplémentaire due pour les inventions de salariés.
Le juge de la mise en état a sursis à statuer par ordonnance du 19 décembre 2013 en attente d'une proposition de la Commission nationale des inventions de salariés( ci- après CNIS) saisie par les sociétés Maco Pharma et Maco Productions.
Monsieur G. a refusé la proposition de la CNIS, soit la somme de 15 000 euros brute et, par exploit du 11 décembre 2014 a assigné les sociétés Maco Pharma et Maco Productions devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement contradictoire en date du 3 novembre 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :
' mis la société Maco Pharma hors de cause,
' écarté des débats la pièce 42 en défense,
' dit que les demandes en paiement de M. David G. envers la société Maco Productions ne sont pas prescrites et qu'elles sont recevables,
- condamné la société Maco Productions à payer à Monsieur David G. la somme de 20 000 euros à titre de rémunérations supplémentaires à l'inventeur salarié pour les brevets objets du litige,
' rejeté la demande de M. David G. envers la société Maco Productions tendant à la communication de documents,
' condamné la société Maco Productions à payer à M. David G. la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.
M. David G. a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la présente cour en date du 28 novembre 2016.
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 février 2017, l'appelant demande à la cour, au visa des articles L611-7 du Code de la propriété intellectuelle de :
- infirmer le jugement du 3 novembre 2016 du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a mis hors de cause la société Maco Pharma, a limité la condamnation au titre de la rémunération supplémentaire de Monsieur G. à la somme de 20 000 euros et a rejeté ses autres demandes notamment celles tendant à la communication de documents.
- condamner les sociétés Maco Productions et Maco Pharma à payer à Monsieur G. au titre de la rémunération supplémentaire de l'inventeur salarié la somme correspondante à 1 % sur l'ensemble des revenus nets perçus par l'une ou l'autre de ces deux sociétés sur tous produits exploités directement ou indirectement et couverts par l'une ou l'autre des revendications de l'un ou de l'autre des brevets déposés sur la base de l'une ou de l'autre des demandes de brevet français FR 2 888 471, FR 2 891 747, FR 2 915 399, FR 2 932 988, FR 2 932 989, ensemble plus avant dénommé les cinq familles de brevets et sur l'ensemble des revenus nets perçus par tout dispositif contractuel relatif auxdits titres, et ce jusqu'au terme du dernier titre de chaque famille.
- condamner solidairement les sociétés Maco Productions et Maco Pharma à payer à Monsieur G. au titre des différents événements de la vie des cinq familles de brevets intervenus au 1er janvier 2016 :
- masque de protection respiratoire comprenant une bande protectrice 15 000€
- unité de filtration d'un fluide biologique munie d'un élément et/ou de sortie décalée:10 000 €.
- unité de filtration pour l'élimination sélective de substances cible : 15 000 €
- unité de filtration d'un fluide muni d'une interruption de joint : 4 166 €.
- unité de filtration pourvue d'un compartiment annexe : 3 333 €.
