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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
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Inventions de salariés et de dirigeants sociaux, procédure civile
8 juin 2012

Rémunération supplémentaire d'invention de mission pour des inventions non exploitées selon l'employeur

Décision  du Tribunal de Grande Instance de Paris  (3ème chambre, 2ème section) X… c/ société SOPHYSA  du 16 décembre 2011

Rémunération supplémentaire d’inventions de salarié non versée- inventions non exploitées selon l’employeur- Rémunération globale fixée à 15000 euros – contestation par le salarié de la qualité de co- inventeurs cités dans un brevet (non recevable)- Demande de réparation du préjudice invoqué par l’employeur du fait d’un refus de signature de documents par le salarié pour la demande de brevet américain – Rémunération supplémentaire obligatoire non payée ; demande de réparation rejetée.

1)      Faits et procédure

Mr X… a été embauché par la Sté SOPHYSA le 1/12/2004 comme ingénieur responsable de projet. La Sté SOPHYSA exerce son activité dans le domaine de la recherche médicale et relève de la CC de la métallurgie.

Dans l’exercice de ses fonctions de recherche, le salarié X… a été désigné co- inventeur de deux inventions objets de dépôts de brevets français FR 2 896 422 et FR 2 928 553.Le second brevet FR a fait l’objet d’une extension PCT WO 2009113037 au Japon, aux US et en Europe.

Le 7 /09/2007 le salarié X… est licencié.

N’ayant perçu aucune rémunération supplémentaire pour ces inventions, M. X… demande le 16/11/2009 que soient portés à sa connaissance les éléments de détermination de cette rémunération, et quel montant son ex- employeur envisage de lui verser.

Aucun accord n’étant en vue, le 17/02/2010 M. X… assigne SOPHYSA devant le TGI de Paris et demande notamment :

une rémunération supplémentaire globale de 101 500 euros.

Qu’il soit jugé que Mr N…, l’un des co- inventeurs cités dans le brevet FR 20928 553 portant sur une valve électronique et ses extensions sous priorité PCT, USA, Japon et Europe, n’a eu aucune contribution inventive et que sa désignation comme inventeur doit être retirée.

Qu’il soit ordonné à SOPHYSA de communiquer toutes les informations nécessaires à l’appréciation de l’intérêt économique des 2 inventions, notamment leurs chiffres d’affaires d’exploitation, les prévisions du marché pour les années à venir.

Que soient écartées des débats un certain nombre de pièces versées par SOPHYSA , certaines d’entre elles n’étant pas traduites en français, et les autres ne lui étant parvenues que postérieurement à la date de l’ordonnance de clôture.

SOPHYSA soutient :

a)que le salarié X… n’est pas l’inventeur unique de l’invention dite « valve électronique » du FR 2 928 553 et du PCT correspondant et que sa demande visant Mr N… est irrecevable et doit être retirée

b) et propose de verser au salarié X…, en application du barème interne de l’UIMM pour les primes d’inventions, 1 338 euros dont 925 euros pour l’invention du FR 2 896 422 et 412,50 euros pour l’invention du FR 2 925 553.

2)      La décision

Demande de rejet des débats des pièces non traduites et parvenues tardivement au salarié X…

2a) Les pièces 60 et 63 à 65 en langue étrangère n’ont pas été traduites en français, et en conséquence sont rejetées des débats. SOPHYSA affirme que les nombreuses autres pièces ont été communiquées par voie électronique le 27 octobre 2011, soit 6 jours avant l’ordonnance de clôture intervenue le 3 novembre 2011.

Ce que conteste Mr X… qui déclare que seules 4 dont une en langue étrangère lui sont parvenues le 27 octobre, copie d’écran à l’appui.

Quant aux autres pièces « à supposer que la Sté SOPHYSA ait effectivement communiqué les pièces litigieuses le 27 octobre 2011 comme elle l’indique, ce que ne révèle pas néanmoins la copie d’écran insérée dans les écritures du demandeur, la communication de 28 nouvelles pièces 6 jours avant l’ordonnance de clôture, intervenue le 3 novembre 2011, ne respecte pas le principe du contradictoire et ne met pas l’adversaire en mesure d’exercer utilement ses droits.

En conséquence il y a lieu de rejeter du débat les pièces n°…(28 pièces) communiquées par SOPHYSA. »

En effet souligne le tribunal,  cette façon de procéder ne satisfait manifestement pas aux exigences de l’article 15 du Code de Procédure civile, lequel exige que « les parties doivent se faire connaître mutuellement et en temps utile les moyens de fait que lesquels elles fondent leurs prétentions, les moyens de preuve qu’elles produisent, et les moyens de droit qu’elles  invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. »

Verser aux débats 28 pièces quelques jours avant l’ordonnance de clôture, (à supposer que cela soit le cas comme le prétend SOPHYSA) ne permet pas à l’adversaire d’examiner ces pièces et d’élaborer une défense en temps voulu. Il est donc normal qu’elles soient rejetées comme irrecevables.

