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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
14 décembre 2013

Problématique de l'application de la nouvelle loi du 14 juin 2013 sur la prescription de 3 ans pour les inventeurs salariés

PROBLEMATIQUE  DE LA NOUVELLE LOI DU 14 JUIN  2013  INSTAURANT UNE PRESCRIPTION  TRIENNALE POUR DES ACTIONS EN PAIEMENT  DE REMUNERATIONS D’INVENTIONS DE SALARIES

par Jean-Paul Martin

European Patent Attorney

Docteur en droit

 

Une nouvelle loi  n°2013- 504 du 14 juin 2013 portant notamment sur la prescription des actions en justice, vient à nouveau réduire la durée de la prescription pour les actions en paiement de créances salariales, jusque là de 5 ans.

La loi du 17 juin 2008 avait déjà réduit à 5 ans la durée de la prescription de droit commun, qui était de 30 ans. Cette prescription quinquennale étant applicable notamment aux actions en paiement de juste prix des inventions hors mission attribuables des salariés. La prescription quinquennale en vigueur pour les rémunérations supplémentaires des inventions de mission n’était pas modifiée par cette loi.

Cette durée de 5 ans vient d’être encore diminuée pour être ramenée à 3 ans par la nouvelle loi du 14 juin 2013.

L’application de cette prescription triennale aux actions en paiement des rémunérations des inventions de salariés soulève divers problèmes, que de façon non exhaustive, nous allons examiner ci- après.

Section A

La nouvelle règle officielle en matière de prescription extinctive

Loi n°2013-504 du 14 juin 2013

JORF 0138 du 16 juin 2013 page 9958

Titre VII

                                                                  PRESCRIPTION DES ACTIONS EN JUSTICE

 Chapitre UNIQUE

« Art. L. 1471-1. - Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
« Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5. »
IV. ― Après le mot : « par », la fin de l'article L. 3245-1 du même code est ainsi rédigée : « trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »
V. ― Les dispositions du code du travail prévues aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Lorsqu'une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation.

Article L3245-1 du Code du travail

L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Dans quelle mesure et selon quelles modalités cette nouvelle prescription courte est-elle applicable aux actions en paiement de rémunérations supplémentaires d’inventions de mission, puis d’inventions hors mission attribuables par un inventeur salarié ?

Section B

I)                   Conditions de l’applicabilité de la nouvelle prescription triennale aux rémunérations d’inventions de salariés – compétence juridictionnelle

Cette loi fait partie du Code du Travail. Normalement il s’agit donc des actions en justice devant les Conseils de Prud’Hommes, compétents pour les litiges sur le contrat de travail et sa rupture. Or, une jurisprudence constante a décidé, conformément du reste à la loi (L.615-17 du CPI) que les Conseils de Prud’Hommes ne sont pas compétents pour les actions en paiement des rémunérations supplémentaires d’inventions de salariés et plus généralement pour les litiges portant à titre principal aussi bien que connexe sur un ou des brevets d’invention.

Cette jurisprudence était en accord avec la loi (L. 615-17 du CPI) qui pour les litiges portant sur des brevets d’invention, donc pour les litiges relatifs aux actions en paiement de rémunération d’invention de mission, attribuait jusqu’en octobre 2009 une compétence exclusive à certains tribunaux de grande instance, au nombre de trois.

 

 

(Article L615-17 En savoir plus sur cet article... )

 

Modifié par LOI n°2011-525 du 17 mai 2011 - art. 196

 

Les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d'invention, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire, à l'exception des recours formés contre les actes administratifs du ministre chargé de la propriété industrielle qui relèvent de la juridiction administrative.

 

II)               Le décret n°2009-1205 du 9 octobre 2009 a réduit à un seul Tribunal de Grande Instance le nombre des TGI compétents. Il attribue une compétence exclusive au TGI de Paris en matière de brevets d’invention, et donc des actions judiciaires relatives aux rémunérations d’inventions de salariés.

