Des rémunérations d'inventions ne tenant pas compte de l'exploitation commerciale jugées normales par le TGI de Paris !
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS
3ème chambre 4ème section
N°RG:
13/07908
N° MINUTE:
JUGEMENT
rendu le 19 novembre 2015
DEMANDEUR
Monsieur Pamphile Marin WILSON
représenté par Me Philippe SCHMITT, avocat au barreau de PARIS,
vestiaire #A0677
DÉFENDERESSE
S.A. SKF FRANCE
34 avenue des 3 Peuples
78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
représentée par Me Olivier ANGOTTI, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #T0004
COMPOSITION DU TRIBUNAL
François THOMAS, Vice-Président
Laure ALDEBERT, Vice-Présidente
Laurence LEHMANN, Vice-Présidente
assistés de Sarah BOUCRIS, Greffier.
Expéditions exécutoires délivrées le :
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3ème chambre 4ème section
N° RG : 13/07908
DÉBATS
A l'audience du 16 septembre 2015 tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
La société SKF France SA conçoit, produit et commercialise des roulements mécaniques. Elle propose en particulier aux constructeurs et équipementiers automobiles une vaste gamme de produits visant à optimiser la rotation par roulement entre des pièces mécaniques.
Elle appartient au groupe SKF qui se présente comme le premier fournisseur mondial de produits et de solutions sur les marchés des roulements, des systèmes de lubrification, de la mécatronique, de l'étanchéité et des services.
La conception des roulements mécaniques, en particulier la phase de recherche et de développement, est assurée en interne par une équipe d'ingénieurs et de techniciens au sein de laquelle travaille monsieur Pamphile WILSON.
Monsieur WILSON a été engagé par la société SKF France le 21 mai 1990 en qualité de Technicien Développement - niveau 3, échelon 3, coefficient 240 de la convention des ingénieurs et cadres de la Métallurgie.
Dans le cadre de ses fonctions, il assurait le développement des produits et participait aux études marketing. Il était notamment chargé de «définir la composition des kits » et de « créer des kits prototypes ».
Il a évolué dans ses fonctions passant à compter du 10 septembre 1999 au niveau 2 avec pour mission de « suivre et participer à l'industrialisation des produits développés » et de « concevoir, développer et dessiner des produits rechange en conformité avec les standards ISO et TSA 6949 ».
Depuis le ler décembre 2011, il occupe le poste de Technicien Analyse Concurrence VSM niveau 5, échelon 2, coefficient 335 - au sein du département « Vehicle Parts Operations Europe ».
A ce titre, il est notamment chargé de proposer et de développer des améliorations des produits de la gamme VSM, après avoir procédé à une analyse technique des offres concurrentes. Monsieur WILSON considérant qu'il n'avait pas reçu la juste contribution financière due par son employeur du fait des inventions brevetées auxquelles il a participé en tant qu'inventeur salarié, en vertu de l'article L611-7 du code de la propriété intellectuelle, a fait citer la société SKF France devant le tribunal de grande instance de Paris, le
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29 mai 2013.