- condamner solidairement les sociétés Maco Productions et Maco Pharma à lui payer la somme de 834 000 € à titre de provision pour la rémunération supplémentaire sur l'exploitation des inventions sous réserve des informations à obtenir ultérieurement,
- ordonner aux sociétés Maco Productions et Maco Pharma sous astreinte de 2 000 euros par semaine de retard et par information manquante passé un délai de trois mois après le prononcé de l'arrêt à intervenir de lui communiquer également pour les informations qui sont relatives aux années antérieures :
- la liste de toutes les sociétés du Groupe Maco Pharma et celles de toutes les sociétés hors du groupe Maco Pharma dans lesquelles l'une ou l'autre des sociétés du Groupe Maco Pharma ont détenu ou détiennent une participation, et qui détiennent directement ou indirectement un droit quelconque sur l'un ou l'autre des titres des cinq familles,
- la copie de tous les contrats y compris les contrats de vente, de licence, de fourniture et contrats d'apport, portant sur tout produit couvert directement ou indirectement notamment par fourniture de moyens, par l'une ou de l'autre des revendications d'un titre des cinq familles,
- le détail de tous les paiements reçus en rapport avec un titre des cinq familles par l'une ou l'autre des sociétés du groupe Maco Pharma et de toutes les sociétés hors du groupe Maco Pharma dans lesquelles l'une ou l'autre des sociétés du Groupe Maco Pharma ont détenu ou détiennent une participation,
- tout document relatif à la valorisation de ses inventions et notamment tout document chiffrant leur valeur économique, leur intérêt commercial, leur volume des ventes,
- l'indication au regard de ces documents et de ces informations, des revenus nets perçus par les contrats de vente, de licence, de fourniture et contrats d'apport, portant sur tout produit couvert directement ou indirectement notamment par fournitures de moyens par l'une quelconque des revendications d'un titre des cinq familles et de leurs modalités de calcul, et le montant de 1% lui étant dû, ensemble certifié par le commissaire aux comptes des sociétés Maco Productions et Maco Pharma ,
- dire que les sociétés Maco Productions et Maco Pharma devront lui payer ce montant dans les 40 jours du prononcé de l'arrêt à intervenir et passé ce délai, il sera majoré des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil.
- ordonner aux sociétés Maco Productions et Maco Pharma sous astreinte de 2 000 euros par semaine de retard et par information manquante de communiquer dans les trois mois de la clôture de chacun de leurs exercices, l'état réactualisédesdites informations et des calculs sur les revenus nets dus jusqu'au terme du dernier brevet.
- se réserver l'astreinte
- confirmer le jugement dans ses autres dispositions non contraires
- condamner les sociétés Maco Pharma et Maco Productions à lui payer la somme de 4 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers frais et dépens de l'instance d'appel au bénéfice de Maître Philippe S..
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 avril 2017, les société Maco Pharma et Maco Productions demandent à la cour, au visa des articles L.611-7 et R.615-27 du Code de la propriété intellectuelle, articles L.1234-20 et L.3245-1 du Code du Travail, article 2224 du Code Civil, article 378 du Code de procédure civile, de :
- confirmer le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu'il a mis hors la cause la société Maco Pharma et rejeté les demandes de M. David G. demandant la production sous astreinte de pièces supplémentaires
- constater que M. David G. a signé le 1er décembre 2008 un reçu pour solde de tout compte portant sur tous salaires et accessoires des salaires ;
- constater par conséquent que toute demande de M. David G. est atteinte par la prescription depuis le 1er juin 2009 ;
et par conséquent
- réformer le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu'il a condamné Maco Productions à payer à Monsieur David G. la somme de 20.000 € à titre de rémunérations supplémentaires dues à l'inventeur salarié ;
- débouter David G. de ses demandes à l'encontre de Maco Productions ;
à titre subsidiaire
- constater la très faible valeur économique des inventions de M. David G. ;
- constater que M. David G., de par ses fonctions de chef de l'Unité de Production Maco 1 disposait de toutes les informations nécessaires au calcul de sa rémunération supplémentaire ;
- constater que les demandes de M. David G. sont atteintes par la prescription, à l'exception de celles portant sur la rémunération supplémentaire au titre de l'exploitation des Brevets Filtration Sélective et Tubulure Décalée et de la délivrance des brevets européens Masques, Filtration Sélective, Tubulures Décalées et Interruption Joint ;