D 2009-1205 modifie D 631-2 du CPI qui se réfère à D 211-6 du COJ (Code de l’Organisation judiciaire)

L’article L 3445-1 du Code du Travail nouveau dispose que pour ces actions la prescription est de 3 ans. Il prévoit de plus que l’action en paiement peut porter sur les salaires des 3 années précédant la date de l’action en paiement, soit sur les 3 années précédant la date de rupture du contrat de travail.

Cette rédaction soulève un problème d’interprétation. Le verbe « peut » doit-il être compris comme « est autorisée à » porter (uniquement) sur les salaires des 3 années… ? Les salaires mensuels sont par définition connus du salarié et déterminés.

Ou bien peut-on en déduire plus extensivement que l’action peut aussi porter sur une période supérieure à plusieurs années antérieurement à la date de l’assignation ou de la rupture du contrat de travail ? Car un complément de salaire constitué par une rémunération supplémentaire d’invention de mission doit normalement être calculé sur une période d’exploitation industrielle/commerciale de x années, qui peut aller jusqu’à 20 années, durée de vie maximum d’un brevet d’invention ?

En effet dans de nombreux cas, les salariés auteurs d’inventions sont, par une politique malthusienne volontaire des employeurs, tenus dans une ignorance maximale de l’exploitation commerciale et de l’étendue de celle-ci par leurs employeurs. Généralement par refus délibéré, dont la preuve est fournie par l’absence de réponse aux demandes d’informations répétées des salariés-inventeurs auprès de leurs Directions…Ceci étant aussi fréquemment  valable d’après nos informations pour les laboratoires et entreprises du secteur public, fonctionnaires.

Tant que perdure la non- information du salarié et qu’il est reconnu que celui- ci ne pouvait pas facilement et complètement être informé sur les chiffres d’affaires d’exploitation de son invention, marges bénéficiaires, profits consolidés etc…par d’autres sources (panneaux d’affichage à l’intérieur de l’entreprises, comité d’entreprise, journal intérieur d’entreprise, publicités…) le nouveau délai de prescription réduit à 3 ans, délai glissant par nature, ne peut avoir commencé à courir car la rémunération due à l’inventeur reste indéterminée et indéterminable.

Cette situation peut perdurer en pratique jusqu’à 20 années à compter de la date de dépôt du brevet, délai- butoir imposé par la durée de vie du brevet et par les lois de 2008- 2013. A la fin des 20 années le délai de prescription de 3 ans commence à courir.

-         La durée de 3 ans est-elle adaptée à une action en paiement de rémunération supplémentaire d’invention de mission ?

-          

-            en effet - sauf les primes forfaitaires de dépôt de brevet et d’extensions à l’étranger du brevet français, le montant des rémunérations supplémentaires liées à l’exploitation industrielle de l’invention sur un certain nombre d’années, généralement supérieur à 3 ans, n’est habituellement pas déterminé ni déterminable par le salarié- inventeur seul.

-            Or pour exercer son droit c'est-à-dire pour réclamer le paiement de sa rémunération supplémentaire d’invention de mission (les Justes Prix d’inventions attribuables ne sont pas par nature des salaires, en tout cas pas fiscalement), l’inventeur-salarié doit justement connaître  le montant de sa créance.

-            De ce fait celui- ci « ne connaît pas les faits qui lui permettraient d’exercer son droit » selon L. 3245-1 du Code du Travail.

-            Ainsi il n’est pas en mesure d’exercer son droit puisque sa créance est indéterminée et qu’il ne peut en déterminer seul le montant . De sorte que tant que cette situation perdure, la prescription triennale, de nature glissante car son point de départ n’est pas prédéterminé par la loi, ne peut s’appliquer (la nouvelle loi est ici conforme à la jurisprudence de la Chambre commerciale de la Cour Suprême : arrêt de la Cour de cassation, com. Scrémin c/APG .du 22 février 2008, arrêt de la Chambre commerciale en formation élargie à 15 magistrats de la C. de cassation MOUZIN c/ Pierre FABRE Médicament du 12 juin 2012)

Ainsi, le refus d’information des employeurs se retourne contre eux, puisqu’il entretient au-dessus de leur tête une épée de Damoclès pendant 20 ans!