Par ordonnance en date du 15 mai 2014, le juge de la mise en état a
ordonné, sous astreinte provisoire, la communication des pièces
suivantes :
« 1/ L'attestation de Monsieur Narbonnais Cédric comportant les
dispositions de l'article 441-7 du code pénal, qu'il a connaissance de
l'assignation délivrée à la requête de Monsieur Wilson le 29 mai 2013
d'une seconde part, le montant perçu par lui au titre de la rémunération
supplémentaire et d'une troisième part, une estimation de la part
inventive de chacun des inventeurs sur l'invention ayant fait l'objet de
la demande française FR 2 954 437,
2/ La liste de tous les titres déposés sur la base des demandes
françaises FR 2 766 248, FR 2 840 378, FR 2 847 318, FR 2 932 863
et FR 2 954 437, notamment tous les titres qui en sont issus, plus avant
désignés les titres des cinq familles de brevets, et l'état de leur situation
et de l'identité de leur titulaire actuel auprès des offices, situation
certifiée par un cabinet de conseil en propriété industrielle,
3/ Tous les accords et contrats par lesquels la société AKTIEBOLAGET
SKF, Hornsgatan 1, 41550 Goteborg, Suède a pu être désignée comme
titulaire des titres des cinq familles de brevets notamment des
demandes françaises FR 2 840 378, FR 2 847 318, FR 2 932 863 et FR
2 954 437, et toutes indications utiles permettant de déterminer la
contrepartie dont a bénéficié la société SKF France
4/ La liste de toutes les sociétés autres que la société SKF France
qu'elles appartiennent ou non au Groupe SKF et qui ont détenu ou
détiennent directement ou indirectement notamment par licence,
acquisition totale ou partielle d'un quelconque démembrement du titre,
apport, nantissement, garantie bancaire ou autre un droit quelconque
sur l'un ou l'autre des titres des cinq familles de brevets,
5/ La copie de tous les contrats y compris les contrats de vente, de
licence, de fourniture et contrats d'apport, portant sur tout produit
couvert directement ou indirectement notamment par fourniture de
moyens, à l'une quelconque des revendications de l'un ou de l'autre des
titres des cinq familles de brevets,
6 / Le détail de tous les paiements reçus en rapport avec l'un ou l'autre
des titres des cinq familles de brevets par les sociétés du Groupe SKF
y compris les sociétés SKF France et AKTIEBOLAGET SKF ou dans
laquelle l'une ou l'autre des sociétés du Groupe SKF France ont détenu
ou détiennent une participation d'au minimum 30 %,
7/ Tous documents relatifs à la valorisation des inventions visées aux
cinq familles de brevets notamment tous documents chiffrant leur
valeur économique y compris le volume des ventes,
la marge brute, la marge nette, les économies de production et leur
intérêt commercial, le tout certifié par le commissaire aux comptes de
la société SKF France, celui-ci précisant la nature de ses
investigations, des documents qui lui ont été remis et si ceux-ci lui
paraissent suffisants au regard de la certification demandée,
et ce dans le délai de deux mois suivant la signification de
l'ordonnance, sous astreinte de 100 euros par pièce manquante et par
jour pour les pièces 2 à 7,
-réservé la liquidation de l'astreinte,
-renvoyé à l'audience de mise en état en date du 4.09.2014 à 15h, le
demandeur devant avoir conclu pour le 1 er.09. 2014,
-réservé les dépens et les frais irrépétibles. »
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Le 3 juin 2014, est intervenue la signification de l'ordonnance précitée
à la société SKF France.
Monsieur WILSON estimant qu'aucun des documents n'avait été
transmis, a par conclusions d'incident en date du 29 août 2014, sollicité
la liquidation de l'astreinte prononcée et la majoration de son montant
pour l'avenir. Le 4 septembre 2014, la société SKF France a transmis des pièces
numérotées 24 à 26.
Par une seconde ordonnance du 18 décembre 2014, le juge de la mise en état a liquidé partiellement l'astreinte et condamné la société SKF à verser à Monsieur WILSON la somme de 20 000 euros au titre de la liquidation d'astreinte provisoire arrêtée au 5 novembre 2014 et la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de
procédure civile.
