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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
24 août 2014

Classement d'invention. Gâchis laxiste des expertises, délais jamais respectés, décret du 28/12/2005 non appliqué

TGI Paris du 13 février 2014 GELI c/ DECATHLON

Ce jugement, publié in extenso le 24/08/2014 sur le présent Blog, a fait l'objet d'un commentaire sur le site de l'AIS http://www.inventionsalarie.com/

Classement de l'invention :

L'ex-employeur, estimant qu'il s'agissait d'une invention de mission, avait versé une prime de brevet de 1500 € au salarié, auteur d'une invention portant sur un dispositif permettant de fixer des accessoires sur un porte- bagage.

Le salarié conteste ce classement et soutient qu'il s'agit d'une invention hors mission attribuable, en demandant une mesure d'expertise comptable pour déterminer le juste prix dû.

Les juges du fond classent effectivement l'invention dans la catégorie des inventions attribuables aux motifs suivants :

- le contrat de travail du salarié ne prévoit aucune mission de recherche inventive dans les fonctions du salarié.

- l'employeur ne peut fournir aucune preuve d'une mission inventive explicitement confiée au salarié. A cet égard n'est pas probante une simple fiche de poste, non contractuelle car elle ne portait aucune référence d'identification du salarié et ne faisait pas partie de son contrat de travail; ne sont pas non plus probantes des attestations de salariés de l'ex- employeur attestant que l'inventeur aurait reçu des directives de recherches de ses chefs, car leur lien de subordination avec l'employeur leur ôte toute crédibilité.

Cette décision suscite l'approbation.

Mesure d'expertise : laxisme coupable

Au 13 février 2014, date de la décision du TGI, celui- ci fixe à l'Expert un délai limité au 30 juin 2014, qui ne peut être prorogé que sur requête motivée auprès du Juge du Contrôle de l'Expertise.

Un délai de 4,5 mois seulement est malheureusement complètement impossible à tenir pour l'Expert afin d'établir son Rapport d'expertise !

Les délais réels en matière d'expertise de juste prix d'inventions  de salariés sont à des années- lumière d'un délai de 4 mois 1/2...A titre d'exemples, donnons les suivants :

- Un jugement d'un TGI  de  début 2008 a décidé une mesure d'expertise pour  la rémunération supplémentaire d'inventions de mission, en fixant un délai de 6 mois éventuellement prorogeable sur requête au JCE. Un arrêt a validé ce jugement en appel en décembre 2009, à son tour validé en janvier 2012 par la Cour de cassation.

L'expertise avait été poursuivie mais freinée pendant la procédure en appel et en cassation.

Elle a repris en février 2012 mais, en août 2014 elle n'est toujours pas terminée au bout de 2 ans et 6 mois...soit, si l'on part de mars 2008 date du jugement, d'un délai total de  6 ans et 5 mois !

Dans une autre affaire, la procédure d'expertise a débuté en 2010, le délai fixé par le TGI étant de 6 mois.En août 2014, au bout de 3 ans et 11 mois, cette expertise n'est toujours pas terminée !

Dans ces litiges,  il semble qu'aucune requête en prorogation des délais initiaux n'ait été déposée auprès des JCE, ni par les Experts, ni par les avocats des parties.

Incontestablement,  ce laxisme général pose un sérieux problème des expertises judiciaires dans ce domaine du droit : leur durée est supérieure à celle d'une instance complète devant le TGI ou la cour d'appel, décourageant et démoralisant les inventeurs salariés, qui en sont victimes !! D'autant que, afin d'éviter leur licenciement, arme absolue de représailles braquée sur eux en permanence, ces derniers sont obligés d'attendre d'avoir pris leur retraite pour entamer ces procédures .

...Ce qui, combiné au raccourcissement énorme - de 30 à 5 ans - des délais de prescription extinctive pour les justes prix d'inventions attribuables depuis la loi du 17 juin 2008, va placer les salariés auteurs d'inventions attribuables dans une situation intenable entre le marteau de l'employeur et l'enclume de la prescription réduite à 5 ans puis éventuellement à 3 ans seulement ...

A l'âge de 65 ans et plus, ils sont donc amenés à entamer d'interminables et coûteux procès, qui peuvent durer 10, 15 ou même 20 ans comme cela a été le cas dans l'affaire AUDIBERT c/ ARCELOR MITTAL !..Un retraité de 65 ans qui entame un procès à cet âge pour faire reconnaître ses droits bafoués est donc obligé d'envisager qu'il puisse durer 15 ans avant d'aboutir, soit jusqu'à ce qu'il ait 80 ans ! Voire 85 ans !!

Et de supporter des coûts de procédures considérables : la provision exigée du salarié pour l'Expert et qu'il doit verser au Greffe dans un délai impératif varie entre 5000 et 15 000 euros.Il faut ajouter les honoraires des avocats, le cas échéant le paiement des dépens,qui peuvent être élevés. Pour pouvoir payer, certains inventeurs n'ont pas d'autre solution que s'endetter, demander de l'aide à leurs proches .Certains même se retrouvent en situation de surendettement...les medias n'en parlent jamais (par contre ils s'épanchent  complaisamment de façon récurrente sur la situation d'agriculteurs- éleveurs endettés..).