Parfois le refus d’information est exercé en violation de l’obligation conventionnelle contraire (CC des Industries chimiques de 1985), et le refus de verser toute rémunération d’invention de mission s’étend au refus, appliqué très ouvertement, du paiement – légalement obligatoire : article 1 ter de la loi n°78-742 du 13/07/1978, L.611-7 du Code Pi - de tout juste prix d’invention hors mission attribuable, alors que celle- ci appartient initialement et légalement au salarié ! (cf. par exemple affaire LABRADOR c/ Pierre FABRE Médicament TGI Bordeaux 13/01/2009, CA Bordeaux 10/06/2010)

C’est ainsi qu’on découvre dans la jurisprudence récente des affaires dans lesquelles des salariés particulièrement créatifs ont pu être les auteurs chacun de plusieurs dizaines d’inventions attribuables et attribuées, brevetées par l’employeur sans que ce dernier  leur ait versé la moindre contrepartie financière (juste prix ou rémunérations supplémentaires au cas où l’employeur les aurait considérées comme des inventions de mission) !... 

Ces situations scandaleuses sont apparemment considérées comme « normales » par les juridictions judiciaires saisies par les salariés, puisque généralement elles ne donnent même pas lieu à réparation du préjudice moral subi par les salariés- inventeurs, privés de rémunérations légales durant de longues années et contraints d’engager des procédures judiciaires lourdes, aléatoires et onéreuses pour obtenir le respect de leurs droits…

Une exception notable toute récente et importante à cette carence : l’arrêt – de renvoi – exemplaire Dr Michel PUECH c/ CNRS du 29 mai 2013 de la Cour d’appel de Paris (suite à l’Arrêt Cour cassation com. du 25 avril 2006 cassant un arrêt CA Paris du 10 septembre 2004) a  apporté une solution finale à 16 années de bras de fer judiciaire entre l’ex- stagiaire au CNRS le Dr PUECH et le CNRS, en condamnant le CNRS à 500 000 euros de dommages intérêts en réparation des préjudices subis par le Dr PUECH du fait du CNRS, plus le remboursement de 150 000 euros de frais de procès subis par le Dr PUECH ( !).

Ces agissements ne sont pas exceptionnels. Une telle politique plaçant sciemment les entreprises en cause « hors-la-loi » alors qu’elles accumulent souvent des profits colossaux grâce justement à leurs inventeurs salariés (lois françaises de 1978 et 1990 sur les brevets, L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle) devrait être très sévèrement punie, ce qui n’est pas le cas tellement la Justice  s’avère alors laxiste.

III)             Salariés placés dans une situation difficile pour faire valoir leurs droits

ATTENTION ! Si par extraordinaire le salarié-inventeur a simultanément réussi à avoir une connaissance complète de l’exploitation commerciale et de ses résultats, et dispose d’un mode de calcul officiel reconnu par l’employeur, auquel il a librement accès (comme d’autres salariés car ce mode de calcul n’est pas confidentiel), donc dispose de tous les éléments lui permettant d’exercer son droit, il doit agir vite dans le très court délai de 3 ans afin d’assigner avant l’extinction de la prescription !

Délai exagérément et inéquitablement court à l’avantage – théorique – de l’employeur, dont le salarié va être forcé de tenir compte pour ajuster sa stratégie.