et, par conséquent
- réformer le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu'il a condamné Maco Productions à payer à Monsieur David G. la somme de 20.000 € à titre de rémunérations supplémentaires dues à l'inventeur salarié ;
- débouter M. David G. de ses demandes à l'encontre de Maco Productions au titre du Brevet Filtration Compartiment ;
- arrêter le montant de la rémunération supplémentaire de M. David G. au titre des Brevets Masques, Filtration Sélective, Tubulure Décalée et Interruption Joint à 2.250 € ;
à titre ultra subsidiaire
- réformer le jugement du 3 novembre 2016 en ce qu'il a condamné Maco Productions à payer à Monsieur David G. la somme de 20.000 € à titre de rémunérations supplémentaires dues à l'inventeur salarié
- constater que la politique des inventions de salariés de Maco Productions peut être utilisée pour calculer le montant de la rémunération supplémentaire de M. David G. ;
- constater que cette politique prévoit l'attribution d'une rémunération supplémentaire de 3.666.65 € pour les inventions réalisées par M. David G. et par conséquent
- arrêter le montant de la rémunération supplémentaire de M. David G. au titre des inventions de salarié à 3.666,65 € ;
en tous les cas
- condamner M. David G. à lui verser un montant de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 7 décembre 2017.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la mise en cause de la société Maco Pharma
Monsieur G. fait valoir que la présence de la société Maco Pharma à l'instance est nécessaire dès lors que les brevets en cause ont été déposés par cette dernière qui, de plus, lui a proposé par mail du 31 octobre 2012 une rémunération supplémentaire au titre de ses inventions de salarié et qu'il n'est pas rapporté la preuve du dispositif contractuel mis en place entre les sociétés Maco Pharma et Maco Productions, celles-ci prétendant ne pas retrouver le contrat passé entre elles.
Les intimées soutiennent qu'en toutes hypothèses, la relation contractuelle entre elles importe peu, monsieur G. n'ayant jamais été salarié de la société Maco Pharma et ne pouvant donc pas demander une rémunération de ses inventions de salarié à cette dernière.
S'il n'est pas contesté que monsieur G. a été engagé par la société Maco Productions en 2004 et qu'il a exercé les fonctions suivantes :
- du 1er septembre 2004 au 31 octobre 2004 : responsable industriel & méthodes
- du 1er novembre 2004 au 31 mai 2006 : responsable de site Maco
- du 1er juin 2006 au 30 septembre 2008 : directeur d'usine
- du 1er octobre 2008 au 30 novembre 2008 : responsable développement industriel et que les inventions qu'il revendique ont été réalisées dans le cadre de sa mission de salarié, tous les dépôts ont été effectués par la société Maco Pharma.
De plus, selon protocole d'accord du 26 octobre 2005, soit après le dépôt du brevet masque, la société Maco Pharma et Maco Productions se sont engagées toutes deux envers l'Etat à installer dans un délai maximal de 6 mois une unité de production de masques sur le territoire national et à réserver prioritairement sa production aux acheteurs désignés par l'Etat à compter de la mise en oeuvre de cet outil industriel ; dans cet acte les deux sociétés ne sont pas différenciées par des activités distinctes, ni d'ailleurs par la mention d'un numéro d'immatriculation RCS et s'engagent sous la dénomination 'Maco'étant alors représentées par le même dirigeant qui signe la convention 'pour Maco' ; par un avenant du 29 mars 2006, qui ne sera signé que par la société Maco Devices Macopharma en qualité de titulaire, la durée du contrat a été prolongé au 31 juillet 2006 et le montant maximal des masques pouvant être commandés à 117 490 560 pièces; cet avenant a supprimé la référence au masque DS Maco DLVI et a introduit la référence HY 8920 qui ne présente pas d'attaches solidarisées et la référence ZZMOO2EU utilisant l'invention de messieurs G. et Verpoort.
En ce qui concerne les autres brevets ils ont également été déposés par la société Maco Pharma qui a d'ailleurs proposé une rémunération d'inventeur salarié à monsieur G. pour chacun des brevets au titre de la rémunération d'inventeur salarié.
Or aucune cession ou concession de licence n'a été inscrite au registre national des brevets.
Ces éléments démontrent des relations contractuelles entre les deux sociétés en ce qui concerne la gestion des brevets et, qu'à tout le moins, il a été opéré un transfert des brevets revendiqués par la société Maco Production à la société Maco Pharma, de sorte que celle-ci s'estime tenue par la rémunération d'inventeur.