Par ses dernières conclusions signifiées le 13 avril 2015, monsieur
WILSON demande au tribunal de :
- rejeter la prescription partielle opposée par la société SKF France,
- constater que la société SKF France affirme que « Monsieur Pamphile
WILSON a donc toujours eu des fonctions comprenant une mission
inventive depuis son entrée au sein de la société SKF France SA. »,
- condamner la société SKF France à payer à Monsieur Wilson pour sa
rémunération supplémentaire d'inventeur salarié au titre des primes des
titres des brevets :
- invention n° 1 : la somme de 2 198,39 euros
- invention n° 2 : la somme de 3 103 euros
- invention n° 3 : la somme de 4 683 euros
- invention n° 4 : la somme de 4 300 euros
- invention n° 5 : la somme de 2 223 euros
- invention n° 6 : la somme de 1 000 euros
- ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Wilson
sous astreinte de 100eurospar mois de retard passé un délai d'un mois
après le prononcé du jugement une attestation de son conseil en brevets
indiquant la situation des différents titres déposés et relatif à l'invention
numéro 6 qui a notamment fait l'objet de la demande de brevet
européen EP 2 687 737,
- ordonner à la société SKF France d'inscrire auprès de l'Office
Européen des Brevets à la demande de brevet européen EP 2 687 737
et à tous titres qui en seraient issus auprès des offices correspondants
dans la rubrique « inventeur » également le nom de monsieur Pamphile
Wilson et de lui en justifier, et ce sous astreinte au bénéfice de
monsieur Wilson de 500eurospar mois de retard passé un délai de 3
mois après que le jugement soit devenu définitif,
- condamner la société SKF France à payer à monsieur Wilson pour sa
rémunération supplémentaire pour l'exploitation de l'invention n° 1 sur
la période des exercices clos sur la période du 31 décembre 1998 au 31
décembre 2012, la somme nette de 3 273 euros,
- ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Wilson
le détail de tous les paiements reçus en rapport avec l'un ou l'autre des
titres des 6 familles de brevets et par références exploitées par les
sociétés du groupe SKF y compris les sociétés SKF France et
AKTIEBOLAGET SKF ou dans laquelle l'une ou l'autre des sociétés
du groupe SKF ont détenus ou détiennent une participation de
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minimum 30 % et le profit net réalisé par invention, le détail des ventes
par référence et le profit net étant attestés par son commissaire aux
comptes, et par exercice et ce dans les 3 mois de la clôture de chaque
exercice sous astreinte de 500eurospar mois de retard et par attestation
manquante et par famille de brevets ou par brevet manquants au
bénéfice de monsieur Wilson, et ce par famille de brevet jusqu'au
terme de la dernière revendication valable du dernier brevet
correspondant de chaque famille,
- ordonner à la société SKF France de communiquer à Monsieur Wilson
les mêmes documents sous mêmes conditions d'astreinte pour les
exercices antérieurs clôturés au jour du prononcé du jugement pour
l'invention n° 1, ayant débuté depuis le 1 er janvier 2013, et pour les
autres inventions depuis la date de dépôt de la première demande de
brevet correspondant,
- condamner la société SKF France à payer sur le profit net par exercice
de l'exploitation de chaque invention à monsieur Wilson et de lui
adresser dans un délai de 3 mois après la clôture de l'exercice concerné
le montant net correspondant à:
Invention 1: 2,5 %
Invention 2 : 3,33 %
Invention 3 : 5%
Invention 4 : 3,33%
Invention 5 : 3,33%
Invention 6 : 2,5 %
- condamner la société SKF FRANCE à payer à monsieur Wilson la
somme de 6 600 euros en application de l'article 700 du code de
procédure civile,
- condamner la société SKF FRANCE aux entiers frais et dépens au
bénéfice de Me Philippe Schmitt en application de l'article 699 du code
de procédure civile.
Par ses dernières conclusions signifiées le 16 mars 2015, la société SKF
France demande au tribunal de :
A titre principal :
- constater que monsieur WILSON a reçu une rémunération
supplémentaire suffisante au titre des inventions ayant donné lieu au
dépôt des brevets FR 2 766 248, 2 840 378, 2 847 318, 2 932 863 et 2
954 437,
A titre subsidiaire :
- constater que la rémunération perçue par monsieur WILSON
correspond au «juste prix » des inventions ayant donné lieu au dépôt des
brevets FR 2 766 248, 2 840 378, 2 847 318, 2 932 863 et 2 954 437,
En toute hypothèse :
- constater la prescription partielle des demandes de monsieur Pamphile
WILSON,
- débouter Monsieur WILSON de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Monsieur WILSON aux dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mai 2015.
MOTIVATION
Les parties s'accordent à reconnaître que le contrat de travail liant
monsieur WILSON à la société SKF a toujours comporté une mission
inventive correspondant à ses fonctions effectives, et ce, dès l'origine
de la relation contractuelle.
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Elles s'entendent également pour constater que 5 des 6 inventions
auxquelles aurait participé en tant qu'inventeur monsieur WILSON ont
fait l'objet de brevets et de rémunérations supplémentaires de la société
SKF France, mais considérées comme insuffisantes par monsieur
Wilson.
S'agissant de la 6ème invention revendiquée, un désaccord existe sur le
fait de savoir si elle a fait l'objet d'un brevet.
