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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
4 septembre 2019

Arrêt CA Paris du 12 mai 2017 Laurent S... c/ CNRS Prescription - contestable - de 4 ans loi du 31 12 1968...

Cour d'appel Paris Pôle 5, chambre 2  12 Mai 2017

 Répertoire Général : 16/13227 X / Y

Contentieux Judiciaire,  Grosses délivrées aux parties

 

REPUBLIQUE FRANCAISE :

 

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 2 ARRET DU 12 MAI 2017 (n°80, 6 pages)

 Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13227

 Décision déférée à la Cour : jugement du 25 mars 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°14/18300

APPELANT M. Laurent S. Né le 22 février 1964 à [...]

De nationalité française Sans profession Demeurant chez Mme M. - [...]

Représenté par Me Thibault L. de l'AARPI ARENAIRE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque G 252

 INTIME CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS) Etablissement public à caractère scientifique et technologique, pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] [...] [...]

 Représenté par Me Grégoire D. de la SCP A. & D. ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 438

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Colette PERRIN, Présidente,

en présence de Mme Véronique RENARD, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

 Mmes Colette PERRIN et Véronique RENARD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

 

Mme Colette PERRIN, Présidente

 Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère, désignée pour compléter la Cour Greffière lors des débats :

Mme Carole TREJAUT

 

ARRET : Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile  Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

 

EXPOSE DU LITIGE

 Par courrier en date du 14 novembre 2013, monsieur Laurent S., en sa qualité de chercheur fonctionnaire et agent du Centre national de recherche scientifique (ci-après le CNRS) a saisi la commission nationale des inventions de salariés aux fins d'obtenir le paiement d'une prime au brevet d'invention prévue par l'article R 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle au titre notamment des inventions de mission qu'il a réalisées et qui ont donné lieu aux dépôts des demandes de brevets numéros FR-A-2900339, FR-A-2900338 et FR-A2903019.

 Par décision du 14 novembre 2014, la Commission nationale des inventions de salariés (ci-après la CNIS) a proposé un accord entre les parties par lequel le CNRS s'engageait à verser à monsieur S., au titre de la rémunération supplémentaire afférente auxdites inventions la somme de 9.000 euros brute, et ce dans un délai de 2 mois à compter du jour où la proposition sera devenue définitive.

Par acte d'huissier en date du 18 décembre 2014, le CNRS a fait citer monsieur Laurent S. devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer prescrites ses demandes.

Par jugement avant dire droit du 9 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la réouverture des débats aux fins d'inviter le CNRS notamment à produire la proposition de conciliation de la CNIS en date du 14 novembre 2014 relative au litige qui l'oppose à monsieur Laurent S. ainsi que la preuve de la date à laquelle cette proposition lui a été notifiée.

Par jugement réputé contradictoire en date du 25 mars 2016, le tribunal de grande instance de paris a : - déclaré recevable l'action du CNRS, - déclaré prescrites les créances de monsieur Laurent S. envers le CNRS au titre de la rémunération des inventions qui ont donné lieu au dépôt des demandes de brevets numéro FR-A-2900339, FR-A-2900338 et FR-A-2903019, - condamné monsieur Laurent S. aux dépens.

Monsieur Laurent S. a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 15 juin 2016. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2017, monsieur Laurent S. demande à la cour, au visa de l'article R.611-14-1 du code de la propriété intellectuelle , 1, 2 et 3 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, et de l'arrêté du 26 septembre 2005, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 25 mars 2016,

- juger que ses créances relatives aux primes au brevet d'invention qui lui sont dues au titre des brevets FR 2900339 (déposé le 28 avril 2006), FR 2900338 (déposé le 6 juin 2006) et FR 2903019 (déposé le 30 juin 2006) n'étaient pas prescrites le 14 novembre 2013, jour où il a saisi la CNIS, - condamner l'intimé à lui verser : - la somme de 9.000 euros au titre des primes au brevet d'invention qui lui sont dues et, subsidiairement la somme de 1.800 euros au titre des primes au brevet d'invention qui lui sont dues, - la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner l'intimé aux entiers dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2017, le CNRS demande à la cour de :

 - confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Pari du 25 mars 2016 en toutes ses dispositions, à titre subsidiaire, - dire que la rémunération à laquelle peut prétendre l'appelant, du fait des inventions ayant donné lieu au dépôt des demandes de brevet numéros FR-A-2900339, FR-A-2900338 et FR-A-2903019, s'élève à 1.200 euros, en tout état de cause, - débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, - condamner l'appelant à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel, et le condamner aux entiers dépens d'appel dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 février 2017.