De plus, si la société Maco Pharma n'a jamais été employeur de monsieur G., force est de constater, de par la situation juridique la liant à la société Maco Productions, qu'elle peut être en possession d'éléments d'information relatifs aux inventions revendiquées, permettant au salarié de faire valoir ses droits et qui ne lui auraient pas été fournis par son ancien employeur.
Dès lors, quand bien même la demande indemnitaire de monsieur G. ne peut être dirigée que contre son ancien employeur, la société Maco Productions, celui-ci est fondé à appeler dans la cause la société Maco Pharma en ce qu'elle détient des informations économiques qui lui sont nécessaires pour faire valoir ses droits.
En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis la société Maco Pharma hors de cause.
Sur la prescription
Les intimées soutiennent que M. G., en signant un accord de rupture conventionnelle, a renoncé à toute indemnité supplémentaire au titre de ses inventions de salarié, dès lors qu'il a reconnu avoir reçu la somme de 59.478,47 € pour solde de tout compte en paiement notamment des accessoires de son salaire, et qu'il n'a pas dénoncé ce solde de tout compte dans les six mois suivant sa signature de sorte que celui-ci est devenu libératoire pour la société Maco Productions.
Il convient de relever que l'accord de rupture conventionnelle a porté sur les salaires et non sur la rémunération à titre d'inventeur que la société Maco Pharma a d'ailleurs proposé de régler selon le barème mis en place par la société Maco Productions à compter de 2008.
La loi du 14 juin 2013 a instauré un délai de prescription triennale, disposant que 'Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, elle est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne'; monsieur G. ayant saisi le Tribunal par assignation en date du 29 juillet 2013, soit six semaines après la promulgation de la nouvelle loi, ses demandes de rémunération supplémentaires au titre de son activité d'inventeur sont donc toutes soumises à une prescription triennale.
Le point de départ de la prescription de trois ans est la connaissance par le salarié des éléments nécessaires au calcul de sa rémunération supplémentaire.
Si, à l'occasion de ses dernières fonctions comme responsable développement industriel, sa fiche de poste mentionnait qu'il devait faire un point mensuel avec le directeur industriel sur l'activité, il n'en demeure pas moins qu'il a toujours exercé des fonctions techniques et industrielles, de sorte qu'il ne disposait de par celles-ci ni d'informations comptables et financières, ni même d'informations concernant les opérations réalisées entre les deux sociétés pour l'exploitation des brevets en cause; son absence de contestation de son solde de tout compte n'établit pas sa connaissance des éléments utiles au calcul d'une rémunération supplémentaire au titre de son activité inventive.
Si par lettre du 31 octobre 2012, la société Maco Pharma lui a proposé de lui payer des rémunérations d'inventeur salarié selon les « règles de rémunération des inventions de salariés mises en place', il y a lieu de constater que le 30 avril 2013, monsieur G. a indiqué par mail qu'il estimait avoir droit à une rémunération plus importante pour sa contribution aux brevets et que le 2 mai 2013, son conseil a délivré aux sociétés Maco Productions et Maco Pharma une sommation de communiquer des pièces relatives à l'exploitation des brevets en cause; le tribunal a considéré que le courriel du 31 octobre 2012 constituait le point de départ pour le calcul du délai de prescription; or il est évident que monsieur G. n'ayant pas eu connaissance des éléments utiles au calcul de cette rémunération supplémentaire alors qu'il était encore salarié, en raison du caractère purement technique et industriel des activités qui étaient les siennes, il ne pouvait à fortiori en avoir connaissance dans la mesure où il n'avait plus aucune fonction lui permettant d'accéder aux éléments de calcul internes à son ancien employeur, d'autant que les intimées ne contestent pas l'existence de relations contractuelles entre elles ayant eu pour objet les brevets en cause et ayant dès lors nécessairement eu des incidences financières.
Pour autant le tribunal l'ayant, à bon droit, accueilli en ses demandes et le déclarant non prescrit, le jugement mérite confirmation.