Sur les inventions objets de la procédure
Invention n° I « Butée de débrayage avec surface d'attaque rapportée »
Monsieur Wilson est inventeur, désigné comme co-inventeur avec trois
autres personnes du brevet français FR 2 766 248 déposé le 15 juillet
1997 au nom de la société SKF FRANCE qui a pour titre « Butée de
débrayage avec surface d'attaque rapportée ».Ce brevet français a été délivré le 27 août 1999, il est toujours en vigueur.
Ce brevet a fait l'objet d'une extension auprès de l'OEB, EP 08 921
880. Le brevet européen a été délivré le 24 octobre 2003. Il est toujours
en vigueur en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie.
Monsieur Wilson indique avoir reçu 394,24 euros de prime d'invention
et 382,37 euros de prime de dépôt de brevet.
Invention n° 2 « Butée de débrayage avec éléments d'attaque rapporté »
Monsieur Wilson est inventeur, désigné comme co-inventeur avec deux
autres personnes du brevet français FR 2 840 378 déposé le 28 mai
2002 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan 1,
41550 Goteborg, Suède et qui a pour titre « Butée de débrayage avec
surface d'attaque rapporté ».
Ce brevet français a été délivré le 26 août 2005. la société SKF précise
que le brevet français serait déchu.
Ce brevet a fait l'objet d'une extension auprès de l'OEB, EP 1 367 281.
Ce titre a été délivré et est toujours valable en France ainsi qu'en
Allemagne, en Grande-Bretagne et en Italie.
La société SKF précise que ce brevet ne ferait pas l'objet d'une exploitation commerciale.
Monsieur Wilson indique avoir 370 euros reçu de prime d'invention et
760 euros de prime de dépôt de brevet.
Invention n° 3 « Butée de débrayage avec élément d'attaque rapporté
et procédé de fabrication »
Monsieur Wilson est inventeur, désigné comme co-inventeur avec une
autre personne du brevet français FR 2 847 318 déposé le 14 novembre
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2002 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan 1,
41550 Gôteborg, Suède et qui a pour titre « Butée de débrayage avec élément d'attaque rapporté et procédé de fabrication ».
Ce brevet français a été délivré le 16 décembre 2005. la société SKF
précise que le brevet français serait déchu.
Ce brevet a fait l'objet d'une extension auprès de l'OEB, EP 1 420 184.
Ce titre a été délivré le 16 mars 2005 et est toujours valable en France
ainsi qu'en Allemagne, et en Italie.
La société SKF précise que ce brevet ne ferait pas l'objet d'une
exploitation commerciale. Monsieur Wilson indique avoir reçu 507 euros de prime d'invention et 760 euros de prime de dépôt de brevet.
Invention n°4 « Dispositif de poulie pour galet tendeur ou enrouleur»,
également déposée sous le titre « Dispositif de poulie pour rouleau de
galet ou de coulisseau tendeur »
Monsieur Wilson est inventeur, désigné comme co-inventeur avec deux
autres personnes du brevet français FR 2 932 863 déposé le 23 juin
2008 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, Hornsgatan 1,
41550 Gôteborg, Suède et qui a pour titre « Dispositif de poulie pour
galet tendeur ou enrouleur ».
Ce brevet français a été délivré le 10 décembre 2010, il est toujours en
vigueur.
Ce brevet a fait l'objet d'une extension PCT WO 201006857 sous le
titre « Dispositif de poulie pour rouleau de galet ou de coulisseau
tendeur » et a été déposé auprès de l'OEB sous le n° EP 2 304 251.
Le brevet européen a été délivré le 4 janvier 2012 et est valable en
France ainsi que dans d'autres pays notamment l'Allemagne.
L'attestation du cabinet de conseil en brevets de la société SKF France
indique que ce brevet est également délivré aux États-Unis et en Chine.
Monsieur Wilson indique avoir reçu 533 euros de prime d'invention et
533 euros de prime de dépôt de brevet.