Il est proprement scandaleux que des expertises de ce type puissent s'éterniser pendant plusieurs années sans aucune limite dans le temps et sans même être bouclées après ces délais invraisemblables. L' organisation judiciaire en est dévalorisée et les inventeurs démoralisés.

A quoi cela tient- il ?

En premier lieu, aux manoeuvres dilatoires auxquelles se livre habituellement l'une des parties, celle qui a intérêt à faire durer l'expertise le plus longtemps possible.

Dans ces interminables litiges , l'ex-l'employeur trouve son intérêt à provoquer ces retards sans fin,  pour ne pas payer les rémunérations supplémentaires ou les justes prix dûs.

C'est la cause n°1 de la paralysie de nombreusess procédures d'expertise.

Ainsi il est habituel que les ex- employeurs se refusent à fournir à l'Expert, ou bien au compte- gouttes au bout de délais extravagants les pièces comptables que celui- ci leur réclame sur l'exploitation commerciale des inventions. Toutes sortes de prétextes sont avancés, et parfois aucun ! La réponse est "Non", point- barre. Dès lors l'Expert est bloqué, car en général les salariés ne disposent que d'informations fragmentaires sur les exploitations de  leurs inventions, du fait que durant leur présence dans l'entreprise les employeurs refusent très fréquemment de les tenir informés.

L'Expert attend une première fois 6 ou 8 mois pour constater la non- réponse de l'ex- employeur à sa requête... Il la renouvelle, attend encore 6 à 8 mois pour constater qu'il n'a rien obtenu - ou très peu d'éléments. Et ainsi de suite... Normalement l'Expert doit alors s'adresser au Juge du Contrôle de l'expertise et solliciter une mesure d'injonction de produire sous astreinte...

Malheureusement l'expérience montre que les Experts, sauf exception, ne le font pas... pourquoi ? Seuls les inventeurs en pâtissent. Les experts  peuvent quand même alors à partir d'un délai préalablement fixé par eux, passer outre pour ne pas bloquer indéfiniment l'expertise, et établir leur pré-rapport puis leur rapport final sur la seule base des informations dont ils disposent à cette date.

Les juges du fond devant alors statuer en dernier ressort.

Mais là encore l'expérience montre que généralement les Experts ne se décident pas non plus à le faire !!

C'est donc pour les inventeurs à désespérer que justice puisse enfin être rendue...Pourquoi cette inertie ?

Les  Experts  passent ainsi des années simplement à attendre, en vain, avec une relance tous les 8 mois, que l'ex- employeur  daigne leur fournir quelques informations comptables ! Tandis que le salarié se désespère devant cette obstruction, qui entrave la procédure judiciaire sans qu'aucune sanction ne frappe ces coupables d'obstruction à la Justice.

Il existe bien la possibilité pour les experts d'appliquer le décret du 28 décembre 2005 permettant l'établissement d'un agenda de procédure avec des délais impératifs à respecter par les parties et leurs avocats sous peine de sanction. Mais il n'est appliqué, semble-t-il, qu'en Ile-de-France ! Lorsqu'on en demande les raisons à des avocats de province, on ne reçoit aucune réponse...

On se demande pourquoi !

Cette situation constitue un grave dysfonctionnement,parfaitement anormal, du système judiciaire français. Les victimes sont toujours les salariés, dont les droits sont bafoués, et qui ne peuvent faire avancer  l'expertise en raison de l'obstruction systématique de leurs ex- employeurs.

Dont les conseils recourent parfois aussi à d'autres moyens dilatoires, plus subtils mais dévastateurs...Par exemple la production au dernier moment d'un délai, de montagnes de nouvelles pièces et de conclusions- fleuves qu'il faut des mois pour examiner et y répondre.Ce qui entraîne des frais supplémentaires pour l'inventeur-salarié...

Résultat final : la Justice n'est pas rendue.

 En Allemagne un tel gâchis n'est pas possible : le Code de procédure civil allemand impose des délais tels que normalement une expertise ne  doit en aucun cas dépasser les 12 mois. Sauf complexité ou difficultés anormales, dument constatées et justifiées.

En Allemagne tout est mis en oeuvre pour que, d'une manière générale et pas seukement en matière d'expertises, des délais raisonnables soient impérativement respectés. Si l'une des parties ne respecte pas un délai et n'obtient pas de prorogation ,les experts et les juges passent outre, et la partie responsable de cette carence peut être sanctionnés au niveau de la décision finale.

Quant à la France, mieux vaut ne pas trop parler de son "Mal français" incurable : le laxisme généralisé. Pourquoi en France ce que font les Allemands depuis des décennies et des décennies n'est-il pas possible ? Tous ces retards n'entraînent habituellement aucune sanction, de sorte que les salariés- inventeurs, victimes de ces lenteurs excessives, n'ont aucun moyen pour protester. 

Au XXIème siècle, à l'ère d'Internet, la Justice française ne semble pas plus rapide qu'à l'époque des Plaideurs sous Louis XIV.Ne faudrait-il pas une réforme urgente mettant fin à cette situation dommageable ? En commençant par exiger l'application du décret du 28 décembre 2005 en province et par créer des sanctions dissuasives  pour mettre fin aux manoeuvres dilatoires .

 

 

 

 

 

 

 

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