À l'issue des plaidoiries, une proposition de médiation a été faite par la cour, laquelle n'a pas été acceptée par les parties.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription des créances de monsieur S.

Considérant que l'appelant fait grief au jugement d'avoir  dit prescrites ses créances à l'encontre du CNRS portant sur trois primes au brevet d'invention ; qu'il fait valoir qu'il existe des communications écrites du CNRS et d'administrations intéressées qui ont interrompu la prescription de la créance, soit un règlement de copropriété signé par le CNRS le 23 juillet 2009, une déclaration d'abandon de quote part de brevet du 12 décembre 2012 faisant référence à un règlement de copropriété du 16 septembre 2009 , un email du 7 janvier 2009 de l'Université de Lyon, un email du CNRS du 3 septembre 2009, un email de l'Université de Lyon du 22 juin 2011 et une page du site internet du CNRS du 9 juin 2010 ; qu'il en déduit que la prescription n'était pas acquise lorsqu'il a saisi la CNIS et subsidiairement, qu'il peut être légitiment regardé comme ignorant l'existence de sa créance de sorte que le délai de prescription n'a pas couru ;

Considérant que pour conclure au contraire à la confirmation du jugement, le CNRS soutient que les communications invoquées, en particulier parce qu'elles sont sans rapport aucun avec la créance, ne peuvent être considérées comme interruptives de prescription et que monsieur S. ne peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ;

 

Considérant ceci étant exposé, qu'en application combinée des articles R 611-7, R 611-11, R 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle et des articles 1, 2 et 3 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, toutes les créances à l'égard de l'État sont prescrites à l'issue d'un délai de quatre années à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, sauf acte interruptif de prescription ou sauf si le créancier peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ;

Qu'il est constant que : les demandes de brevets en cause ont été déposées respectivement les 28 avril 2006, 6 juin 2006 et 30 juin 2006 et que monsieur S. a acquis les droits au versement de la première tranche de la prime au brevet d'invention prévue par l'article R. 611-14-1 du code de la propriété intellectuelle un an après, soit au cours de l'année 2007, - le délai de prescription de la créance invoquée a commencé à courir le 1er janvier 2008 en application des dispositions susvisées et s'est achevé le 1er janvier 2012, - la première réclamation de monsieur S. auprès du CNRS est du 4 octobre 2013et la saisine de la CNIS du 14 novembre 2013 ;

 Considérant que l'appelant soutient que les échanges avec le CNRS et l'Université de Lyon, qu'il verse aux débats, constituent des communications écrites au sens de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 et qu'elles auraient donc pour effet d'interrompre la prescription, ce que conteste le CNRS ;

Considérant que selon l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription de créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics, la communication écrite interruptive de prescription doit avoir trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; qu'il en résulte que de simples communications écrites sans rapport avec ces événements ne peuvent interrompre la prescription ; que, par ailleurs, les communications écrites de l'administration interruptives de prescription doivent porter sur les créances personnelles de l'intéressé ;

 

Considérant en l'espèce que : - le contrat valant règlement de copropriété signé le 23 juillet 2009 entre l'Université de Lyon, le CNRS, l'Association Française contre les Myopathies et la société américaine Prestwick Chemical est relatif à l'utilisation des brevets FR-A-2900338 et FR-A-2903019 enregistrées respectivement sous les n°06 52029 et 06 52751, - la déclaration d'abandon de quote-part du brevet signée le 12 décembre 2012 entre l'Université de Lyon, le CNRS, l'Association Française contre les Myopathies, a pour objet la renonciation du CNRS et de l'Université de Lyon à tout droit sur leur quote-part de propriété du brevet 06 51516 (FR339), - le courriel de l'Université de Lyon, en date 7 janvier 2009, informe monsieur S. de la décision de l'UCBL d'abandonner la famille de brevets issue de la demande prioritaire FR0652751 correspondant au brevet FR339, - le courriel du 3 septembre 2009 émanant du supérieur hiérarchique de monsieur S. est une demande de communication de la liste des brevets déposés par l'équipe de ce dernier, - le courriel du 22 juin 2011 émanant de madame Sandrine C. de l'Université de Lyon est adressé à Kathrin Gieseler, et est relatif aux portefeuilles de brevets dont Laurent S. est l'inventeur et au souhait éventuel d'une entreprise d'en poursuivre le développement ;