Afin de suspendre le délai de prescription aux moindres frais, le salarié- inventeur peut alors avoir intérêt à commencer par saisir la CNIS, en se réservant de recourir ultérieurement au TGI de Paris , le seul compétent depuis octobre 2009 pour ces litiges. En effet pour la CNIS un avocat n’est pas indispensable. Le salarié peut s’adresser à toute autre personne ayant une compétence en la matière afin de l’assister devant la CNIS : par exemple demander l’assistance de l’AIS Association des Inventeurs Salariés www.inventionsalarie.com/

Puis quand il le voudra il pourra s’adresser à un avocat. Attention ! Il est très fortement conseillé de choisir un avocat spécialisé en propriété industrielle ! Car le recours à des avocats non spécialisés en PI et de ce fait non compétents en PI, simplement pour des raisons de proximité géographique en province, s’avère généralement calamiteux pour l’inventeur, qui faute de défenseur compétent risque alors de perdre son procès avec des frais ruineux.

Mieux vaut donc prendre un avocat spécialisé en PI en région parisienne (où résident les ¾ des avocats compétents en France), ou à Lyon, Marseille, éventuellement Montpellier (Consulter sur Internet la liste des avocats spécialisés en propriété intellectuelle voire propr. industrielle).

Car en matière d’inventions 3 années est un délai très bref ! Qui   le plus souvent est insuffisant pour laisser le temps à l’exploitation  commerciale d’atteindre une ampleur suffisante pour justifier la préparation et le déclenchement immédiat d’une action introductive d’instance.

Inconvénient inévitable : le salarié risque d’être encore présent dans l’entreprise s’il saisit la CNIS (ou le TGI) dans le délai de 3 années à compter de la date où il s’estime en capacité d’exercer son droit. Si c’est le cas, il va être victime de représailles, généralement licencié. Il faut donc qu’il recherche sans tarder un nouvel employeur (à moins qu’il ne créé sa propre entreprise).

Autre remarque importante : la rédaction de l’article précité L. 3245-1  montre qu’il vise les sommes dues à caractère salarial et dont le paiement est périodique (mensuel). Le montant de ces créances salariales est donc déterminé (ou éventuellement déterminable). Tel n’est pas le cas des rémunérations supplémentaires d’inventions de mission - et hors mission attribuables - dont le paiement n’a aucun caractère périodique et n’est généralement pas déterminé ni pas déterminable faute d’informations suffisantes. (Sauf les primes forfaitaires versées au dépôt des brevets de priorité et lors des extensions à l’étranger).

IV)            Rétroactivité de la prescription de 3 ans à compter de l’assignation en cas de mode de calcul connu et de versement périodique (annuel) des rémunérations supplémentaires d’invention

En vertu d’un Accord d’entreprise au sens de L.611-7 CPI, la rémunération supplémentaire  due peut être une créance périodique d’au maximum 12 mois, et son montant peut normalement être calculé par le salarié à partir des informations dont il peut disposer s’il est encore dans l’entreprise (Accords d’entreprise Institut Pasteur, EDF-Mines, TOTAL).

  • On connaît un cas de jurisprudence où ces modalités (délai quinquennal appliqué rétroactivement à compter de l’assignation, (comme pour le délai de 3 ans en matière de contrefaçon de brevets) ont été reconnues valables (affaire SONIGO c/ Institut Pasteur, CA Paris 16/06/2002, Cour de cassation 22/02/2005).

Explication : le montant des rémunérations supplémentaires dues était déterminé et déterminable par le salarié grâce à un Accord d’entreprise fixant ses modalités de calcul –un pourcentage déterminé annuel des redevances de licences d’exploitation encaissées par l’Institut Pasteur) à partir des résultats d’exploitation de l’invention, dès lors que le salarié avait pu avoir connaissance de ces résultats pour les années en cause.

Citons aussi pour mémoire les Accords d’entreprise, très défavorables aux salariés EDF-Mines de 2012 et Total de juin 2013.

 

 

Section C

V)                La nouvelle prescription de 3 ans applicable aux justes prix d’inventions attribuables ?