Invention n°5 « Dispositif de poulie pour galet tendeur ou enrouleur»
Monsieur Wilson est inventeur, désigné comme co-inventeur avec deux
autres personnes du brevet français FR 2 954 437 déposé le 23
décembre 2009 au nom de la société AKTIEBOLAGET SKF, 41550
Gôteborg, Suède et qui a pour titre « « Dispositif de poulie pour galet
tendeur ou enrouleur».
Ce brevet français a été délivré le 20 janvier 2012, il est toujours en
vigueur.
Ce brevet a fait l'objet d'une extension auprès de l'OEB, EP 2 339 211
sous l'intitulé « Dispositif de poulie pour galet tendeur ou enrouleur et
procédé de montage correspondant ».
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Le brevet européen a été délivré le 22 août 2012 et il est toujours
valable notamment en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
L'attestation du cabinet de conseil en brevets de la société SKF France
indique que ce brevet est également délivré aux États- Unis et en Chine.
Monsieur Wilson a reçu 250 euros de prime d'invention et 1 560 euros
de prime de dépôt de brevet.
Invention n°6 « Méthode de fabrication dite modulaire »
Monsieur Wilson indique être inventeur d'une méthode de fabrication
modulaire et précise qu'au jour de l'assignation il n'avait pas
connaissance qu'un brevet ait été déposé sur cette invention.
Il indique qu'il aurait cependant découvert que la société SKF France a
déposé une demande de brevet européen le 20 juillet 2012 sous le n° EP
2 687 737 intitulée « Unité à rouleaux avec un palier et un moyen de
montage et son procédé de fabrication » avec l'identification de 3
inventeurs : Messieurs Cherioux, Lasserre et Prouteau sans l'indication
de Monsieur Wilson.
La société SKF France indique que monsieur Wilson ne démontrerait
pas en quoi il serait co-inventeur de l'invention brevetée.
Sur la prescription partielle invoquée
La société SKF France oppose une prescription partielle aux demandes
de monsieur Wilson relatives aux primes de certains brevets sur les
inventions n° 1, n° 2 et n° 3 et pour partie seulement des montants
demandés en arguant d'une prescription de 5 ans.
Monsieur Wilson s'oppose à cette prescription en indiquant que la
société SKF France n'établit pas l'avoir informé qu'il pouvait avoir
droit à des primes puisque cette société n'avait pas mis en place de
telles primes pour ces différents événements de la vie de l'invention, il
soutient qu'il n'avait aucune information sur la situation des brevets
puisqu'il a dû saisir le juge de la mise en état pour connaître ces
éléments, n'avait pas connaissance des règles internes de la société qui
lui étaient opposées avant les conclusions du 19 mars 2015.
Les rémunérations supplémentaires dues aux salariés du fait de
l'invention de brevets revêtent une nature salariale.
Conformément à l'article L3245-1 du code du travail issu de la Loi du
17 juin 2008, applicable à l'espèce au vu de l'assignation délivrée le 29
mai 2013, soit antérieurement à la loi du 14 juin 2013, et 2224 du code
civil « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq
ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l'exercer ».
Les parties s'accordent du reste sur l'application de cette prescription de
cinq ans, mais s'opposent sur son point de départ.
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La prescription sera envisagée au cas par cas si le principe d'une
créance à ce titre est établi.
Sur la loi applicable
Le texte de loi applicable à la situation de l'inventeur salarié dont le
contrat de travail comporte une mission inventive est l'article L611-7
avant la loi du 6 août 2015 du code de la propriété intellectuelle qui
stipule :
« Si l'inventeur est un salarié, le droit au titre de propriété industrielle,
à défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, est
de'fini selon les dispositions ci-après :
1. Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat
de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses
fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont
explicitement confiées, appartiennent à l'employeur. Les conditions
dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une
rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions
collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de
travail.
Si l'employeur n'est pas soumis à une convention collective de branche,
tout litige relatif à la rémunération supplémentaire est soumis à la
commission de conciliation instituée par l'article L. 615-21 ou au
tribunal de grande instance. »
Le contrat de travail de monsieur Wilson n'apporte pas d'éléments sur
le quantum des rémunérations dues au titre des inventions.
Les parties s'entendent pour dire que la convention collective applicable
est celle de la Métallurgie.