Sur le calcul du montant de la rémunération supplémentaire
Les intimées font valoir que le montant total de la rémunération supplémentaire dont pourrait bénéficier monsieur G. selon le barème de rémunération des inventions mis en place à compter de 2008 pour les inventions de salarié serait de 3 666,65 € soit un montant supérieur à celui qui lui avait été offert par courriel du 31 octobre 2012 car, depuis cette date les brevets Filtration Sélective et Interruption de joint ont été délivrés en Europe et le brevet Tubulure décalée a été exploité pour la 3ème année consécutive et a généré un chiffre d'affaires supérieur à 100 000€.
La CNIS avait proposé une évaluation à la somme de 15 000 euros.
En toute hypothèse le contrat de travail de M. G., signé le 24 août 2004 et l'avenant en date du 29 octobre 2004, pas plus que la convention collective applicable , ne comportent de disposition spécifique sur la rémunération en cas d'invention de mission, de sorte que le système de rémunération supplémentaire mis en place à partir de l'été 2008, pour les inventions de salariés et
qui distingue entre les inventions portant sur 'une innovation' de celles portant sur une amélioration d'un produit déjà existant sur le marché ne lui est pas applicable.
Dès lors comme l'a retenu le tribunal, doivent être examinés les critères jurisprudentiels suivants :
- l'intérêt économique de l'invention
- la contribution personnelle de l'auteur
- les difficultés de mise au point,
ces critères comportant, entre autres, la prise en compte la distinction entre innovation et amélioration.
Monsieur G. ne conteste pas l'intervention de co-inventeurs et ne fait pas état de difficultés pratiques de mise au point des brevets en cause.
En revanche il soutient que les brevets en cause présentent un intérêt économique justifiant qu'il lui soit accordée une rémunération supérieure tant à celle qui lui avait été offerte par les intimées qu'à celle proposée par la CNIS.
À cette fin il doit être procédé à l'examen de chacun des brevets revendiqués qu'ils soient exploités ou non.
Sur le brevet masque FR 2 888 471
II a été déposé le 13 juillet 2005 à l'INPI et a bénéficié de la délivrance d'un brevet européen le 21 décembre 2011; il a désigné messieurs G. et Verport comme co-auteurs.
Il est actuellement en vigueur en Allemagne, Belgique, France, Grande Bretagne et Italie.
L'invention protégée par ce brevet permet de solidariser les éléments d'attache à la pièce de protection poreuse par filtration du masque, la pièce poreuse étant pourvue de zones extérieures discrètes sur lesquelles est solidarisé l'élément d'attache.
La société Maco Pharma produit le compte rendu d'une réunion du 19 mai 2015 ayant eu pour objet le projet masques et qui faisait état de deux appels d'offre, le premier en juin 2005 pour un stock devant être constitué de 50 millions de dispositifs pour l'automne 2015 avec un approvisionnement en Asie , le second en 2006; il était précisé ' en parallèle MP finalise l'étude de l'industrialisation interne de la production avec la 'finalisation des cahiers des charges techniques : produit- machine' pour le 30 juin 2005 confiée à monsieur G., précisant que les deux paramètres seraient le prix et la conformité à la norme EN149.
La société Maco Pharma a signé dans le contexte de la grippe aviaire le 5 juillet 2005 un contrat avec l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP) portant sur la fourniture de 19 520 160 masques qui devaient être livrés au plus tard le 7 novembre 2005, et qui étaient des masques d'origine étrangère et de 6 383 520 masques devant l'être au plus tard le 30 septembre 2005 alors que l'invention revendiquée n'avait pas encore été réalisée.
Par un protocole d'accord du 26 octobre 2005, les sociétés Maco Pharma et Maco Productions se sont engagées envers l'Etat à installer dans un délai maximal de 6 mois une unité de production de masques sur le territoire national et à réserver prioritairement sa production aux acheteurs désignés
par l'État à compter de la mise en oeuvre de cet outil industriel ; par avenant du 29 mars 2006, la durée du contrat a été prolongé au 31 juillet 2006, le montant maximal des masques pouvant être commandés à 117 490 560 pièces; cet avenant a supprimé la référence au masque DS Maco DLVI et a introduit la référence HY 8920 qui ne présente pas d'attaches solidarisées et la référence ZZMOO2EU utilisant l'invention de messieurs G. et Verport; par un nouvel avenant la durée du marché a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2006.