Participation d’autres co- inventeurs que Mr X…

Le salarié X… soutient que pour l’invention du brevet FR 2 928 553 la participation de Mr N… est inexistante et que deux autres co- inventeurs cités pour la seconde invention, relative au brevet FR 2 896 422, leur contribution inventive est inférieure à la sienne.

Le TGI juge cette requête irrecevable car les 3 personnes précitées ne sont pas parties à la procédure. Il se prononce ainsi :

« Attendu que la défenderesse fait valoir à juste titre que cette demande ne peut prospérer du fait que Mr N… ni Mr C… M… ni Mr C… B… , dont les droits sont susceptibles d’être affectés par les prétentions de Mr X…,ne sont pas (sic) dans la cause. »

 

Conclusion : une requête de ce type ne peut être examinée par le tribunal que si les personnes en cause sont également assignées dans la même procédure.

Rémunération supplémentaire

SOPHYSA déclare que les deux inventions ne sont pas exploitées. Le salarié X… ne dispose pas d’informations relatives à leur exploitation car il a été licencié en en septembre 2007.

L »inventeur X… demandait à titre principal une somme forfaitaire de 101 500 euros, et à titre subsidiaire la communication forcée de pièces.

Le tribunal constate :

« S’agissant du brevet FR 2 928 553, le demandeur ne peut se contenter d’affirmer que l’invention présente un intérêt considérable pour l’employeur et en établir l’exploitation par un simple article paru dans l’est Républicain le 15 mars 2008 et qui fait état, à cette date, d’une production prévue et d’un budget prévisionnel. »

« Attendu en l’espèce que l’importance de l’exploitation des deux brevets n’est pas connue (…) Attendu que SOPHYSA propose l’application du barème de l’UIMM aux deux inventions et de fixer ainsi la rémunération supplémentaire de Mr X… à 925 euros pour l’invention objet du brevet FR 2 896 422 et à celle de 412,50 euros pour l’invention FR 2 928 553. »

Au passage on relève le caractère d’aumônes des rémunérations d’inventions du barème de l’UIMM, comparable à celui d’ALSTOM (600 euros bruts par inventeur)…Et pour que ces primes dérisoires soient proposées par l’employeur il a fallu que le salarié X… l’assigne en justice !

En définitive les juges du fond estiment  posséder des éléments suffisants pour « fixer à 10 000 euros la rémunération supplémentaire pour l’invention du brevet FR 2 896 422 du 17 avril 2009 « Système de drainage pour le traitement de l’hydrocéphalie »,  et à 5000 euros pour l’invention du FR 2 928 553 du 14 septembre 2009 et ce sans qu’il soit besoin de faire droit à la demande de pièces complémentaires. »

Le tribunal a apprécié souverainement le montant de la rémunération supplémentaire globale et n’a donc pas ordonné la communication de pièces.

Non signature par le salarié Mr X… de documents relatifs à la demande de brevet aux Etats- Unis revendiquant la priorité du FR 2 928 422

SOPHYSA déclare que Mr X… a refusé de signer ces pièces nécessaires pour la procédure de délivrance du brevet américain, et que cela lui aurait occasionné un préjudice dont elle réclame réparation à hauteur de 10 000 euros.

Mr X… déclare dans ses écritures n’avoir jamais refusé de signer les documents en cause dès lors qu’ils reflétaient la réalité, ce dont le tribunal lui donne acte.

Le salarié X… avait été sollicité pour signer deux documents : un premier formulaire où il devait reconnaître la qualité de co- inventeur de Mr N…, et un second formulaire  de cession de ses droits sur le brevet américain pour 1 US $. Il ne pouvait signer le premier puisqu’il contestait cette qualité devant le TGI, ni le second puisqu’il réclamait plus de 100 000 euros.

Le tribunal se prononce en ces termes :

« Toutefois la demanderesse n’ayant pas versé de rémunération supplémentaire à Mr X…, qu’elle reconnaît pourtant lui devoir, ne justifie ni du principe ni du quantum du préjudice qu’elle invoque.

Que sa demande sera dès lors rejetée… »

Cette situation est relativement fréquente : le litige entre lui et l’employeur sur ses droits à rémunération supplémentaire suivant son cours, et l’employeur refusant de payer une  rémunération supplémentaire ou n’acceptant qu’un montant symbolique, le salarié décide de refuser de signer la Déclaration sous serment certifiant qu’il est co- inventeur ou bien  le seul et unique inventeur à l’origine de la demande de brevet américain.

L’attendu du TGI de Paris rejette la demande de paiement d’un éventuel préjudice par l’employeur pour non signature par l’inventeur salarié, en établissant une relation entre le non paiement de rémunération supplémentaire au salarié inventeur et la non- signature de documents par le salarié.

Afin d’éviter ce type de problème (le refus de signature par rétorsion par le salarié est déconseillé) il est possible et même conseillé de signer une transaction spécifique entre le salarié et l’ex- employeur, aux termes de laquelle le salarié signe à titre conservatoire, sans que cette signature puisse lui être opposée  dans le cadre du procès.

Cette décision du TGI de Paris a été frappée d’appel. Ce qui est quelque peu surprenant au vu de la modicité des montants des deux rémunérations supplémentaires.

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