L’article L.3245-1  nouveau du Code du Travail se rapporte aux salaires.

Le juste prix d’une invention attribuable doit-il être considéré comme un salaire ?

Dans l’affirmative la loi du 14 juin 2013 lui serait applicable. Dans la négative elle ne le serait pas.

En faveur de la première interprétation on peut observer que les inventions attribuables sont conçues par des salariés, et qu’à ce titre elles sont traitées par l’article L. 611-7 du CPI relatif aux inventions de salariés.

En faveur de la seconde interprétation, il doit être rappelé que les auteurs salariés d’inventions hors mission attribuables conçoivent et réalisent celles- ci hors du cadre de leur contrat de travail, même s’ils utilisent le plus souvent des moyens matériels et éventuellement en personnel mis à leur disposition par l’entreprise. Sous ce rapport, ils n’agissent donc pas en tant que salariés, dont la caractéristique essentielle de leur statut social est un lien de subordination avec l’employeur.

Selon l’article L. 611-7 2° du Code de la propriété intellectuelle les auteurs d’inventions attribuables sont, contrairement aux salariés auteurs d’inventions de mission, originellement propriétaires de leurs inventions. De sorte qu’ils sont légalement assimilés à des inventeurs indépendants, extérieurs à l’entreprise.

Corrélativement l’Administration fiscale applique au juste prix le régime des BNC, qui est celui des revenus non salariaux et à caractère non commercial des inventeurs indépendants. Ces derniers ne perçoivent pas de salaires pour l’exploitation de leurs inventions par des entreprises, mais des redevances de licences ou des montants de cessions de brevets, qui  n’ont évidemment pas  la nature de salaires.

Les salariés auteurs d’inventions attribuables peuvent percevoir des justes prix sous des formes comparables.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, il nous semble donc que  la réponse à la question ci-dessus devrait être négative : c’est la seconde interprétation qui devrait être retenue par la jurisprudence.

VI)             Prescription triennale inadaptée aux actions en paiement de rémunérations d’inventions

Autre inconvénient de la nouvelle prescription à durée réduite de 3 ans, inconvénient commun aux inventions de mission et hors mission attribuables : une durée aussi courte qu’une prescription triennale (de nature glissante et dont le point de départ reste a priori indéfini) n’est guère compatible avec les durées d’exploitation industrielle/commerciale des inventions sur  une période de durée suffisante : 5 ans, 10 ans, 15 ans…) indispensable pour pouvoir évaluer avec pertinence l’intérêt économique/commercial d’une invention, qu’elle soit de mission ou HM attribuable.

De ce fait, les salariés inventeurs pourront être amenés à devoir engager prématurément des actions judiciaires avant d’avoir eu le temps de déterminer la valeur économique réelle de leur invention, mais pour ne pas risquer d’être déboutés par extinction de la prescription de 3 ans, alors qu’ils sont encore présents dans l’entreprise.

Ce qui aurait alors pour conséquence leur licenciement par l’employeur… Afin de ne pas perdre leur emploi, nombre d’entre eux peuvent alors choisir de renoncer, au moins provisoirement, à exercer leurs droits légaux à rémunération supplémentaire ou à juste prix…Mais lorsqu’ils auront quitté l’entreprise des années après, il sera trop tard car ils seront forclos…

Sous couvert d’un « alignement sur les délais de prescription des autres pays européens », prétexte invoqué pour justifier les lois du 17 juin 2008 et du 14 juin 2013, le législateur n’a-t-il pas voulu en réalité entraver davantage les inventeurs salariés dans l’exercice de leur droit à rémunération spécifique de leurs inventions ?...

Il semblerait alors en contrepartie justifié de prendre des mesures réglementaires ou législatives préventives (sanctions financières) dont l’objet serait de dissuader l’employeur de licencier abusivement le salarié- inventeur parce qu’il a demandé le paiement de la  rémunération qui lui était due.

Le 13 décembre 2013

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