Il résulte de ces éléments que les sociétés Maco Pharma et Maco Productions se sont engagées à produire des masques en France alors même qu'elles ne détenaient aucun brevet ; pour autant il existait alors de nombreux brevets qui étaient tombés dans le domaine public, les plus anciens datant de 1971, qui auraient pu être utilisés, l'objectif étant de fabriquer en France un masque répondant aux normes réglementaires, n'enfreignant pas les brevets en vigueur et à un certain coût ; cet engagement n'a donc pas reposé sur la mise au point du brevet en cause.
L'invention de messieurs G. et Verport, effectuée au cours de la mise en place de la chaîne de production, dans un délai de deux mois, ce qui démontre qu'ils n'ont pas eu de difficultés pratiques, n'a donc joué aucun rôle dans l'obtention du marché, ni dans le développement d'une nouvelle activité.
Les intimées ont versé une analyse comptable de leur activité masque qui démontre que celle-ci a suivi l'évolution de la réponse des autorités françaises aux risques de grippe aviaire puis porcine, l'invention de messieurs G. et Verport n'ayant eu aucune influence; de plus les autorités françaises acceptaient aussi bien les masques achetés par la société Maco Production à l'étranger qui ne comportaient pas l'amélioration apportée par messieurs G. et Verport que ceux fabriqués en interne.
Il résulte de ces éléments que la valeur économique de l'invention, au demeurant réalisée par deux inventeurs, est faible.
Sur le brevet Filtration d'un fluide muni d'un élément et/ou de sortie décalée FR 2 915 399
II a été déposé le 25 avril 2005 à l'INPI ; le brevet européen a été accordé après avoir fait l'objet d'une opposition.
Sont désignés comme co-inventeurs messieurs D., S. et G..
Cette invention concerne une unité de filtration destinée à permettre l'élimination sélective de substances cibles d'un fluide tel que le sang ou un composant sanguin ainsi qu'un procédé de fabrication d'une telle unité et un système de poches . Elle évite les problèmes de soudure des pièces moulées et des feuilles qui composent les filtres et permet de minorer les coûts de production.
La société Maco Pharma utilisait des filtres avant cette invention; Monsieur G. reconnaît d'ailleurs que la plus grande partie des produits de transfusion ont un filtre de sorte que l'invention en cause constituait une amélioration de ceux-ci.
La CNIS a relevé que l'invention a permis d'améliorer la qualité des produits existants et de répondre aux exigences de qualité des différents appels d'offre dans le domaine de la filtration, indiquant que son impact est essentiel, ayant permis de corriger un problème de conception des précédents kits sans laquelle des marchés auraient été perdus; elle présente donc un intérêt économique certain.
Toutefois trois inventeurs ont participé à cette invention sans que monsieur G. ne revendique, ni ne démontre avoir eu une part prépondérante.
Sur le brevet Filtration sélective FR 2 891 747:
II a été déposé le 10 octobre 2005 à l'INPI ; le brevet européen a été délivré après avoir fait l'objet d'une opposition; une demande de brevet international désignant l'Europe, les Etats Unis, l'Australie et le Canada a été déposée le 8 juin 2009.
Sont désignés comme co-inventeurs messieurs G. et S..
Il a pour objet d'éliminer des produits sanguins destinés à être transfusés, le risque infectieux lié au prion et à d'autres agents pathogènes.
Les intimées soutiennent que ce brevet n'est pas un concept complètement nouveau de filtre en ce qu'il n'est qu'un dérivé de filtres Maco Pharma existants; elles font valoir qu'il a été déposé dans le cadre de l'élaboration d'un prototype pour un client ce qui a généré un chiffre d'affaires supérieur à 100 00€en 2009 mais qu'il n'a fait depuis lors l'objet d'aucune autre exploitation et que sa valeur économique est très faible.