L'article 26 de cette convention stipule :
« Lorsqu'un employeur confie à un ingénieur ou cadre une mission
inventive qui correspond à ses fonctions effectives (..) La rétribution
de l'ingénieur ou cadre tient compte de cette mission, de ces études ou
recherches et rémunère forfaitairement les résultats de son travail.
Toutefois si une invention dont le salarié serait l'auteur dans le cadre
de cette tâche présentait pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont
l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de
l'inventeur, celui-ci se verrait attribuer, après la délivrance du brevet,
une rémunération supplémentaire pouvant prendre la forme d'une
prime globale versée en une ou plusieurs fois [...] ».
Cependant, les dispositions de cet article qui subordonnent la
rémunération supplémentaire de l'inventeur salarié aux seules
inventions présentaient «pour l'entreprise un intérêt exceptionnel dont
l'importance serait sans commune mesure avec le salaire de
1 'inventeur » sont réputées non écrites en ce qu'elles ont pour effet de
restreindre les droits que le salarié tient de la loi et sont contraires à
l'article L611-7 dans sa rédaction issue de la loi du 26 novembre 1990.
La Cour de cassation l'avait affirmé par un arrêt rendu le
22 février 2005, régulièrement rappelé depuis lors par les juridictions.
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En revanche, les dispositions de cet article qui précisent que la prime
prend « la forme d'une prime globale versée en une ou plusieurs fois
[...1» ne sont pas contraires à l'ordre public mais ne permettent pas de
définir des règles de calcul de ces primes.
La société SKF France indique avoir mis en place un système forfaitaire
de rémunération des inventions des salariés, prévoyant un versement lié
à la brevetabilité du brevet et un autre versement lié au maintien du
brevet pour les inventions présentant un intérêt stratégique et
commercial pour lesquelles le brevet était maintenu en vigueur après
sept ans.
Elle précise qu'à compter du 1 er janvier 1997 l'octroi de la prime de
brevetabilité a été scindé en deux, une partie versée au moment du
dépôt de brevet et l'autre au moment de la délivrance du brevet. Le
montant de la rémunération a évolué ensuite à compter du 1 er avril
2008. Elle est calculée comme suit en cas de pluralité d'inventeurs :
/ à compter du ler janvier 1997:
- la rémunération de base (BR), liée à la brevetabilité de l'invention
fixée à BR =2 x (4xE3)/N
- la rémunération de maintien (MR), liée au maintien en vigueur d'un
brevet pendant une période supérieure à 7 ans fixée à MR= 2 x(E7)/N.
/ à compter du 1 er avril 2008:
- la rémunération de base (BR), liée à la brevetabilité de l'invention
fixée à BR =2 x (4xE3)/N
- la rémunération de maintien (MR), liée au maintien en vigueur d'un
brevet pendant une période supérieure à 7 ans fixée à MR= 2 x(E7)/N.
(N étant le nombre d'inventeurs, E3 le montant de la 3ème annuité et E7
celui de la 7ème annuité).
Monsieur Wilson indique que ces dispositions ne lui seraient pas
opposables.
Or, pour s'appliquer les règles définies n'ont pas nécessairement besoin
d'avoir été approuvées par un accord d'entreprise, ni individuellement
par le salarié concerné. Il n'est pas non plus nécessaire de justifier que
les règles aient été portées à la connaissance de monsieur WILSON,
étant néanmoins observé que ce dernier les a vraisemblablement
connues puisqu'il en a bénéficié depuis plus de 15 ans.
Il appartient à l'employeur de fixer les règles de rémunérations de ses
salariés inventeurs et celles ci doivent recevoir application dès lors
qu'elles ne sont contraires ni à l'article L611-7 du code de la propriété
intellectuelle, ni aux dispositions non contraires à cet article de la
convention collective et non contraires aux principes généraux définis
par la jurisprudence pour l'application de L611-7.
Monsieur Wilson tente de faire valoir que ces règles seraient contraires
aux critères jurisprudentiels définis pour fixer la rémunération due.
Or, contrairement à ses affirmations, les modalités de rémunération de
la société SKF ne sont pas contraires aux critères jurisprudentiels qui
énoncent qu'il doit être tenu compte pour les modalités de la
rémunération supplémentaire due à un salarié pour une invention de
mission du cadre général de la recherche, de l'intérêt économique de
l'invention, de la contribution personnelle de l'inventeur et des
difficultés de mise au point.