Que ces documents qui sont relatifs à la propriété des brevets concernés ou à leur utilisation sont sans rapport avec la créance de l'appelant qui est constituée de la première tranche de la prime au brevet prévue par l'article R 611-14-1 III du code de la propriété intellectuelle , et ne sont donc pas des communications écrites de l'administration de nature à interrompre la prescription de la créance de monsieur Laurent S. ;

Considérant par ailleurs, que la page du site internet du CNRS dont se prévaut l'appelant, est datée du 9 juin 2010, mais indique qu'il s'agit d'un extrait du fil de la DAJ n°31 qui a été publié en novembre 2005 selon la pièce n° 7 versée aux débats par le CNRS, la cour relevant au surplus que monsieur S. lui-même se référait à cette communication en indiquant qu'elle était de 2005 dans sa réclamation du 4 octobre 2013 ; qu'elle est intitulée 'intéressement et création de la prime au brevet' et commente les dispositions des décrets n°2005-1217 et n°2005-1218 ainsi que de l'arrêté du 26 septembre 2005 fixant le montant de la prime au brevet d'invention attribuée à certains fonctionnaires et agents de l'État et de ses établissements publics auteurs d'une invention, mais ne concerne nullement les créances personnelles de monsieur Laurent S. ;

Que ce document n'a donc pas plus eu pour effet d'interrompre la prescription de la créance de monsieur S. ; Considérant, par ailleurs, que selon l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 'La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement' ;

Que se prévalant de ces dispositions monsieur S. soutient à titre subsidiaire qu'il peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance, de sorte que le délai de prescription de sa créance n'avait pas encore commencé à courir au jour où il a saisi la CNIS le 14 novembre 2013 ; que pour conclure que le CNRS cherchait à maintenir les chercheurs dans l'ignorance de leurs droits et affirmer que ce n'est qu'en 2013 qu'il a découvert son droit d'obtenir le paiement d'une prime au brevet, l'appelant ajoute que le CNRS lui a répondu par email du 23 octobre 2013, qu'il ne mettait pas en oeuvre de prime au brevet, ce qu'a confirmé le site Internet du CNRS jusqu'en 2013 ;

Considérant, toutefois, que le CNRS fait à juste titre valoir que le décret n°2005-1217 du 26 septembre 2005, relatif à la prime d'intéressement et à la prime au brevet d'invention attribuées à certains fonctionnaires et agents de l'État et de ses établissements publics auteurs d'une invention, a été régulièrement publié au Journal Officiel n°227 du 29 septembre 2005 et que l'arrêté du 26 septembre 2005, fixant le montant de la prime au brevet d'invention attribuée à certains fonctionnaires et agents de l'État et de ses établissements publics auteurs d'une invention, a quant à lui été publié au Journal Officiel du 29 septembre 2005 ; qu'il a par ailleurs mis en ligne sur son site internet en novembre 2005 la réglementation applicable en matière de prime au brevet d'invention ; qu'enfin, l'appelant était informé du dépôt des demandes de brevets en cause en sa qualité d'unique inventeur ;

Considérant pour le surplus qu'il suffit de constater que les pièces produites par monsieur S. à l'appui de son argumentation subsidiaire, soit un courriel du 23 octobre 2013, auquel la proposition de la CNIS fait référence et deux pages du site internet du CNRS de 2012 et 2013, sont toutes postérieures au 1er janvier 2012, date à laquelle ses créances étaient prescrites ; qu'elles ne sont donc pas de nature à établir ses prétentions à ce titre ;

Considérant en définitive, qu'aucune cause de suspension de la prescription ne peut être admise en l'espèce et monsieur S. ne peut pas plus être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ; Qu'il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement qui a déclaré prescrites les créances de monsieur Laurent S. envers le CNRS au titre de la rémunération des inventions qui ont donné lieu au dépôt des demandes de brevets numéro FR-A-2900339, FR-A-2900338 et FR-A-2903019 ;

Sur les autres demandes

Considérant que monsieur Laurent S., qui succombe, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Qu'en revanche aucune considération d'équité ne justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au présent litige.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mars 2016 en toutes ses dispositions

Considérant que monsieur Laurent S., qui succombe, supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Qu'en revanche aucune considération d'équité ne justifie l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au présent litige.

PAR CES MOTIFS

 Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 mars 2016 en toutes ses dispositions.

 

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne monsieur Laurent S. aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière

La Présidente

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