En ce qui concerne l'exploitation en 2009 les intimées ont produit un tableau récapitulatif de leur facturation.
Monsieur G. ne conteste pas ces éléments, faisant seulement état de la valeur économique reconnue du fait même des dépôts faits aux Etats Unis, au Canada et en Australie. Il ne précise pas quelle a été sa part personnelle à cette invention.
Sur le brevet Tubulure décalée FR2 915 399
II a été déposé le 25 avril 2007 à l'INPI et a bénéficié de la délivrance d'un brevet européen le 1er décembre 2010; il a fait l'objet d'une extension par voie internationale désignant l'Europe, les Etats Unis et l'Australie; il est actuellement en vigueur en Allemagne, Belgique, France, Espagne, Grande Bretagne, Italie, Australie, Etats Unis et au Canada.
Ce brevet regroupe les travaux de plusieurs inventeurs qui ont porté sur des revendications différentes :
- une première réalisation a porté sur les revendications 1 à 5 effectuée par monsieur D.
- les travaux de messieurs G. et S. ont porté sur les revendications 6 à 11 qui ont pour objet un réservoir d'air et une pièce injectée.
Les intimées ne contestent pas qu'il a fait l'objet d'une exploitation générant un chiffre d'affaires supérieur à 100 000€ mais font valoir que les revendications relatives au réservoir ne sont pas utilisées ; de plus le rapport de la CNIS comme celui de l'Office européen des brevets ont considéré que seule l'invention définie dans la revendication 5 était brevetable; il n'en demeure pas moins que la société Maco Pharma a proposé une rémunération supplémentaire à monsieur G. pour cette invention, démontrant son intérêt économique, si faible soit-il.
Sur les brevets Interruption Joint et Filtration Compartiment FR 2 932 988 et FR 2 932 989 :
Ces deux brevets ont été déposés le 27 juin 2008 à l'INPI et le brevet Interruption Joint a bénéficié de la délivrance d'un brevet européen le 14 octobre 2015.
Pour chacun de ces brevets ont été désignés comme inventeurs messieurs S., G., Carlu, Vasseur, Lenglet et Capon.
Ces deux brevets sont toujours en vigueur quand bien même les intimées affirment qu'ils ne font l'objet d'aucune exploitation, ce que ne conteste pas monsieur G., qui fait état de leur maintien stratégique pour le développement futur des sociétés sans pour autant s'en expliquer.
Ces éléments permettent de retenir un faible intérêt économique et une participation très limitée de monsieur G. à l'invention.
Il résulte de l'ensemble des éléments précités que les brevets en cause ont eu une portée limitée sur le plan technique, industriel et économique quand bien même ils ont permis à l'employeur de réaliser des économies peuvent avoir un intérêt stratégique.
En conséquence, la cour faisant siens les motifs des premiers juges, confirmera la condamnation de la société Maco Pharma, employeur de monsieur G., à lui payer la somme de 20 000 € à titre de rémunérations supplémentaires sauf à préciser qu'il sera alloué la somme de 4 000€ au titre de chacune des inventions revendiquées.
Au vu des éléments précités, la cour s'estime suffisamment informée et déboutera monsieur G. de ses demandes de pièces, confirmant le jugement en ce qui concerne la demande formulée à l'encontre de la société Pharma Productions et déboutera monsieur G. de celle formée à l'encontre de la société Maco Pharma.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Les sociétés Maco Productions et Maco Pharma ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Maco Pharma.
Et statuant à nouveau de ce chef,
DEBOUTE monsieur G. de ses demandes formulées à l'encontre de la société Maco Pharma.
CONDAMNE monsieur G. à payer la somme de 4 000€ aux sociétés Maco Pharma et Maco Productions au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNE monsieur G. aux dépens.
La Greffière La Présidente