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Le fait de prévoir le versement d'une prime lors de la 7ème année de
maintien du brevet intègre suffisamment le critère posé par la
jurisprudence de l' « intérêt économique de l'invention ». Rien n'impose
que le montant de la prime soit fonction des résultats financiers tirés de
la commercialisation du brevet.
NON
Les autres critères dégagés par le jurisprudence, le cadre général de la
recherche, la contribution personnelle de l'inventeur et les difficultés de
mise au point sont également suffisamment pris en compte par la
société SKF dans la détermination des modalités d'octroi de la
rémunération supplémentaire.
Sur les demandes de monsieur Wilson relatives aux 5 premières
inventions
Monsieur WILSON ne conteste pas avoir été rémunéré pour les 5
premières inventions ci-dessus décrites en application des règles
définies par l'entreprise mais sollicite des rémunérations
complémentaires de prime en précisant qu'il aurait dû lui être versé des
primes pour les événements suivants :
- au titre de la transmission de l'invention à l'employeur,
- au titre du dépôt de la demande initiale française,
- au titre de l'extension de la demande,
- au titre de la délivrance de la demande initiale,
- au titre de la délivrance par l'office européen des brevets,
- au titre du maintien des brevets par pays après la délivrance de l'OEB,
- au titre de la délivrance du brevet en Chine et aux Etats Unis.
Cependant, monsieur WILSON ne justifie d'aucun fondement au
paiement de ces primes qui ne sont pas prévues par la société SKF. La
société SKF ne peut être contrainte au versement de primes pour de tels
événements.
Monsieur WILSON sera débouté de ses demandes, non fondées,
relatives aux 5 premières inventions sans qu'il ne soit dès lors
nécessaire d'envisager pour chacune de ces demandes infondées la
question de la prescription.
Sur les demandes de monsieur Wilson relatives à la 6 ème invention
Monsieur Wilson indique être inventeur d'une méthode de fabrication
modulaire qui lui aurait valu de son employeur un prix honorifique «
excellence award » en 2006.
Il indique que cette méthode aurait fait l'objet d'une demande de brevet
européen le 20 juillet 2012 EP 2 687 737 intitulée « Unité à rouleaux
avec un palier et un moyen de montage et son procédé de fabrication »
avec l'identification de 3 inventeurs : messieurs Cherioux, Lasserre et
Prouteau sans l'indication de Monsieur Wilson.
La société SKF France répond que monsieur Wilson ne démontrerait
pas en quoi il serait co-inventeur de l'invention pour laquelle ce brevet
EP 2 687 737 aurait été sollicité puis d'ailleurs ultérieurement
abandonné.
Elle indique que la méthode de fabrication modulaire revendiquée par monsieur WILSON n'était pas brevetable et n'a en tant que telle jamais fait l'objet d'un dépôt de brevet.
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Décision du 19 novembre 2015
3ème chambre 4ème section
N° RG : 13/07908
Monsieur Wilson ne démontre pas en quoi la conception de la méthode
à laquelle il aurait participé avant 2006 serait celle qui aurait permis le
dépôt de la demande de brevet européen le 20 juillet 2012 n° EP 2 687
737, alors même que cela est contesté tant pas la société SKF que par
messieurs Cherioux, Lasserre et Prouteau les inventeurs désignés.
Monsieur Wilson sera dès lors débouté de ses demandes relatives à
cette invention tant pécuniaires que liées à des communications de pièces.
Sur les autres demandes
Monsieur Wilson qui succombe sera condamné au paiement des dépens
étant par ailleurs précisé que la société SKF France ne formule pas de demandes
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au titre de ses frais irrépétibles.
Les circonstances de l'espèce ne justifient pas le prononcé de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS, le tribunal,
Statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
Déboute monsieur Pamphile WILSON de l'ensemble de ses demandes,
Condamne monsieur Pamphile WILSON aux dépens de À'listance.
Fait et jugé à Paris, le 19 novembre 2015.
Le Greffier Le Président